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Nouvelles obligations des employeurs au Québec et au Canada en 2023 et 2024 : un paysage juridique en évolution

Au Québec, les modifications apportées aux lois du travail ont une incidence directe sur les employeurs, les obligeant à revoir et à adapter leurs politiques et procédures internes.
30 octobre 2024
Janie-Pier Joyal-Villiard, CRIA | Guillaume Ducharme

Au Québec, les modifications apportées aux lois du travail ont une incidence directe sur les employeurs, les obligeant à revoir et à adapter leurs politiques et procédures internes. Dans la dernière année, les autorités québécoises ont adopté et proposé des mesures visant à améliorer la protection des travailleuses et travailleurs, allant de l’usage du français à la lutte contre le harcèlement en passant par les nouvelles exigences en matière de protection des renseignements personnels.

Parallèlement, le gouvernement fédéral a également pris des mesures pour moderniser le cadre réglementaire entourant le domaine de l’emploi. À cet égard, les nouvelles obligations touchent divers aspects, tels que l’équité salariale, l’usage de la langue française, etc.

Travail des enfants

Le gouvernement provincial s’est engagé à renforcer la protection des jeunes travailleuses et travailleurs par le biais de la Loi sur l’encadrement du travail des enfants [1]. Cette législation vise à garantir des conditions de travail sécuritaires et équitables pour les personnes d’âge mineur.

En vertu de cette législation, les employeurs québécois ont de nouvelles obligations concernant les heures de travail et les conditions spécifiques liées à la nature des tâches effectuées par les jeunes. Ces nouvelles obligations ont pour but de préserver le droit à l’éducation en imposant des balises claires aux employeurs pour l’emploi des jeunes de 14 ans et moins et de 16 ans et moins. Sauf exception, il est dorénavant interdit de faire travailler un enfant de moins de 14 ans.

Par ailleurs, cette loi prévoit également des obligations spécifiques en matière de santé et de sécurité pour les jeunes travailleuses et travailleurs.

Protection des renseignements personnels

La protection des renseignements personnels occupe le devant de la scène législative au Québec, et ce, depuis 2022, avec l’adoption de la Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels [2] . Les nouvelles dispositions visent à renforcer la confidentialité et la sécurité des données personnelles recueillies. Des obligations plus importantes sont imposées aux personnes qui utilisent ces informations confidentielles, notamment les employeurs québécois.

Ces derniers sont, depuis septembre 2022, tenus de modifier leur organisation afin d’implanter des pratiques pour réduire les fuites de données dont la nomination d’une personne responsable de la protection des renseignements personnels, la création d’un registre d’incidents et l’obligation d’aviser la Commission d’accès à l’information (ci-après « CAI ») en cas d’incident relatif à la confidentialité des renseignements personnels.

En septembre 2023, une deuxième série de dispositions sont entrées en vigueur lesquelles concernent l’adoption de politiques et de pratiques encadrant la gouvernance des renseignements personnels. À cela s’ajoutent de nouvelles obligations de transparence obligeant dorénavant les organisations à publier leur politique de confidentialité. Les organisations doivent également réaliser une évaluation des facteurs de risques relatifs à la vie privée tout en s’assurant de respecter les nouvelles règles concernant le consentement à la collecte, la communication et l’utilisation des renseignements personnels.

Essentiellement, ces modifications confèrent plus de protection aux individus. Pour s’y conformer, les employeurs québécois doivent, quant à eux, être proactifs et mettre l’accent sur la prévention et la protection, notamment par l’obtention de consentement valide et conforme aux nouvelles lignes directrices établies par la CAI lors de la collecte de renseignements personnels. Il est d’ailleurs à souligner que les nouvelles dispositions introduisent un régime de sanctions pécuniaires et administratives pour les entreprises qui ne respecteront pas leurs obligations.

Modernisation du régime de santé et de sécurité du travail

De nouvelles dispositions de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail [3] au Québec sont entrées en vigueur en 2023. Elles représentent une nouvelle étape dans l’évolution des normes en matière de sécurité au travail. Ces nouvelles dispositions apportent des changements dans le traitement des dossiers de lésion professionnelle en modifiant certains délais de contestation de décision.

Ainsi, une partie en désaccord avec une décision de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après « CNESST ») pourra dorénavant, à l’égard de certaines décisions seulement [4], demander à la CNESST de réviser sa décision dans les 30 jours ou contester directement la décision de la CNESST devant le Tribunal administratif du travail (ci-après « TAT ») dans les 60 jours, et ce, sans avoir besoin d’en demander la révision. À cet égard, le délai pour contester une décision devant le TAT est passé de 45 à 60 jours.

En matière de prévention dans le domaine de la construction, certaines dispositions de la loi entreront en vigueur en 2024, notamment en matière de formation des membres du comité de chantier, le représentant et le coordonnateur en santé et sécurité.

L’équité salariale

Le gouvernement fédéral renforce son engagement envers l’équité salariale avec la Loi sur l’équité salariale [5], laquelle vise à éliminer les écarts salariaux entre les hommes et les femmes au sein des entreprises. Les nouvelles obligations sont en vigueur depuis 2021 et imposent aux employeurs fédéraux de mettre en œuvre un plan d’équité salariale afin de garantir une rémunération juste et équitable.

