Celui-ci peut aussi devoir réorienter sa carrière à la suite d’une lésion professionnelle qui l’empêche d’occuper son emploi antérieur.
Par ailleurs, les délais dans le système de santé et les mécanismes mis en place pour le traitement des dossiers des travailleurs ayant subi une lésion professionnelle ont parfois des conséquences désastreuses.
Il y a aussi les travailleurs qui doivent composer régulièrement avec une clientèle fragilisée ou un environnement dangereux.
Quant à l’obligation d’accommodement, il s’agit, selon la jurisprudence, d’une disposition d'exception qui n'a pas pour effet de conférer compétence à la CSST et à la CLP pour forcer l'employeur à adopter des mesures d'accommodement raisonnable pour le travailleur victime d'une lésion professionnelle.
L’employeur a toutefois intérêt à prévoir les conséquences négatives d’un milieu de travail, d’une lésion professionnelle ou d’une condition personnelle, par exemple en effectuant un meilleur suivi médical sur le plan physique ou psychologique, puisqu’elles ont souvent des répercussions dans son entreprise.
Les exemples suivants illustrent bien l’importance d’un meilleur suivi des dossiers par les spécialistes des ressources humaines, psychologues et autres intervenants en matière de lésion professionnelle.
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ASSIGNATION TEMPORAIRE D’UN AUTRE EMPLOI
Le travailleur avait une raison valable de refuser d'effectuer son affectation temporaire; en effet, lors de l'exécution de ses tâches, il a été victime d'une dépression nerveuse, ce qui constitue un danger pour sa santé mentale et un obstacle à sa réadaptation.
Le 6 décembre 2005, le travailleur subit une lésion professionnelle quand sa main gauche est écrasée par une presse. Cet événement lui cause des fractures aux cinq doigts de la main gauche, pour lesquelles il subit plusieurs interventions chirurgicales. En avril 2006, le médecin traitant autorise des travaux légers. L'employeur, une agence de placement, lui assigne un travail de bureau en vertu de l'article 179 LATMP, soit accueillir des candidats et classer des papiers. Le 12 mai, le médecin traitant recommande que le travailleur soit adressé à un psychologue relativement à des difficultés d'adaptation. Le travailleur n'aimait pas le travail de bureau, il avait trop de temps pour penser et devenait dépressif. Après des tentatives infructueuses pour trouver de l'aide, le travailleur ne se présente plus au travail à compter du 31 octobre. Le 13 avril 2007, un médecin diagnostique une dépression majeure. La CSST, conformément à l'article 142 LATMP, confirme que le travailleur n'a pas droit à l'IRR depuis le 31 octobre 2006 parce qu'il a sans raison valable omis ou refusé d'exécuter l'assignation temporaire. L'instance de révision maintient cette décision.
Décision :La CLP considère que la décision de la CSST, qui invoque l'autorisation d'une assignation temporaire par le médecin traitant et estime que le fait de ne pas aimer le travail ne constitue pas un motif raisonnable justifiant de ne pas effectuer le travail assigné, écarte tout un pan du dossier. En effet, même si ce travail peut respecter les limitations fonctionnelles émises temporairement au début de l'assignation temporaire, le 26 avril 2006, par le médecin traitant, ce dernier, le 12 mai, prescrit une consultation en psychologie relativement à des difficultés d'adaptation. Le travailleur a cherché de l'aide, mais la CSST lui a répondu que son problème était un problème physique et non pas psychologique et elle l'a adressé au CLSC, où il s'est présenté, mais sans être capable de terminer ses démarches. Le fait d'être laissé à lui-même sans avoir assez de travail a nettement incité le travailleur à se complaire dans des idées noires, et jusqu'à des pensées suicidaires, et qui l'ont conduit à se déprécier et à croire qu'il ne pourrait plus gagner sa vie. N'eût été de ses parents, il n'aurait pas été en mesure de faire face à la situation à compter de janvier 2007. À la suite du diagnostic de dépression majeure posé le 13 avril 2007, la CSST a reconnu l'existence d'une lésion professionnelle psychologique. Ce diagnostic, précédé le 12 mai 2006 d'une consultation en psychologie pour difficultés d'adaptation, est l'aboutissement d'un événement traumatique que le travailleur n'a pu gérer, étant donné qu'il n'était pas capable d'aller jusqu'au bout de ses démarches. Au cours de cette période, ni l'employeur ni la CSST n'ont su percevoir que le travailleur n'était plus capable d'exercer son emploi temporaire. Le travail qu'il avait à effectuer, en ne l'occupant pas suffisamment et en le laissant développer des idées noires, en est venu à être un travail comportant un danger pour sa santé mentale et est même devenu un travail nettement défavorable à sa réadaptation. Dès lors, le travailleur avait un motif raisonnable pour cesser d'occuper une telle assignation temporaire. L'article 143 LATMP permet en conséquence de lui verser rétroactivement l'IRR à laquelle il avait droit à compter du 31 octobre 2006.
