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Améliorer la productivité : un impératif économique, une solution humaine

Plusieurs institutions québécoises et canadiennes ont souligné l’urgence d’augmenter notre productivité. Leur constat est clair comme de l’eau de roche : la productivité des entreprises n’augmente pas assez vite.
17 octobre 2025
Simon Savard

Dans les dernières années, plusieurs institutions québécoises et canadiennes ont souligné l’urgence d’augmenter notre productivité. Leur constat est clair comme de l’eau de roche : la productivité des entreprises n’augmente pas assez vite, et surtout, moins rapidement que chez nos voisins américains et que dans plusieurs pays de l’OCDE (OCDE 2025, Statistique Canada, 2025). Cet état de fait n’est pas un simple détail statistique; il s’agit d’un enjeu fondamental pour notre prospérité future, particulièrement dans un contexte de tensions commerciales et de transformations économiques mondiales.

Alors que le vieillissement de la population limite la croissance de notre principal bassin de main-d’œuvre qualifiée, un autre levier historique de notre croissance économique atteint aujourd’hui ses limites : celui de l’augmentation du taux d’emploi. Pendant des décennies, notre économie a progressé en intégrant de plus en plus de gens — notamment les femmes — sur le marché du travail. Aujourd’hui, malgré des fluctuations conjoncturelles comme la hausse du chômage observée dans la dernière année, les gains potentiels à faire en la matière sont moins importants qu’auparavant.

La productivité s’impose comme étant le principal vecteur de création de richesse pour le XXIe siècle. C’est dans ce contexte que ce numéro spécial de la Revue RH prend tout son sens, en posant entre autres la question suivante : comment les CRHA | CRIA peuvent-ils mettre l’épaule à la roue et jouer le rôle essentiel qui leur revient à cet égard?

Comprendre la productivité : de quoi parle-t-on vraiment?

Avant d’explorer les solutions, il est essentiel de bien définir le concept. Selon Statistique Canada, la productivité du travail dans le secteur des entreprises est le ratio entre le produit intérieur brut (PIB) — la valeur de tous les biens et services produits — et le nombre total d’heures travaillées. En termes simples, augmenter la productivité, c’est produire plus de valeur avec le même nombre d’heures travaillées. Il ne s’agit donc pas nécessairement de travailler plus, mais bien de travailler mieux.

Pourquoi est-ce si important? Parce que les gains de productivité sont au centre d’un cercle vertueux. Ils permettent aux entreprises de devenir et de rester compétitives afin de dégager les marges nécessaires pour investir dans de nouvelles technologies et dans la formation de leurs équipes. Pour les travailleuses et travailleurs, ces gains peuvent se traduire directement par des salaires plus élevés et un meilleur pouvoir d’achat. À l’échelle des gouvernements, plus de productivité permet de mieux financer les services publics et d’en assurer la pérennité.

Or, le Québec continue d’accuser un retard sur ce plan. En effet, en 2024, la productivité du travail du secteur des entreprises au Québec était inférieure de 4,7 % par rapport à la moyenne canadienne et de 1,1 % par rapport à l’Ontario. Heureusement, signe que les choses ne sont pas figées dans le temps, l’écart à rattraper il y a 10 ans (en 2014) était de 9,0 % par rapport à la moyenne canadienne et de 4,3 % par rapport à l’Ontario.

La dimension humaine : le véritable levier de la performance

Si le diagnostic est économique, le remède, lui, est profondément humain et organisationnel. C’est ici que les CRHA | CRIA entrent en scène. Ce numéro spécial, qui rassemble les contributions de douze experts et expertes du milieu de la pratique et de la recherche, a été conçu pour explorer cette dimension humaine de la productivité.

Loin de se limiter à une vision unique, les textes que vous lirez montrent que l’accroissement de l’efficacité passe par une multitude et une diversité de leviers à la portée des professionnels et professionnelles :

  1. Le développement des compétences : mieux utiliser les talents actuels et futurs est sans doute le levier le plus puissant. Cela passe par la formation continue, le rehaussement des compétences face aux nouvelles technologies, et une meilleure reconnaissance des acquis de la main-d’œuvre issue de l’immigration pour mieux bénéficier de leur apport économique.
  2. L’intégration technologique centrée sur l’humain : l’arrivée de l’intelligence artificielle dans les milieux professionnels représente une occasion unique de repenser notre rapport au travail. Elle peut devenir une puissante alliée, ayant le potentiel de libérer les employés et employées des tâches répétitives pour leur permettre de se concentrer sur des activités à plus grande valeur ajoutée. Cependant, cela se fera à condition que les travailleurs et travailleuses puissent préserver leur autonomie professionnelle et continuer d’exercer un pouvoir décisionnel.
  3. L’innovation dans l’organisation du travail : travailler mieux exige de la clarté. Cela passe par des méthodes et des indicateurs de performance qui focalisent les efforts sur ce qui compte vraiment. Cette quête d’efficacité requiert aussi de simplifier les processus pour alléger la lourdeur administrative, permettant aux équipes de se consacrer à la création de valeur plutôt qu’à la simple reddition de comptes.
  4. Le bien-être comme condition indispensable pour plus de productivité : l’époque où la performance pouvait prendre le pas sur la santé psychologique est révolue. La performance doit s’inscrire dans la durabilité et ces deux éléments, en apparence paradoxaux, doivent s’alimenter mutuellement. Pour que les équipes donnent le meilleur d’elles-mêmes, elles doivent pouvoir trouver un meilleur équilibre entre les exigences professionnelles et les ressources mises à leur disposition.

Une boîte à outils pour passer à l’action 

Ce dossier se veut avant tout une boîte à outils pour les CRHA | CRIA sur le terrain. Chaque article a été sélectionné pour son potentiel à inspirer et à fournir des pistes d’action concrètes.

La productivité n’est pas une fin en soi, mais je suis convaincu qu’il en faut plus pour améliorer notre qualité de vie à tous, de permettre aux travailleurs et travailleuses de s’accomplir professionnellement et de mieux relever les grands défis de notre siècle. En tant qu’économiste, j’ai aussi la conviction que les solutions les plus efficaces naîtront au cœur des organisations, grâce à votre expertise.

J’espère que cette série de textes vous inspirera autant qu’elle m’a inspiré. Bonne lecture (productive)!

Références 

  • Banque du Canada. (2024, 26 mars). L’heure a sonné : réglons le problème de productivité du Canada [Discours de Carolyn Rogers, Première sous-gouverneure, devant le Halifax Partnership]. Banque du Canada.
  • Ministère des Finances du Québec. (2023, novembre). Accroître le potentiel économique du Québec : Des ambitions et des moyens pour y parvenir — Le point sur la situation économique et financière du Québec – Automne 2023. Gouvernement du Québec.
  • OCDE. (2025). Base de données de productivité : Valeur ajoutée brute par heure travaillée [Données 2024].
  • OCDE. (2025). Base de données sur la parité de pouvoir d’achat (PPA). 
  • Statistique Canada. (2025). Heures travaillées et productivité du travail dans les provinces et territoires, 2024 (données provisoires). Gouvernement du Canada.

Author
Simon Savard Économiste principal et directeur adjoint, Rédacteur en chef invité Institut du Québec

Source : Revue RH, volume 28, numéro 4 ─ Octobre/Novembre/Décembre 2025