En effet, les organisations employant 10 personnes salariées ou plus sont tenues de réaliser une démarche d’équité salariale selon les exigences de la loi. Pour ces organisations, l’échéance pour l’élaboration et la publication de leur plan d’équité salariale est fixée au 3 septembre 2024.

La langue française

En 2023, la Loi sur les langues officielles [6] a été renforcée pour permettre à la population canadienne de recevoir des services gouvernementaux dans la langue officielle de leur choix. Conséquemment, les institutions fédérales doivent revoir leurs obligations en matière de bilinguisme.

De plus, par la Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada [7], les entreprises privées de compétence fédérale exerçant leurs activités au Québec devront s’adapter en rendant possible l’utilisation du français dans les communications internes et externes. Elles devront aussi mettre en place des mesures concrètes pour encourager l’utilisation de la langue française au sein de leurs équipes. Ces entreprises devront faire le choix d’appliquer et d’être régies soit par la loi 101 québécoise [8] ou la loi fédérale.

En 2022, le gouvernement provincial a, quant à lui, adopté la Loi sur la langue officielle et commune au Québec [9] qui modifie notamment la Charte de la langue française [10]. Plusieurs dispositions sont déjà entrées en vigueur depuis cette date dont l’obligation d’avoir des communications bilingues dans les organisations. En 2024, les entreprises devront procéder à la traduction des contrats de travail et des conventions collectives qui seraient uniquement en anglais si ces documents sont toujours en vigueur après le 1er juin 2024. 

À suivre en 2024

Grève et lock-out

Le gouvernement fédéral a entrepris depuis la fin de l’année 2023 une réforme significative du Code canadien du travail [11] et du Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles [12] afin d’y modifier les règles pour les employeurs sous compétence fédérale en temps de grève ou de lock-out, ainsi que les pouvoirs du Conseil canadien des relations industrielles en matière de services essentiels.

En effet, des projets de loi visent à limiter la possibilité pour les employeurs d’avoir recours aux travailleuses et travailleurs de remplacement en contexte de grève et ceci, incluant le télétravail. Il est également proposé d’abolir la nécessité pour un syndicat de démontrer l’intention d’un employeur de miner la capacité de représentation syndicale en ayant recours aux services de personnel de remplacement. Ceci affectera vraisemblablement le rapport de force en ce qui a trait aux négociations de conventions collectives sous le régime fédéral. 

Il est enfin proposé de revoir la procédure de détermination des activités essentielles à maintenir en temps de grève ou de lock-out en imposant aux parties de convenir d’une entente dans le respect d’un délai de 15 jours.

Harcèlement psychologique et violence à caractère sexuel

En novembre 2023, le ministre Boulet a déposé le projet de loi 42 visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail . Son objectif est de rendre les milieux de travail plus sains, respectueux et sécuritaires. Il vise également à éliminer les comportements inacceptables et faciliter les recours pour les personnes victimes de ces comportements.

Le projet de loi a été sanctionné le 27 mars 2024 et est entré en vigueur à cette date, sauf exception. Ainsi, la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail est donc entrée en vigueur en début d’année et comprend différentes mesures en matière de prévention et de protection lors d’une dénonciation. La principale nouveauté est sans aucun doute l’inclusion d’une définition de « violence à caractère sexuel ». Une limite aux clauses d’amnistie en matière de violence physique et psychologique est également incluse à la loi. La loi prévoit aussi de nouvelles obligations à l’égard de la politique des employeurs en matière de harcèlement psychologique et sexuel. Il s’agit sans aucun doute d’une loi sur laquelle les employeurs doivent se pencher dès maintenant.

Équité en emploi

Le gouvernement fédéral a également mentionné son intention de revoir la Loi sur l’équité en matière d’emploi [13] afin d’inclure de nouveaux groupes désignés, dont les personnes noires et les personnes de la communauté 2SLGBTQ+. Il s’agit également d’un autre dossier à suivre.

Conclusion

De nouvelles obligations en matière de droit du travail sont entrées en vigueur au cours des années 2023 et 2024. Il est important, en tant qu’employeur, de rester à l’affût de ces nouvelles obligations tant pour être à jour au moment de la prise de décision que pour éviter toutes sanctions pour non-respect.


Author
Janie-Pier Joyal-Villiard, CRIA Avocate Monette Barakett Avocats S.E.N.C.

Author
Guillaume Ducharme Avocat Monette Barakett S.E.N.C

Source : Revue RH, volume 27, numéro 4 ─ Octobre - Novembre - Décembre 2024

  1. L.Q. 2023, chapitre 11.
  2. L.Q. 2021, chapitre 25.
  3. L.Q. 2021, chapitre 27.
  4. Une décision rendue à la suite d’un avis du Bureau d’évaluation médicale, d’un avis du Comité spécial des présidents, qui analyse les maladies professionnelles pulmonaires, d’un avis du Comité des maladies professionnelles oncologiques, d’une décision en matière de financement ou d’une décision en matière d’imputation.
  5. L.C. 2018, chapitre 27.
  6. L.R.C. 1985, chapitre 31.
  7. L.C. 2023, chapitre 15.
  8. Charte de la langue française, R.L.Q., chapitre C-11.
  9. L.Q., 2022, chapitre 14
  10. Précitée, note 8.
  11. L.R.C. 1985, chapitre L-2.
  12. DORS/2001-520.
  13. L.C. 1995, chapitre 44.