JEAN-PHILIPPE HALLÉ, partie requérante, et RANDSTAD INTERIM INC. partie intéressée, et COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL, SOQUIJ AZ-50440188
DÉLAIS DANS LES SERVICES DE SANTÉ
Le trouble de l'anxiété généralisée associé à une phobie sociale dont souffre le travailleur est relié à la hernie discale cervicale subie 7 ans plus tôt; les 215 traitements de physiothérapie, l'attente de 15 mois avant l'intervention chirurgicale et sa déception lorsqu'il a su qu'il ne pouvait reprendre son travail l'ont grandement affecté.
Le 10 octobre 1996, le travailleur subit une lésion professionnelle. Le 18 novembre, un médecin retient les diagnostics de hernie discale cervicale et d'anxiété. À l'été 1998, un médecin diagnostique une dépression situationnelle. Le 2 août, le travailleur subit une discoïdectomie et une fusion au niveau C6-C7. La CSST et l'instance de révision déclarent que le nouveau diagnostic de dépression n'est pas en relation avec la lésion professionnelle initiale. Comme le travailleur conserve des limitations fonctionnelles à la suite d'une récidive, rechute ou aggravation survenue le 22 février 2000, la CSST détermine qu'il peut bénéficier d'un programme de réadaptation professionnelle et elle déclare que l'emploi d'agent de sécurité est un emploi convenable. L'instance de révision confirme cette décision. Le 10 janvier 2002, la CLP déclare que le diagnostic de dépression est en relation avec la lésion professionnelle survenue le 10 octobre 1996 et que la détermination d'un emploi convenable est donc prématurée. Cependant, le 5 février 2003, la CLP en révision déclare que le diagnostic de dépression n'est pas en relation avec la lésion professionnelle initiale et que l'emploi d'agent de sécurité n'est pas un emploi convenable puisque la condition psychologique du travailleur n'a pas été prise en considération lorsque l'emploi a été déterminé unilatéralement par la CSST. Le 23 avril 2004, le travailleur dépose une réclamation à la CSST pour faire reconnaître que le diagnostic de trouble d'anxiété généralisée associé à une phobie sociale constitue une récidive, rechute ou aggravation survenue le 20 novembre 2003 de sa lésion professionnelle du 10 octobre 1996. Le médecin-conseil de la CSST est d'avis qu'il s'agit d'une condition personnelle et la CSST refuse la réclamation. Elle déclare par la suite que l'emploi de commis général de bureau constitue un emploi convenable. L'instance de révision confirme ces décisions.
