Lorsqu’il est question de l’équité, de la diversité et de l’inclusion (EDI), de plus en plus d’organisations regardent autour et se demandent par où commencer. Formation ou activités de sensibilisation? Sur l’anti-oppression, le racisme systémique ou bien les biais inconscients? Comment s’assurer de l’efficacité et de la pertinence des actions? Quoi faire lorsque les initiatives dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs et de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation sont terminées?
Il existe une multitude d’approches à l’intérieur du domaine de l’EDI dans lesquelles se côtoient psychologie organisationnelle, neuroscience, droit du travail, management, sociologie et développement organisationnel, pour ne nommer que ces disciplines; et où le champ de l’identitaire tente de s’articuler avec celui du relationnel. Malgré cette diversité disciplinaire, une approche pragmatique, basée sur la compréhension, l’action et la bienveillance, gagne à être connue. Imaginons le leadership organisationnel comme un corps humain, avec une tête, un cœur et des mains.
La tête pour mesurer, dans la compréhension;
Les mains pour canaliser, dans l’action;
Et le cœur pour consolider, dans la bienveillance.
Selon notre expérience avec plusieurs types d’organisations, ces trois piliers interdépendants doivent se côtoyer et s’équilibrer pour permettre une réflexion en profondeur sur les enjeux EDI et ainsi optimiser l’atteinte des résultats.
Compréhension : portrait de l’écosystème et de ses dynamiques
Une organisation est composée de personnes aux parcours diversifiés et uniques, qui se côtoient et interagissent au quotidien.
Un sondage sur l’équité, la diversité et l’inclusion, sur une base volontaire et de façon anonyme, est bénéfique pour mieux comprendre cet écosystème, dans toutes ses nuances et ses subtilités. En plus de nous informer sur les aspects de la diversité qui forment la mosaïque organisationnelle, ce type de sondage peut aussi permettre aux employés et employées de s’exprimer sur leurs expériences, leur sentiment d’inclusion et leurs perceptions des politiques et pratiques en place. Concrètement, cette étape de compréhension a souvent permis aux organisations que nous avons accompagnées de prendre un pas de recul et de cerner des angles morts et des zones d’amélioration parfois surprenantes.
Afin d’explorer davantage en profondeur les constats recensés à l’aide du sondage, des entretiens semi-dirigés peuvent être complémentaires et permettre aux personnes de s’exprimer librement et en toute confiance sur leurs appréhensions et leurs recommandations. On discute pour recruter, pour évaluer la performance, pour mieux comprendre les départs; il peut être tout aussi bénéfique d’échanger sur la perception et le sentiment d’inclusion.
Finalement, la phase de compréhension peut aussi passer par des outils d’évaluation psychométrique, notamment pour mesurer le degré d’agilité interculturelle, une compétence qui va au-delà des différences basées sur les origines ethnoculturelles et considère plusieurs autres types de différences (ex. socio-économiques, générationnelles, professionnelles, etc.). L’Inventaire de développement interculturel (IDI®)[1] est un bon exemple d’outil permettant de mesurer l’agilité interculturelle de façon individuelle ou de façon collective, au sein d’une équipe de travail ou d’une organisation.
Action : développement continu et agilité interculturelle
Une fois qu’une compréhension des nuances individuelles, des subtilités relationnelles et du sentiment d’inclusion est approfondie, la tête ordonne aux mains d’agir. Pour traduire la compréhension en action, on cherche à mettre en place des actions réfléchies, basées sur la réalité unique de notre contexte organisationnel. Ces actions peuvent prendre plusieurs formes, telles qu’une politique EDI, un tableau de bord permettant de suivre des indicateurs clés de performance liés à l’EDI, ou encore des pratiques de recrutement inclusives.
