Entre autres, l’article 81.19 L.N.T. énonce que :
« Tout salarié a droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique.
« L'employeur doit prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu'une telle conduite est portée à sa connaissance, pour la faire cesser. »
Quant à l’article 81.18 L.N.T., il précise que :
« Pour l’application de la présente loi, on entend par “harcèlement psychologique” une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste.
« Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié. »
On y donne aussi un aperçu du traitement d’un dossier de harcèlement, lequel doit comprendre les éléments devant être prouvés, l’appréciation de la preuve, le dépôt de la plainte et les obligations de l’employeur. On y présente également les mesures de redressement dont le tribunal saisi d’une plainte dispose et des exemples de plaintes pour harcèlement, entre collègues ou par un supérieur, qui ont été accueillies ou rejetées. D’autres questions, telles l’exercice normal des droits de la direction, y sont illustrées.
Les éléments qui définissent le harcèlement psychologique
Le harcèlement psychologique se définit comme une conduite vexatoire, soit une « conduite humiliante ou abusive pour la personne qui la subit, qui la blesse dans son amour-propre, qui lui cause du tourment »[1]. Cette conduite se manifeste de façon répétitive et de manière hostile ou non désirée (la preuve de l’intention n’est pas requise), porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychologique du salarié et entraîne un milieu de travail néfaste.
Les cinq éléments de la définition doivent être présents pour qu’on puisse conclure à du harcèlement psychologique.
Le législateur a ajouté l’exception contenue au 2e alinéa de l’article 81.18 L.N.T., selon laquelle une seule conduite grave qui cause une telle atteinte constitue du harcèlement psychologique si elle a un effet nocif continu.
Selon la jurisprudence, le harcèlement sexuel constitue du harcèlement psychologique[2].
L’appréciation de la preuve
Afin d’éviter la subjectivité, la preuve doit s’apprécier selon le point de vue de la victime raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, comme le soulignait la Commission des relations du travail dans l’affaire Serret c. Compagnie de la Baie d’Hudson (Centre de distribution de Pointe-Claire), SOQUIJ AZ-50551846. En effet, il est délicat de prendre, comme unique point de vue, la seule perception de la personne qui porte plainte. Cette personne peut avoir des problèmes de victimisation, de suspicion, d’exaltation, d’hypersensibilité ou souffrir de dépression ou d’un quelconque déséquilibre mental. Ces caractéristiques peuvent teinter la perception de la conduite réelle; il faut donc utiliser le critère d’appréciation de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.
Qui peut porter plainte et contre qui?
La victime doit être un « salarié », c’est-à-dire être liée à l’employeur par un contrat de travail. Ceci comprend les cadres supérieurs et intermédiaires ainsi que les salariés syndiqués ou non syndiqués, mais non les consultants, les sous-traitants, les bénévoles, les stagiaires ni les membres du conseil d’administration.
Le prétendu harceleur peut être un collègue de travail, un supérieur, un subalterne, un client, un sous-traitant, un fournisseur, un actionnaire de l’entreprise, un membre du conseil d’administration, bref tout individu qui agit dans le contexte du travail même s’il n’est pas lui-même un salarié. Par exemple, dans la cause Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, pavillon Albert-Prévost et Syndicat des professionnelles et professionnels en soins infirmiers et cardio-respiratoires de l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal (CSN), (G.A.) SOQUIJ AZ-50519043, une infirmière s’est plainte du harcèlement exercé par un médecin (non salarié) de l’établissement; l’objection à l’arbitrabilité du grief a été rejetée.
Le harcèlement psychologique est une faute comportementale. L'employeur a l'autorité requise ainsi que l'obligation de faire cesser un comportement fautif à l'encontre de l'un de ses salariés, de la part de quiconque, qu'il s'agisse d'un autre salarié ou d'une tierce personne agissant dans son établissement (Association des médecins résidents de Québec et Centre hospitalier universitaire de Québec [Peter Abou-Jaoude], SOQUIJ AZ-50569826).