Décision : Le travailleur avait une condition d'anxiété avant l'événement survenu au travail le 10 octobre 1996. Cependant, cette condition antérieure ne fait pas échec à toute preuve voulant que la lésion professionnelle ou ses conséquences aient exacerbé cette condition psychique, ce qui est le cas en l'espèce. En effet, dès le 18 novembre 1996, un médecin retient le diagnostic d'anxiété. Ce même diagnostic est aussi retenu le 30 avril 1997 par un autre médecin. La CLP trouve particulièrement révélatrice l'opinion du médecin-conseil de la CSST, qui, le 2 juin 1998, note « qu'après deux cent quinze traitements de physiothérapie avant son opération il y a de quoi rendre un travailleur névrosé. En conséquence, l'anxiété est acceptable ».La période d'attente avant la chirurgie, l'espoir du travailleur de retrouver sa capacité d'exercer son emploi et, finalement, sa déception à la suite de l'opération sont les éléments principaux qui expliquent l'exacerbation des problèmes d'anxiété du travailleur. Selon le témoignage du travailleur, avant l'événement du 10 octobre 1996, il avait une certaine anxiété, mais beaucoup moins qu'après l'opération subie en août 1998, de laquelle il espérait un soulagement de ses douleurs. À la suite de sa constatation que l'opération ne le soulage pas comme il l'espérait, sa condition psychique se détériore. La conjointe du travailleur corrobore également ce témoignage. Le psychiatre désigné par la CSST considère que l'incapacité physique qui a suivi la lésion professionnelle et l'incapacité de reprendre son travail ont représenté un traumatisme important pour le travailleur compte tenu du rôle central que ce travail jouait dans sa vie. Selon lui, le trouble anxieux avec phobie sociale qui s'est développé est en lien direct avec la lésion professionnelle initiale. Conclure que le problème d'anxiété relève d'une condition personnelle antérieure serait faire abstraction des conséquences de la lésion professionnelle, notamment l'importance de la perte de capacité du travailleur et son incapacité à reprendre son emploi. Le travailleur a donc subi une récidive, rechute ou aggravation le 20 novembre 2003. Cette lésion n'étant pas consolidée, la détermination d'un emploi convenable est prématurée. De plus, même si la CLP n'avait pas accepté cette lésion, l'emploi de commis général de bureau n'aurait pas été retenu comme un emploi convenable puisque, comme le précisait la décision de la CLP du 5 février 2003, la CSST devait tenir compte de la capacité résiduelle globale du travailleur pour déterminer un emploi convenable, ce qui n'a pas été fait en l'espèce.
SERGE BROUISLLARD, partie requérante, et VALPIRO INC., partie intéressée, et COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL, partie intervenante, SOQUIJ AZ-50456236
LÉSION PSYCHOLOGIQUE À LA SUITE DE LA PERTE DE SON EMPLOI
La perte d'emploi qu'entraîne une lésion professionnelle et les difficultés que le travailleur peut éprouver à trouver un nouvel emploi ne peuvent être associées à de simples « tracasseries administratives »; la dépression dont a souffert la travailleuse est liée au fait qu'elle ne pouvait retourner à un emploi qu'elle occupait depuis 11 ans et qu'elle aimait et que les démarches entreprises pour se replacer ont été infructueuses.
Le 27 août 2004, la travailleuse, une journalière, subit une lésion professionnelle à l'épaule gauche. Étant donné ses limitations fonctionnelles, la travailleuse a besoin de réadaptation pour trouver un emploi convenable sur le marché du travail parce qu'aucun emploi convenable n'est disponible chez son employeur. Le 29 juin 2006, la CSST statue que la travailleuse est capable d'exercer l'emploi convenable de commis au service à la clientèle. Malgré l'aide d'une firme spécialisée et de nombreuses démarches auprès d'employeurs éventuels, les efforts de la travailleuse ne portent pas fruit. Elle perd l'appétit, fait de l'insomnie, se sépare de son copain et consomme de l'alcool. Le 1er novembre, un médecin diagnostique un état dépressif relié à « son arrêt de travail ». La CSST refuse la réclamation de la travailleuse au motif que l'état dépressif n'est pas relié à la lésion professionnelle, mais aux difficultés encourues lors du processus de recherche d'emploi. L'instance de révision maintient cette décision. Un psychiatre diagnostique un trouble dépressif majeur d'intensité modérée à sévère et estime que la travailleuse a commencé à développer une symptomatologie de dépression majeure à l'été 2006, dans le contexte d'une perte d'emploi en relation avec l'accident survenu en 2004, et d'une difficulté à se trouver un nouvel emploi. La travailleuse soumet que sa dépression est reliée à deux causes, soit la présence de douleurs chroniques qui résultent de la lésion professionnelle et la perte de son emploi et les difficultés qu'elle a éprouvées à en trouver un nouveau.