Plus précisément, en ce qui concerne le développement des compétences des employés et employées, des séances de formation et d’échanges en groupe peuvent être organisées afin d’adopter une approche de développement collectif en ayant comme inspiration les thématiques et enjeux déterminés lors de la phase de compréhension. À notre avis, les séances basées sur les échanges autour de thèmes tels que la communication interculturelle, les aspects de la diversité et l’agilité interculturelle avaient le potentiel de faire émerger des conversations profondes entre collègues et d’entamer des réflexions à plus long terme.
L’agilité interculturelle peut également être développée sur le plan individuel grâce à des séances d’accompagnement personnalisées issues d’un exercice d’évaluation comme l’IDI® et accompagnées d’un plan de développement et d’objectifs SMART sur mesure. Ici aussi, nous avons observé les apports d’une introspection, des prises de conscience et des réflexions qui peuvent découler de ces séances individuelles, avec une approche basée sur la personne, ses expériences et son unicité dans son rapport à la différence.
Bienveillance : pour un écosystème diversifié et résilient
Une organisation sincère dans sa volonté d’adopter une approche authentique et durable peut mettre en place différentes stratégies afin d’appuyer ses efforts vers l’inclusion. Peu importe les initiatives mises en place, le cœur doit y être, car les employés et employées peuvent ressentir le manque d’authenticité. L’action doit être liée aux sentiments et aux expériences de l’ensemble des membres de l’organisation, au risque de ne pas en faire assez, mais surtout d’en faire trop. Peu importe la taille, le secteur ou la vocation de l’organisation, les rapports humains, l’écoute et l’empathie doivent donc être au centre de la démarche.
Les organisations gagneraient à prendre conscience de l’interdépendance et du fragile équilibre à maintenir entre ces trois piliers pour ne pas se perdre dans l’un en oubliant les deux autres. La tête, le cœur et les mains devraient donc être au centre des initiatives en EDI pour une culture inclusive durable, telle une réelle permaculture[2] organisationnelle, où les relations mutuellement bénéfiques sont ancrées dans l’unicité des identités et l’équilibre des dynamiques relationnelles.
Références
- Bernstein, R. S., Bulger, M., Salipante, P. et Weisinger, J. Y. (2020). From diversity to inclusion to equity: A
- theory of generative interactions. Journal of Business Ethics, 167, 395-410.
- Bezrukova, K., Spell, C. S., Perry, J. L. et Jehn, K. A. (2016). A meta-analytical integration of over 40 years of research on diversity training evaluation. Psychological Bulletin, 142(11), 1227–1274.
- Gardenswartz, L. et Rowe, A. (2009). The effective management of cultural diversity. Dans Moodian, M. A. (dir.), Contemporary leadership and intercultural competence: Exploring the cross-cultural dynamics within organizations, (p.35-44). SAGE Publications Inc.
- Martel, A. et Gagné, N. (2023). Du déni de la différence à l'adaptation dans les interventions de services publics : conditions individuelles et organisationnelles de sensibilité interculturelle. Canadian Ethnic Studies, 55(2), 73–96.
- Nathoo, Zulekha. (2021, 17 juin). Why ineffective diversity training won’t go away. BBC.
- https://www.bbc.com/worklife/article/20210614-why-ineffective-diversity-training-wont-go-away
- Permaculture Research Institute. (2023). What is Permaculture? https://www.permaculturenews.org/what-is-permaculture/
- Zhang, X. et Zhou, M. (2019). Interventions to promote learners' intercultural competence: a meta-analysis. International Journal of Intercultural Relations: Ijir, 71, 31–47.
- À noter que la culture dans le cadre de l’IDI® est considérée au sens large et non seulement sur le plan national ou ethnique (ex. statut socio-économique, langue, religion, identité de genre, orientation sexuelle, âge, etc.).
- Définie par le Permaculture Research Institute comme « la conception et le maintien conscient et intentionnel d'écosystèmes productifs sur le plan agricole qui présentent la diversité, la stabilité et la résilience des écosystèmes naturels ».