Dans cette ère charnière de notre histoire, la convergence entre la technologie et les sciences humaines devient cruciale pour aborder des questions essentielles touchant divers aspects de notre quotidien, de la démocratie à l'environnement, en passant par l'art et la culture. Cependant, c'est également dans le monde du travail que cette révolution se fait ressentir avec une intensité particulière.
Au printemps 2023, le gouvernement québécois confiait au Conseil de l’innovation du Québec le mandat de mener une démarche sur l'encadrement de l'IA. Cette initiative ambitieuse a réuni des expertes et experts de divers horizons, plongeant dans six thématiques clés, dont celle des répercussions de l’IA sur les tâches des travailleuses, travailleurs et le marché de l'emploi.
L'intégration de l'IA dans le tissu professionnel offre un éventail d'avantages considérables : de l'amélioration de la productivité à la facilitation des prises de décision, en passant par le renforcement du bien-être des personnes en emploi et la stimulation de la créativité et de l'innovation. Dans de nombreuses organisations, l'IA a déjà démontré une capacité à combler la pénurie de main-d’œuvre, alléger les charges de travail répétitives et dangereuses, tout en offrant un soutien précieux au personnel.
Cependant, malgré ces avantages, la transformation rapide du monde du travail qu'induit l'IA comporte des risques. Outre le danger d'accentuer les inégalités sociales et de ralentir l'acceptabilité sociale et professionnelle de son déploiement, il existe également une préoccupation croissante concernant la perte de sens du travail. En effet, si les processus propulsés par l'IA sont dépourvus de contribution humaine et de transparence, les travailleuses et travailleurs pourraient se retrouver démobilisés face à leur travail. Le sentiment de complexité des algorithmes et l'opacité des décisions prises par les systèmes IA pourraient aliéner les travailleuses et travailleurs en diminuant leur sentiment d'accomplissement professionnel.
Alors, comment s’assurer que les travailleuses et travailleurs puissent se sentir en contrôle et confiance? Comment permettre aux personnes employées de tout âge, de toute origine et de toute spécialisation d’acquérir les compétences du 21e siècle? Comment augmenter la littératie numérique et en IA pour des déploiements réussis dans les milieux de vie et de travail? A-t-on des formations adaptées et suffisamment de formatrices et formateurs en IA, incluant aussi l’éthique de l’IA au Québec? Serons-nous témoins de la dévalorisation ou de la disparition de certains emplois? En contrepartie, quels sont les nouveaux métiers liés à l’IA et comment les intégrer dans les milieux de travail pour favoriser une transition harmonieuse vers cette nouvelle ère technologique?
Au sein de l’État, il est primordial de protéger les travailleuses et travailleurs du chômage technologique, de la gestion algorithmique et d’autres risques, tels que la perte de compétences clés. À cet effet, dans le rapport sur l’encadrement de l’IA (Prêt pour l'IA), dévoilé le 5 février dernier, le Conseil recommande que le gouvernement lance rapidement un chantier de révision et de modernisation du droit du travail et des politiques sociales pour s’assurer que ces derniers tiennent compte de l’évolution technologique rapide de l’IA (RP-3)[1].
Au sein des organisations, il est crucial d'accorder une place centrale aux travailleuses et travailleurs dans le processus de transformation numérique. En les sensibilisant et en les encourageant à se familiariser avec les enjeux liés à l'intelligence artificielle, elles et ils seront mieux outillés pour comprendre à la fois les possibilités et les défis que cette technologie présente. Leur contribution active dans les discussions et les décisions relatives à l'utilisation de l'IA dans leur environnement professionnel est indispensable. Ainsi, pour assurer une intégration harmonieuse de l'IA, il est impératif de favoriser une culture du travail qui mette l'accent sur les besoins et les valeurs. Les organisations doivent reconnaître l'importance de la participation des travailleuses et travailleurs à toutes les étapes, de la conception à la mise en œuvre, des systèmes basés sur l'IA.
Plusieurs études sont en cours pour explorer les différentes facettes de l'intégration responsable de l'IA, notamment à l’OBVIA[2], dans le monde du travail et dans la société en général. Nous sommes seulement au début de cette ère transformative et que nous devons progresser ensemble, en tant que société, vers une meilleure compréhension et une meilleure adaptation à ces changements.
Pour en connaître plus sur la réflexion collective menée par le Conseil de l’innovation du Québec et consulter le rapport Prêt pour l'IA : https://conseilinnovation.quebec/pret-pour-lia-est-maintenant-depose/
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Le 5 février dernier, le Conseil a dévoilé son rapport, Prêt pour l'IA, dans lequel il avance une série de recommandations dont 12 principales (RP) appuyées par 25 complémentaires (RC) visant à assurer le développement et l’utilisation responsables de cette technologie au Québec autour de cinq grands axes : encadrer, anticiper, former, propulser et positionner.
RP3 désigne : Recommandation prioritaire 3 du rapport Prêt pour l’IA
- https://www.obvia.ca/