Décision : La jurisprudence reconnaît qu'une lésion psychique peut constituer une récidive, rechute ou aggravation d'une lésion professionnelle physique lorsque la preuve établit l'existence d'une relation entre les deux. En l’espèce, il y a lieu d'écarter les facteurs comme la consommation d'alcool et la séparation, qui apparaissent être des conséquences du problème psychique plutôt que ses causes. De plus, la CLP retient des explications de l'expert de la travailleuse que la dépression n'est pas reliée à la présence de douleurs chroniques comme telles, mais plutôt à la perte de son emploi et à ses recherches d'emploi infructueuses. La présence des douleurs chroniques et l'insomnie ont plutôt constitué des facteurs prédisposant à l'apparition des symptômes de la dépression. Quant à l'argument de l'employeur voulant que les douleurs chroniques ne soient reliées qu'à des conditions personnelles, même si les symptômes affectant l'épaule droite sont de nature personnelle, le principal problème semble concerner surtout l'épaule gauche. On ne peut non plus considérer que les symptômes à l'épaule gauche sont tous reliés à un problème personnel de dysfonction acromio-claviculaire, puisque la CSST a reconnu que la lésion professionnelle a entraîné une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Pour ce qui est de la dépression, elle doit être reconnue comme étant une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle du 27 août 2004. La prétention de la CSST voulant qu’une lésion psychique reliée à une perte d'emploi et aux difficultés à trouver un nouvel emploi ne constitue pas une lésion professionnelle ne peut être retenue s'inscrit dans le courant qui veut que les lésions psychiques reliées à des « tracasseries administratives » ou aux conséquences du processus administratif relié à l'application de la loi ne puissent être reconnues comme étant des lésions professionnelles, et que seules les lésions psychiques qui sont reliées aux douleurs qui résultent de la lésion physique puissent l'être. La CLP préfère l'approche moins restrictive selon laquelle la perte d'emploi et la difficulté de se replacer sur le marché du travail sont des conséquences de la lésion professionnelle qui résultent de l'incapacité du travailleur à reprendre son travail en raison des séquelles permanentes de la lésion professionnelle. Chaque personne peut réagir différemment à cet égard, de la même façon que la réaction à la douleur chronique peut différer d'une personne à l'autre. Or, si on accepte de reconnaître comme lésion professionnelle la lésion psychique associée aux douleurs chroniques, pourquoi refuserait-on le même traitement à celle qui résulte de la perte d'emploi et des recherches infructueuses d'emploi dans la mesure où la lésion psychique est clairement établie et que la preuve démontre qu'elle est reliée à cette problématique particulière? Il convient cependant d'examiner chaque cas en tenant compte de l'ensemble des circonstances qui lui sont propres pour déterminer si la lésion psychique est réellement une conséquence de la lésion professionnelle. En l'espèce, la dépression qui s'est manifestée au cours de l'automne 2006 chez la travailleuse n'est pas apparue du jour au lendemain à la suite de sa recherche infructueuse d'emploi, de manière isolée. Elle s'inscrit plutôt dans un contexte évolutif, un crescendo, qui prend origine dans le fait qu'elle aime travailler, qu'elle appréciait le travail qu'elle faisait chez l'employeur depuis 11 ans, qu'elle n'a pas été capable de le reprendre à cause des séquelles de sa lésion professionnelle et que les démarches infructueuses qu'elle a entreprises l'ont amenée à croire qu'elle ne pourrait plus se replacer sur le marché du travail.
NATHALIE LOISEAU, partie requérante, et BARRY CALLEBAUT CANADA INC., partie intéressée, et COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL — YAMASKA, partie intervenante, SOQUIJ AZ-50456454
Le trouble de l'adaptation avec humeur anxieuse dont a souffert le travailleur, qui n'a pu reprendre son emploi prélésionnel ni un emploi convenable chez l'employeur après 32 ans de service, est accepté à titre de récidive, rechute ou aggravation de la lésion initiale, subie lorsque son bras a été écrasé.
Le 22 août 2003, le travailleur, contremaître et chef d'équipe dans le domaine de la construction de routes, subit un accident du travail quand son membre supérieur droit est écrasé sous la roue de son véhicule. La lésion est consolidée le 6 février 2004, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Quand le travailleur reprend son travail, en mai, les douleurs réapparaissent. La CSST reconnaît l'existence d'une récidive, rechute ou aggravation et cette lésion est consolidée le 30 janvier 2006, avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles qui l'empêchent de reprendre son emploi prélésionnel. En juin, lors d'une rencontre chez l'employeur, on se rend compte qu'il n'y a pas d'autres emplois disponibles et que le travailleur devra se réorienter ailleurs sur le marché du travail. Le 26 juin, un médecin indique que le travailleur est très stressé et parle d'un trouble de l'adaptation avec humeur anxieuse. La CSST refuse de reconnaître une relation entre le nouveau diagnostic de trouble de l'adaptation avec humeur anxieuse et la lésion professionnelle du 22 août 2003. L'instance de révision confirme cette décision.