Cela dit, la plainte (ou le grief) pour harcèlement psychologique au travail doit toujours être déposée contre l’employeur, compte tenu de l’article 81.19 L.N.T., pourvu que ce dernier soit assujetti aux lois du Québec en matière de relations du travail.
Les obligations de l’employeur
L’employeur a des obligations de moyens et non de résultat. L’article 81.19 L.N.T. s’ajoute aux autres obligations de l’employeur, notamment celles énoncées aux articles 46 de la Charte des droits et libertés de la personne (fournir des conditions de travail justes et raisonnables) et 2087 du Code civil du Québec (protéger la santé et la dignité du salarié). Ces obligations comprennent celles de :
- prévenir le harcèlement :
- ne pas commettre lui-même du harcèlement;
- adopter une politique claire et la diffuser; la politique doit préciser comment porter plainte et où diriger la plainte (personne désignée);
- former le personnel, surtout les gestionnaires;
- intervenir en présence d’un conflit, car un conflit non géré adéquatement peut devenir du harcèlement psychologique.
- faire cesser le harcèlement :
- intervenir promptement dès qu’il y a dénonciation ou connaissance d’une situation : ne pas laisser croire à la victime qu’elle est responsable;
- faire enquête : interroger la victime, le prétendu harceleur et les témoins, le cas échéant;
- imposer des mesures disciplinaires ou non disciplinaires;
- si le harcèlement est causé par un tiers, l’employeur doit aussi intervenir auprès de cette personne ou de son employeur.
Les décideurs
Salariés syndiqués qui ont droit à la procédure de grief : arbitre de griefs (les dispositions de la Loi sont réputées faire partie de toutes les conventions collectives)
Salariés syndiqués qui n’ont pas droit à la procédure de grief et salariés non syndiqués (cadres supérieurs inclus exceptionnellement) : Commission des relations du travail
Fonctionnaires non syndiqués : Commission de la fonction publique du Québec
Les mesures de redressement
Comme il est expressément mentionné à l’article 123.15 L.N.T., le tribunal possède de larges pouvoirs de réparation s’il accueille une plainte ou un grief pour harcèlement psychologique. Il est à noter que la liste des mesures présentées ci-dessous n’est pas exhaustive.
« 123.15 Si la Commission des relations du travail juge que le salarié a été victime de harcèlement psychologique et que l'employeur a fait défaut de respecter ses obligations prévues à l'article 81.19, elle peut rendre toute décision qui lui paraît juste et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, notamment :
- ordonner à l'employeur de réintégrer le salarié;
- ordonner à l'employeur de payer au salarié une indemnité jusqu'à un maximum équivalant au salaire perdu;
- ordonner à l'employeur de prendre les moyens raisonnables pour faire cesser le harcèlement;
- ordonner à l'employeur de verser au salarié des dommages et intérêts punitifs et moraux;
- ordonner à l'employeur de verser au salarié une indemnité pour perte d'emploi;
- ordonner à l'employeur de financer le soutien psychologique requis par le salarié, pour une période raisonnable qu'elle détermine;
- ordonner la modification du dossier disciplinaire du salarié victime de harcèlement psychologique.
« 123.16. Les paragraphes 2°, 4° et 6° de l'article 123.15 ne s'appliquent pas pour une période au cours de laquelle le salarié est victime d'une lésion professionnelle, au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (chapitre A-3.001), qui résulte du harcèlement psychologique.
« Lorsque la Commission des relations du travail estime probable, en application de l'article 123.15, que le harcèlement psychologique ait entraîné chez le salarié une lésion professionnelle, elle réserve sa décision au regard des paragraphes 2°, 4° et 6°. » (2002, c. 80, a. 68)
Comme les victimes de lésions professionnelles sont indemnisées par la CSST en vertu d’un régime distinct, la CRT (ou l’arbitre) doit suspendre sa décision quant à certaines mesures de réparation jusqu’à ce que la CSST ou la CLP ait tranché. En principe, il n’y a pas de chose jugée entre les deux recours, car chacun vise un objet différent.
