Dans différentes situations, la culture organisationnelle peut être pointée du doigt, à tort ou à raison, pour justifier des décisions ou des actions portées par des organisations. Un peu comme la personnalité influence les comportements d’une personne, la culture organisationnelle influence les agissements d’une organisation dans ses différentes sphères opérationnelles. Il s’agit en quelque sorte de l’élément intangible qui relie l’ensemble des membres d’un groupe et qui permet la création d’une identité collective. Intervenir sur la culture est certainement un défi, considérant son intangibilité. Dans la majorité des cas, il est possible de se souvenir positivement ou négativement d’une organisation en raison des décisions qu’elle prend, l’environnement de travail physique qu’elle offre et les valeurs qu’elle prône. Elle peut aussi être perçue en fonction des comportements des membres d’une organisation en réaction à une situation. Par exemple, lorsqu’une entreprise fait face à une situation de crise, les comportements utilisés sont souvent proches des réflexes « naturels » et donneront des indices sur la culture organisationnelle. Au même titre que dans une situation qui génère du stress chez une personne, on verra davantage les manifestations de sa personnalité en fonction des actions portées.
Dans un monde où une importance est de plus en plus accordée à la santé psychologique des travailleuses et travailleurs, la culture organisationnelle peut devenir un avantage stratégique si elle est bien utilisée. En matière de risques psychosociaux, elle peut créer un environnement propice à l'émergence de certains d'entre eux. Par exemple, une entreprise possédant une culture de performance forte peut valoriser le travail en dehors des heures dites « normales » de travail, contribuant alors à une surcharge de travail chez son personnel. Ainsi, un membre de l’équipe qui quitte son travail à 19 h pourrait être valorisé au détriment d’un autre membre qui quitte le travail à 16 h pour des raisons personnelles. D’un autre angle, une même culture axée sur la performance peut ne pas générer de risques psychosociaux si les gestionnaires et les personnes employées ont les ressources nécessaires à la réalisation de leur travail. Par exemple, du côté des gestionnaires, cela peut se traduire par un nombre suffisant d’effectifs pour compléter différents projets qui leur sont attribués. Du point de vue du personnel, cela peut se traduire par le soutien de leur gestionnaire et/ou par le soutien social au sein de l'équipe, ce qui les aidera à surmonter les périodes de forte charge de travail afin d'atteindre certains objectifs. Par ailleurs, les exigences organisationnelles qui sont souvent liées à la culture d’une organisation peuvent aussi influencer la présence de risques psychosociaux chez les gestionnaires. Notamment, dans les exigences de performance qui peuvent, entre autres, contribuer à la charge de travail et au stress des gestionnaires et des personnes employées (Boucher et al., 2024).
Il devient alors important pour les spécialistes en ressources humaines de bien comprendre ce qui est valorisé dans leur organisation pour répondre à la question suivante : Est-ce que la culture de notre organisation est propice à la hausse des risques psychosociaux pour nos talents et gestionnaires?
Répondre à cette question n’est pas si simple, on en convient! D’autant plus que d’intervenir ou changer la culture organisationnelle nécessite d’agir à différents échelons dans l’écosystème organisationnel : les équipes de travail, les gestionnaires, l’environnement de travail et la haute direction. L’ensemble de ces éléments doit être orienté dans la même direction pour qu’une intervention sur la culture soit efficace. Parvenir à faire évoluer les valeurs organisationnelles et changer la culture d’une organisation est un travail de longue haleine. Cependant, il est possible de mettre en branle une transformation durable de la culture au-delà des symboles de surface et de retravailler les valeurs qui guident la façon dont le travail est effectué pour diminuer ou même enrayer les risques psychosociaux à la source. Mettre en place une telle transformation de manière durable c’est aussi faire évoluer les états d’esprit, et donc travailler sur les comportements. Mais avant même de penser à changer, il faut savoir si notre culture organisationnelle est propice à la hausse des risques psychosociaux. Pour ce faire, une organisation doit d'abord comprendre son système culturel, c'est-à-dire ses symboles, ses mythes, ses rituels, ses routines, ses structures d'organisation et de pouvoir et ses systèmes de contrôle (Johnson et al., 2020). La remise en question de ces éléments est la première étape pour changer la culture d'une organisation et, par conséquent, les conditions de travail. D’autant plus que des études récentes ont conclu que la culture organisationnelle est indirectement associée à la santé psychologique au travail par l'influence qu'elle exerce sur divers éléments de l'environnement et des conditions de travail (p. ex. exigences psychologiques et physiques, récompenses, nombre d'heures de travail, autonomie, utilisation des compétences) (Dextras-Gauthier et al., 2023).
Pour les spécialistes en RH, amorcer une réflexion sur la culture de leur organisation peut s’articuler à partir de la question suivante : Comment avons-nous réagi la dernière fois qu’un membre de l’équipe s'est adressé à nous pour, par exemple, partager ses préoccupations concernant la justice organisationnelle, sa charge de travail ou un conflit avec un collègue? Se questionner sur sa culture organisationnelle permet aussi de la faire évoluer afin qu’elle tienne compte des tendances émergentes en matière de risques psychosociaux liés aux nouvelles formes d’organisation du travail, aux technologies numériques envahissantes ou encore aux incertitudes économiques. Adopter une approche proactive en remettant en question sa culture organisationnelle pourrait être la première étape vers la création d’un environnement de travail plus sain pour les talents et les gestionnaires et adapté aux nouvelles réalités du marché du travail.
Références
- Boucher, F., Dextras-Gauthier, J., Gilbert, M.-H., Fournier, P.-S., & Dima, J. (2024). One down, fifty to go: managers’ perceptions of their workload and how they cope with it to maintain their psychological health [Original Research]. Frontiers in Psychology, 14. https://doi.org/10.3389/fpsyg.2023.1336560
- Dextras-Gauthier, J., Gilbert, M.-H., Dima, J., & Adou, L. B. (2023). Organizational culture and leadership behaviors: is manager’s psychological health the missing piece? Frontiers in Psychology, 14, 1237775.
- Johnson, J., Whittington, R., Regnér, P., Angwin, D., Johnson, G., & Scholes, K. (2020). Exploring strategy. Pearson UK.