Décision : Une lésion psychique peut constituer une récidive, rechute ou aggravation d'une lésion professionnelle physique lorsque la preuve établit l'existence d'une relation entre cette lésion physique et la récidive, rechute ou aggravation alléguée. En l'espèce, la récidive, rechute ou aggravation du 24 mai 2004 entraîne la reconnaissance de limitations fonctionnelles qui font en sorte que le travailleur ne peut plus occuper son emploi ou même un emploi convenable disponible chez l'employeur. Lorsqu'il apprend qu'il doit réorienter sa carrière, il est bouleversé, mais c'est lors de la rencontre chez son employeur qu'il prend la mesure concrète des conséquences de sa lésion professionnelle. Il réalise non seulement qu'il ne peut reprendre son emploi, mais aussi qu'il ne peut occuper un emploi convenable chez son employeur. Dès le 26 juin, il consulte un médecin. Depuis qu'il sait qu'il ne peut retourner chez son employeur, il est anxieux, malheureux et irritable. Il n'accepte pas cette réalité. Son sommeil est perturbé et il fait des cauchemars. Il ne s'agit pas d'une situation de tracasseries administratives ou de réactions du travailleur par rapport aux conséquences du processus administratif relié à l'application de la loi, mais plutôt d'un cas où le travailleur réagit aux conséquences de sa lésion professionnelle et surtout aux implications de ces conséquences pour sa vie professionnelle et personnelle. En effet, alors que le travailleur est à l'emploi depuis 32 ans, il réalise qu'il ne peut plus faire son travail et qu'il ne peut pas occuper un autre emploi chez son employeur. Il perd également ses collègues de travail. Il ne comprend pas pourquoi son employeur ne peut lui offrir autre chose après tant d'années de service. Selon une psychologue, le travailleur présente un problème d'anxiété généralisée et des symptômes qui sont associés au refus de son employeur de lui fournir un travail jusqu'à sa retraite. Cette situation engendre de nombreux problèmes, tels que de l'anxiété, des difficultés de sommeil et de concentration. Le travailleur est en situation de deuil de son emploi et, particulièrement, de la reconnaissance qu’il attendait de son employeur. Ce qu’il vit est bien réel et corroboré par les constats de son médecin et de la psychologue et cette situation découle des conséquences de la lésion professionnelle initiale du 22 août 2003. Le nouveau diagnostic de trouble de l'adaptation avec humeur anxieuse posé le 26 juin 2006 est relié à cette lésion professionnelle.
RENÉ CÔTÉ, partie requérante, et ENTREPRISES P.E.B. LTÉE, partie intéressée, SOQUIJ AZ-50458067
Même si, selon une limitation fonctionnelle établie par le médecin qui a charge, le travailleur, à la suite d'une lésion causée par du harcèlement psychologique, ne peut retourner dans le même milieu de travail et que l'employeur est tenu de fournir un milieu de travail exempt de harcèlement, la CSST et la CLP ne peuvent décider des mesures de réparation pouvant être ordonnées, et le droit de retour au travail ne peut être pris en considération que dans la mesure où le travailleur est capable d'occuper son emploi ou un emploi convenable.
Le 5 avril 2004, le travailleur a subi une lésion professionnelle, soit un trouble de l'adaptation avec humeur anxieuse dépressive à la suite du comportement harcelant de certains de ses collègues mécaniciens. À titre de mécanicien de machinerie fixe, il est appelé à circuler partout dans l'établissement de l'employeur et à y croiser les autres mécaniciens. L'employeur a procédé au congédiement du meneur du groupe de harceleurs et a suspendu deux autres travailleurs, qui ont depuis repris leurs fonctions. Malheureusement, la situation de conflit s'est cristallisée entre le travailleur et l'ensemble des autres mécaniciens. En décembre, le médecin traitant indique que le travailleur est capable de retourner au travail mais qu'il ne peut retourner dans le même milieu, car les travailleurs perturbateurs sont toujours présents. L'instance de révision confirme que l'emploi de mécanicien est un emploi convenable pour le travailleur, que ce dernier est capable d'exercer cet emploi à compter du 21 avril 2005 et, puisque l'emploi convenable n'est pas disponible, qu'il a droit à une indemnité de remplacement du revenu. Le travailleur demande à la CLP de déclarer qu'il est capable de reprendre son emploi chez l'employeur et qu'il dispose du droit au retour au travail prévu à l'article 236 LATMP dans la mesure où l'employeur doit être contraint de lui fournir un milieu de travail exempt de harcèlement.