Il semble y avoir deux écoles de pensée au sujet de la suspension des procédures. À la CRT, il semble qu’on préfère éviter de suspendre l’audition de la plainte. Ainsi, on entend la preuve, on décide s’il y a eu du harcèlement au sens de l’article 81.18 LNT et, si on estime probable qu’il y ait une lésion professionnelle (par exemple, il y a eu un congé de maladie, une invalidité), on réserve la décision quant au paiement des indemnités. L’existence d’un autre recours exercé devant la CLP n’empêche pas la CRT d’ordonner que cesse le harcèlement. Voir Abouelella et Société hôtelière Hunsons inc. SOQUIJ AZ-50542487.
Par contre, dans la cause AZ-50592030, l'arbitre a accepté de suspendre l'audition d'un grief pour harcèlement psychologique jusqu'à ce que la CLP ait rendu sa décision sur la demande d'indemnisation du plaignant.
Compte tenu du fait qu’une plainte doit être déposée dans les 90 jours suivant la dernière manifestation du harcèlement, le salarié qui fait une réclamation à la CSST a intérêt à également déposer sa plainte ou son grief en vertu de la L.N.T., car le dépôt d’une réclamation à la CSST n’aurait pas pour effet d’interrompre le délai de 90 jours.
Dans quelques décisions, des dommages moraux et punitifs ont été accordés : Lévesque et Québec (ministère de la Sécurité publique), SOQUIJ AZ-50556475 (C.F.P.), Québec (Ville de) et Alliance des professionnelles et professionnels de la Ville de Québec (Michel Plante), SOQUIJ AZ-50420033 (T.A.) et Baillie et Technologies Digital Shape inc., SOQUIJ AZ-50529636 (C.R.T.).
La distinction entre un conflit et du harcèlement psychologique
Le conflit de travail se caractérise par une opposition active, un antagonisme, entre deux personnes. Il implique que les deux personnes y sont parties prenantes de sorte que leur comportement est centré sur l’objet même du conflit et non sur l’autre personne.
Quant au harcèlement, c’est le fait de soumettre quelqu’un à des attaques incessantes, à des critiques répétées, à des pressions ou à des moqueries continuelles. Dans une situation de harcèlement, il y a aussi une part de « non-dit ». Une partie déprécie la valeur de l'autre et adopte la position de dominant, cherchant à lui faire perdre son identité. De plus, l'agresseur ne discute pas des enjeux sur une base équivalente; consciemment ou non, il veut que la victime cède. Il atteint un tel objectif en critiquant les attributs personnels de cette dernière. Association du personnel de soutien du Collège A et Collège A (F.S.), SOQUIJ (AZ-50442551) (T.A.).
L’exercice normal des droits de la direction
Les droits de la direction comprennent :
- imposer des mesures disciplinaires ou non disciplinaires;
- refuser un congé;
- exiger un rendement adéquat;
- surveiller, superviser.
C’est l’exercice abusif ou discriminatoire des droits de la direction qui peut constituer une conduite vexatoire. Un employeur qui cherche à obtenir de ses salariés un rendement adéquat par les moyens normaux qu'il a à sa disposition, que ce soit le dialogue, la formation ou même la discipline, et qui emploie efficacement et à bon escient ces outils à sa disposition ne crée certainement pas une atmosphère de travail délétère et ne commet pas davantage d'actes vexatoires. Il est fort possible, cependant, selon la personnalité du salarié, qu'il puisse considérer les remontrances ou les explications qu'on lui fait comme étant vexatoires, mais cela ne les rend pas telles. Syndicat des travailleuses et travailleurs des postes et Société canadienne des postes (Sandra Gauthier), SOQUIJ AZ-50405165 (T.A.)
PLAINTES ACCUEILLIES
Le harcèlement entre collègues
Association du personnel de soutien du Collège A et Collège A (F.S.), SOQUIJ AZ- 50442551 (T.A.)
Victime : technicienne de laboratoire dans un cégep
Harceleur : enseignantConduite : le harceleur a déprécié la valeur du travail de la plaignante, l’a ridiculisée devant les élèves, a fait preuve d’ironie et de sarcasme, a tenu des propos dégradants envers les femmes et a prononcé des paroles sur un ton agressif.