Décision : En considérant la limitation fonctionnelle imposée par le médecin traitant, qui lie la CSST et la CLP en vertu de l'article 224 LATMP, le travailleur ne peut réintégrer son emploi. En effet, l'évaluation de la capacité du travailleur à exercer son emploi doit être faite en examinant les conditions réelles d'exercice de l'emploi. Le travailleur invoque que cette conclusion paraît créer pour lui une injustice flagrante, étant déjà victime de harcèlement, et constituer un évitement inacceptable de la part de l'employeur des obligations qui lui incombent de fournir un milieu de travail exempt de harcèlement. Cependant, même si l'employeur est tenu en vertu de la Loi sur les normes du travail de fournir un milieu de travail exempt de harcèlement, il n'appartient ni à la CSST ni à la CLP de décider des mesures de réparation pouvant être ordonnées en vertu de cette loi, n'ayant compétence que pour décider des questions relatives à l'application de la LATMP, soit aux droits à la réadaptation et au retour au travail. Or, le travailleur ne peut prendre appui sur l'article 176 LATMP, concernant les frais d'adaptation d'un poste de travail, non plus d'ailleurs que sur les articles 166 ou 167 LATMP, sur le droit à la réadaptation et le programme de réadaptation professionnelle, pour obtenir de l'employeur qu'il congédie les travailleurs harceleurs. La CSST et la CLP n'ont, en vertu de la LATMP, généralement aucun pouvoir d'intervention à l'égard de l'exercice par l'employeur de son droit de gérance, à l'exception prévue à l'article 32 LATMP qui ne s'applique pas en l'espèce. De plus, selon la jurisprudence, cette disposition d'exception n'a pas pour effet de conférer compétence à la CSST et à la CLP pour forcer l'employeur à adopter des mesures d'accommodement raisonnable pour le travailleur victime d'une lésion professionnelle. Par ailleurs, le droit au retour au travail n'est pas un droit qui peut être revendiqué sans égard au contexte. Ce droit est pertinent et pris en considération dans la mesure où le travailleur est capable de retourner au travail chez son employeur, dans son emploi ou un emploi convenable. Or, le travailleur n'est pas en mesure de reprendre son emploi puisque, selon sa limitation fonctionnelle, il ne peut plus travailler dans ce milieu de travail où les harceleurs sont toujours présents. De plus, un tel emploi convenable n'est pas disponible chez l'employeur pour la même raison qui rend le travailleur incapable de reprendre son emploi. À cet égard, l'employeur n'a aucune obligation de créer un emploi convenable pour un travailleur victime d'une lésion professionnelle et les articles 170 et 171 LATMP ne l'obligent qu'à offrir au travailleur un emploi convenable disponible dans son établissement. De même, le droit du travailleur au retour au travail dans un emploi convenable chez l'employeur ne concerne qu'un emploi convenable qui devient disponible dans l'établissement de l'employeur. Ainsi, la loi ne confère aucune compétence à la CSST et à la CLP pour forcer l'employeur à congédier les travailleurs à l'emploi de son établissement de manière à ce que les limitations fonctionnelles du travailleur soient respectées. Le travailleur n'a pas droit au retour au travail prévu à l'article 236 et est capable d'exercer l'emploi convenable de mécanicien, ailleurs que dans l'établissement de l'employeur.
YVON BLOUIN, partie requérante, et A.F.G. INDUSTRIES LTÉE, partie intéressée, et COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL, partie intervenante, SOQUIJ AZ-AZ-50430162
Comme le plaignant — un mécanicien — a choisi d'être indemnisé en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles plutôt que de présenter un grief pour harcèlement à l'encontre de ses collègues, l'arbitre de griefs n'a pas compétence pour lui accorder des dommages-intérêts afin de compenser la perte de son emploi.
Le plaignant, un mécanicien, s'est absenté du travail à compter du 5 avril 2004 en raison du harcèlement subi de la part de ses collègues. La Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) a accueilli sa réclamation et a reconnu que la situation de harcèlement qu'il avait vécue constituait une lésion professionnelle. Le 26 avril 2007, la Commission des lésions professionnelles (CLP) a décidé que le plaignant était incapable de réintégrer son emploi vu la présence des collègues qui étaient à l'origine du harcèlement, qu'il n'avait pas droit au retour au travail prévu à l'article 236 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) et qu'il était capable d'exercer l'emploi convenable de mécanicien ailleurs que dans l'établissement de l'employeur. Le plaignant réclame des dommages-intérêts compensatoires à la suite du refus de l'employeur de le réintégrer. Ce dernier s'oppose à la compétence du Tribunal pour se prononcer sur une telle réclamation. Il allègue que la CSST et la CLP avaient une compétence exclusive pour décider de toute indemnité résultant de la lésion professionnelle subie par le plaignant.
Décision : Le plaignant a choisi d'être indemnisé en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles plutôt que de présenter un grief afin de se plaindre du harcèlement psychologique au travail. En procédant de cette façon, il a confié à la CSST et à la CLP le soin de s'occuper de son dossier. Or, ces organismes ont une compétence exclusive pour décider de toute indemnité qui peut être versée à la suite d'une lésion professionnelle au sens de cette loi. Il s'agit d'un régime sans égard à la faute. L'article 438 LATMP prévoit qu'aucune action en responsabilité ne peut être intentée contre un employeur en raison d'une lésion professionnelle. La perte de l'emploi du plaignant étant directement liée à une telle lésion, il ne peut en conséquence réclamer des dommages-intérêts à l'employeur.
NDLR -La décision de la CLP est diffusée à SOQUIJ AZ-50430162.
AFG Industries ltée et Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleuses et travailleurs du Canada (TCA-Québec), (Yvon Blouin), SOQUIJ AZ-50472646
TRAVAIL AUPRÈS D’UNE CLIENTÈLE FRAGILISÉE
Le fait de travailler auprès d'une clientèle fragilisée dont le comportement peut être difficile n'élimine pas le caractère imprévu et soudain des menaces que l'intervenante a subies et qui ont entraîné sa dépression.
Depuis novembre 2002, la travailleuse, une intervenante auprès de femmes victimes de violence conjugale hébergées chez l'employeur, s'est absentée à quelques reprises pour des problèmes de santé de nature psychologique. Le 23 mars 2006, une résidente très agressive la menace à plusieurs reprises de s'en prendre à son intégrité physique. La responsable des interventions suggère à la travailleuse de demander à l'intervenante de nuit de la surveiller lorsqu'elle se rend à sa voiture à la fin de son quart de travail et de se rendre à la station de police si elle est suivie. La travailleuse est hospitalisée en cure libre du 3 au 31 mai pour une dépression majeure. Le 4 mai, son employeur la rencontre et lui remet une lettre faisant état de ses absences répétées, de ses problèmes de santé, de certains propos négatifs tenus à l'égard de la clientèle et de l'échec des mesures d'aide mises en place. Il lui demande donc de ne pas se présenter au travail avant de rencontrer un médecin et, lors du retour au travail, il s'attend à ce qu'elle assume pleinement ses tâches en travaillant à temps complet. Le 12 mai, le psychiatre en charge de la travailleuse pose les diagnostics de dépression réactionnelle au stress en milieu de travail et de désordre d'ajustement avec anxiété. La travailleuse dépose une réclamation à la CSST dans laquelle elle revient sur la lettre de l'employeur et mentionne l'événement du 23 mars. Le 26 juin, le psychiatre pose les diagnostics de dépression réactionnelle, de syndrome post-traumatique et de désordre anxieux et indique le 23 mars comme date de l'événement. La CSST refuse la réclamation de la travailleuse et cette décision est maintenue par l'instance de révision. Le psychiatre de la travailleuse, qui la traite depuis 1991, témoigne que c'est l'événement du 23 mars qui a causé une détérioration générale de son état, une rechute dépressive, un sentiment de rejet, un