La fréquence des comportements reprochés s'est accrue à un point tel qu’en 2005, des problèmes survenaient presque chaque jour. Même si la preuve révèle que l’auteur de ces comportements a agi de façon inconsciente ou involontaire, le grief est accueilli vu l’inaction de l’employeur.
Le harcèlement de la part d’un supérieur
Marcovecchio et Communications Softel inc., SOQUIJ AZ-50546663 (CRT)
Victime : cadre intermédiaire
Harceleur : supérieur immédiatConduite : le harceleur a formulé des propos blessants, dénigrants et humiliants tels que l’utilisation des lettres majuscules pour tout le message, l’abus de signes de ponctuation exclamatifs et interrogatifs, des attaques personnelles et un langage vulgaire dans des courriels. Incident culminant : lors d’une rencontre, il a crié et a frappé sur son bureau.
Le milieu de travail était devenu à ce point néfaste qu'il constituait une menace pour le plaignant. L'employeur a omis de respecter ses obligations. Au contraire, lorsque le plaignant s'est plaint, il lui a répondu de manière vexatoire.
Si l’employeur était insatisfait du plaignant, il devait intervenir par voie administrative ou disciplinaire afin de corriger un rendement qu'il croyait inadéquat plutôt que d’utiliser un ton de plus en plus menaçant. Une personne raisonnable placée dans la même situation en serait arrivée à un constat de harcèlement.
Ouellon et 130055 Canada inc., SOQUIJ AZ-50538497 (CRT)
Victime : chargé de projet (nouvel employé)
Harceleur : patron de l’entreprise (PME)Conduite : quolibets et affectation à des tâches ne relevant pas du domaine d’expertise (sortir les déchets domestiques, ranger les pneus d'hiver, sortir le quai de l'eau et faire du covoiturage avec un collègue).
L’équilibre psychologique et émotif du plaignant a été compromis.
Selon la CRT, un milieu de travail qui ne permet pas la réalisation des objectifs liés au contrat de travail est néfaste. Le congédiement, survenu lorsque le plaignant s'est de nouveau plaint de la situation, a constitué l'aboutissement d'une situation de harcèlement psychologique.
Centre de santé et de services sociaux du Sud-Ouest — Verdun (Résidence Yvon-Brunet) et Syndicat des employés de la Résidence Yvon-Brunet (CSN), SOQUIJ AZ-50460301 (T.A.)
Victimes : trois employés des services auxiliaires (cuisine, buanderie)
Harceleur : supérieur immédiatConduite : le harceleur a fait un usage répété du téléavertisseur ou du téléphone (de 15 à 20 fois par jour, y compris durant les pauses) afin de demander où le plaignant se trouvait et ce qu’il faisait. Il l’a ridiculisé en disant qu’il s'habille mal et que ses vêtements sont sales. Il a exercé une supervision tatillonne et du favoritisme, tenu des propos à connotation sexuelle et a toléré que de tels propos soient propagés dans l'entreprise.
Cette attitude démontre un manque de respect ainsi que l’incapacité à exercer adéquatement son rôle de gestionnaire.
Rouleau et Université de Montréal, AZ-50563263 (CRT)
Victime : cadre (adjointe administrative)
Conduite : le harceleur a commis un abus de pouvoir en retirant des tâches à la plaignante, en insistant pour qu'elle subisse un bilan de compétences contre son gré, en la rétrogradant et en l'isolant sans lui confier de travail. Et ceci, en plus de faire preuve de manque de respect, de mépris et d’indifférence à son endroit, de lui faire des reproches sans fondement et d’avoir des exigences irréalistes.
Harceleur : supérieur immédiat et autres
La CRT a conclu que, du point de vue d'une personne raisonnable, le fait d'être inactif et isolé au travail pendant une longue période et contre son gré constituait une conduite vexatoire et entraînait nécessairement un milieu de travail néfaste. Elle ajoute que la plaignante n'avait rien fait pour mériter ce traitement humiliant qui portait atteinte à sa dignité et à son intégrité psychologique.
Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal (SCFP) et Montréal (Ville de), (T.A.) AZ-50529890
Victime : fonctionnaire municipal (chargé de subventions)
Harceleur : supérieur immédiatConduite : le harceleur a exercé une surveillance excessive des faits et gestes du plaignant, a critiqué sa prestation de travail et lui a imposé des directives particulières. Après une absence de 13 mois, ses collègues le fuient et on lui assigne un bureau situé dans la salle des dossiers. À l'exception d'un seul collègue, le plaignant est demeuré isolé de l'équipe de travail.
Selon le Tribunal, les propos, l'attitude, le comportement et les directives du supérieur à l'endroit du plaignant lui étaient hostiles et vexatoires. Ils ont eu l'effet de porter atteinte à sa dignité ainsi qu'à son intégrité psychologique.
Une seule conduite grave
Herman Cebert c. Groupe d’imprimerie Saint-Joseph inc., SOQUIJ AZ-50574094 (C RT).
Victime : technicien en communications, affectation chez un client
Harceleur : collègueConduite : le plaignant a été victime d’agression physique. Il s'agit d'un acte hostile qui a porté atteinte à son intégrité et à sa dignité. De plus, cette seule conduite grave a eu un effet continu en raison du choc qu'elle a causé. La CRT précise que ce n’est pas parce que l’incident s’est produit chez le client et que l’auteur de l’agression était un employé du client que cela dispensait l’employeur de ses obligations en vertu de la L.N.T.
Brunet-Jandet et 6352111 Canada inc. (Café Art Java), SOQUIJ AZ-50590710 (CRT)
Victime : serveur dans un café
Harceleur : supérieurConduite : le plaignant a été victime d’agression. Il y a eu une seule conduite grave.
Selon la CRT, l'effet nocif continu a été démontré de deux façons : 1) le plaignant a été ébranlé par cette agression et il s'est senti vulnérable au point de devoir appeler la police à son secours et il a vécu une période d'insécurité qui s'est poursuivie jusqu'à la fin des procédures criminelles; 2) la perte de son emploi est une situation consécutive au harcèlement dont il a été victime. Il en a résulté pour lui une insécurité financière qui constitue également un effet nocif continu.
L’effet nocif continu dont il est question au 2e alinéa ne se rapporterait pas nécessairement à l’atteinte à l’intégrité ou à la dignité.
L.B. et Compagnie A, SOQUIJ AZ-50403397 (CRT)
Plaignante : vendeuse dans une boutique
Harceleur : collègueConduite : la plaignante a été victime d’une violente attaque verbale lors d’une réunion. Témoin de la scène, l'employeur n'a rien fait pour faire cesser cette conduite et remettre son auteur à l'ordre. Il avait l’obligation d'intervenir afin de protéger la dignité et l'intégrité des membres de son personnel. Loin d'avoir pris les moyens nécessaires pour prévenir le harcèlement psychologique, il a commis successivement plusieurs bévues qui ont préparé le terrain pour cette explosion. Par exemple, l’employeur avait imposé des mesures disciplinaires sans respecter les principes élémentaires de justice et d'équité. La CRT a conclu que le harcèlement psychologique exercé à l’endroit de la plaignante avait produit chez elle un effet nocif continu se traduisant par de l’humiliation ainsi que des atteintes à la dignité et à l'estime de soi.
Les plaintes rejetées
Rosamilia et Cégep de Thetford, SOQUIJ AZ-50576340 (CRT)
Plaignante : directrice des ressources humaines
Harceleurs : collègues et subalternesConduite : à la suite de tensions et de divergences de vues, les représentants syndicaux déclarent qu’ils ne lui font plus confiance.
Selon la CRT, des divergences de vues entre collègues de haut niveau dans une organisation sont normales. À son avis, une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances ne les aurait pas qualifiées de harcèlement psychologique. Elle a estimé que les erreurs de la plaignante avaient contribué à créer des tensions qui avaient entraîné un conflit interpersonnel et lui avaient fait perdre la confiance des autres directeurs. Selon la CRT, les comportements reprochés ne sont pas passés du conflit à une situation de harcèlement psychologique. Ils ne possédaient pas non plus un caractère répétitif suffisant pour constituer une conduite vexatoire.
Syndicat module du Nord québécois (CSN) et Centre de santé Inuulitsivik (Module du Nord québécois), SOQUIJ AZ-50502555 (TA)
Plaignant : répartiteur
Harceleur : subalternesConduite : le plaignant a été victime de commentaires négatifs et de dénonciations du style de gestion.
L’arbitre a conclu que l'objectif des salariés contestataires n'était pas de déprécier et d'humilier le plaignant, mais d'obtenir que son type de gestion cesse, voire qu'il soit rétrogradé en raison de son incompétence. À son avis, le fait que le prétendu harcèlement ait cessé lorsque le plaignant a été rétrogradé constitue une preuve que l'essence de la problématique était un conflit de travail et non du harcèlement psychologique.
Le conflit de personnalités
Dian et Pêcheries Norref Québec inc., SOQUIJ AZ-50458938 (CRT)
Plaignant : commis d’entrepôt
Harceleur : supérieurConduite : les propos tenus par le supérieur au sujet de l'absence de compétence du plaignant étaient clairement humiliants, abusifs, hostiles et répétés. Cependant, chaque fois que ces propos ont été prononcés, le plaignant les a réfutés et a fait valoir son point de vue. La CRT a conclu qu’un tel comportement était le reflet d'une situation conflictuelle entre salariés au sujet du travail et ne constituait pas du harcèlement psychologique, lequel se caractérise par une relation de dominant-dominé.
Lizotte et Alimentation Coop La Pocatière, SOQUIJ AZ-50496504 (TA)
Plaignante : gérante
Harceleur : supérieur et collègueConduite : introduction du supérieur dans la chambre d’hôtel de la plaignante au milieu de la nuit pour lui faire des avances de nature sexuelle.
L’arbitre a conclu que, en s'immisçant dans l'intimité de la plaignante, le directeur avait fait preuve d'un comportement abusif qui constituait une conduite grave. Toutefois, bien que cette conduite répréhensible ait porté atteinte à la dignité de la plaignante, il a estimé que la preuve ne permettait pas de conclure qu'elle avait entraîné un effet nocif continu chez la plaignante.
Conclusion
Enfin, il existe aussi certains cas, dans lesquels on conclut à du harcèlement psychologique, mais où les plaintes ont été rejetées puisque l’employeur a satisfait à ses obligations.
C’est le cas notamment dans l’affaire Syndicat de la fonction publique du Québec et Québec (gouvernement du) (ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale) SOQUIJ AZ-50567839 (TA).
Dans cette affaire, la plaignante a subi du harcèlement psychologique (paroles et gestes agressifs) de la part d’un collègue. L’arbitre a conclu que, dès que l’employeur a eu connaissance de la conduite vexatoire du collègue en question, il était intervenu rapidement auprès de ce dernier afin qu'il modifie son comportement. Il a également adopté une politique en matière de prévention ainsi que de gestion du harcèlement psychologique et il en a fait la promotion. Il a mené une enquête de concert avec le syndicat et a exigé du harceleur qu'il s'excuse par écrit auprès de la plaignante. L'employeur a donc pris des moyens réels et raisonnables pour gérer la situation.
Finalement, un salarié syndiqué peut aussi, en vertu de l’article 47.2 C.tr., porter plainte contre son syndicat si ce dernier omet d’intervenir ou est de mauvaise foi. Il peut s’agir du refus de donner suite à la plainte pour harcèlement psychologique, de déposer un grief ou de soutenir la victime. Le syndicat a un devoir de juste représentation à l’égard des membres de l’unité de négociation.
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Sylvie Théoret, avocate, SOQUIJ
Source : VigieRT, numéro 46, mars 2010.
1 | Guy Poirier et Robert L. Rivest, « Les nouvelles normes de protection en cas de harcèlement psychologique au travail : une approche moderne », dans Développements récents en droit du travail, Cowansville, Yvon Blais, 2004, p. 159-160. |
2 | G.S. et H.F., SOQUIJ AZ-50438476 |