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« Programmes d’accès à l’égalité en emploi (PAÉE) et équité, diversité et inclusion (EDI) : une complémentarité »

Des questionnements émergent quant à savoir si les plans EDI et les Programmes d’accès à l’égalité en emploi (PAÉE) entrent en opposition ou se complètent. Il y a plusieurs confusions autour de ces deux thèmes même s’ils sont, dans les faits, complémentaires. 
Bibiana Pulido | Geneviève Lapointe | Patricia Neitthoffer

Depuis quelques années, les organisations intègrent davantage des plans d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) à leur planification organisationnelle et à leur gestion. En parallèle, depuis le début des années 2000, au Québec, des Programmes d’accès à l’égalité en emploi (PAÉE), volontaires ou obligatoires, visent à contrer la discrimination systémique en emploi. Des questionnements émergent quant à savoir si les plans EDI et les PAÉE entrent en opposition ou se complètent. Plusieurs mécompréhensions existent, mais il reste que les deux peuvent évoluer en complémentarité. Les PAÉE servent de leviers primordiaux pour lutter contre les discriminations vécues par les groupes désignés[1] par la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans des organismes publics (« Loi »). En effet, les démarches EDI peuvent s’appuyer sur les mesures des PAÉE, telles que l’analyse du processus de dotation, la reconnaissance des parcours atypiques des candidatures et les accommodements pour les personnes en situation de handicap.

Qu’est-ce qu’une approche EDI?

Une approche EDI s’inscrit dans un ensemble de politiques, de stratégies, de pratiques et d’initiatives visant à créer et maintenir des milieux ouverts, bienveillants, sécuritaires et exempts de toute discrimination et tout obstacle systémique, et au sein desquels chaque personne se sent pleinement reconnue, acceptée et respectée. Cette approche implique un processus de co-construction « par, pour et avec » les personnes des groupes en quête d’équité[2]Elle s’inscrit dans une posture transversale qui touche l’ensemble des activités et tout le personnel de l’organisation.

Que sont les PAÉE?

Découlant de la Loi, les PAÉE ont comme objectifs d’« assurer une représentation équitable des personnes issues de groupes victimes de discrimination dans tous les types d’emploi d’une organisation » (>CDPDJ, 2023) et de corriger les pratiques de gestion des ressources humaines qui pourraient potentiellement avoir des effets discriminatoires. Au-delà de l’obligation légale qui touche certains organismes[3], les programmes, volontaires ou non, proposent des outils essentiels et un accompagnement par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPDJ) pour toute organisation souhaitant être plus inclusive. En somme, ces programmes sont un levier structurant pour contribuer à l’avancement de l’EDI dans les organisations.

Regard sur la complémentarité

  • Un portrait statistique de la diversité

    Pour les organisations, les PAÉE permettent d’obtenir légalement un portrait statistique de leur personnel. En s’auto-identifiant, par l’entremise d’un questionnaire, le personnel peut déclarer volontairement son appartenance à un groupe désigné par la Loi. Ainsi, il est possible d’observer dans quels types d’emplois il y a des écarts de représentation des personnes de ces groupes. Ce portrait de la diversité est un élément quantitatif nécessaire pour l’élaboration d’un diagnostic organisationnel et, par la suite, pour définir une planification stratégique en matière d’EDI.

  • Des mesures de redressement

    Selon le portrait de la diversité obtenu, les PAÉE recommandent d’appliquer des mesures de redressement pour les catégories d’emploi affichant des sous-représentations. À cet égard, lors du processus de dotation, il s’agit, à compétence équivalente, de prioriser les personnes faisant partie des groupes désignés pour les emplois ayant une sous-représentation. Ces mesures de redressement sont des mesures d’équité, car elles visent à corriger les discriminations, les obstacles systémiques et les biais à l’encontre des groupes désignés. Ainsi, ces mesures rejoignent le « E » de l’EDI, à savoir l’équité.

  • Rendre son milieu inclusif par des mesures d’égalité des chances

    Les PAÉE proposent également toute une série de mesures plus qualitatives qui soutiennent l’EDI en général et plus précisément l’inclusion. Ainsi, les mesures, dites d’égalité des chances, peuvent être étendues au-delà des groupes désignés par la Loi et l’ensemble du personnel en bénéficie. Par exemple, l’une de ces mesures consiste à réviser l’ensemble des processus de dotation et de promotion afin d’éliminer tout élément potentiellement discriminatoire. Qu’il s’agisse de prendre en compte les parcours atypiques, de s’assurer que seuls les critères essentiels à la fonction sont considérés, ou encore de diffuser plus largement les annonces d’emploi dans des réseaux davantage diversifiés, toutes ces mesures vont avantager l’ensemble des candidatures pour un emploi ou une promotion. De plus, ces types de mesures contribuent à instaurer une gouvernance diversifiée et inclusive au sein de l’organisation.  

    La révision des processus des ressources humaines prévue par les PAÉE peut aussi être étendue à d’autres processus et pratiques organisationnelles telles que les communications, le marketing, les divers services offerts, le choix des fournisseurs, etc. Cette démarche EDI contribue à contrer tout type de discrimination systémique. Aussi, d’autres mesures proposées par les PAÉE comprennent le soutien, l’accompagnement ainsi que la sensibilisation des gestionnaires et du personnel aux réalités des personnes des groupes désignés. Toutes ces mesures favorisent l’instauration de milieux de travail plus inclusifs.

Une complémentarité porteuse d’inclusion

Les PAÉE et l’EDI peuvent se nourrir et se complémenter. Les PAÉE visent à contrer les discriminations systémiques touchant spécifiquement cinq groupes désignés par la Loi. Ces programmes proposent également des mesures et des actions concrètes contribuant à une plus grande diversité de personnes tout en favorisant un environnement de travail inclusif. Ainsi, les PAÉE constituent une assise importante pour donner une crédibilité aux actions et politiques EDI et pour aller plus loin en matière d’inclusion.


Author
Bibiana Pulido cofondatrice et directrice générale Réseau interuniversitaire québécois pour l’équité, la diversité et l’inclusion (RIQEDI)

Geneviève Lapointe conseillère en équité, diversité et inclusion Université Laval

Patricia Neitthoffer conseillère en équité, diversité et inclusion Université Laval

Source : Revue RH, volume 27, numéro 1 ─ JANVIER FÉVRIER MARS 2024

  1. Les cinq groupes désignés par la Loi sont : les femmes, les personnes autochtones, les minorités visibles, les minorités ethniques et les personnes handicapées.
  2. « L’expression « groupes en quête d’équité » est un terme générique utilisé pour désigner les groupes qui ont historiquement subi des désavantages et des discriminations fondées sur la citoyenneté, la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, l’ascendance, les croyances religieuses et/ou spirituelles, le genre, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre, des handicaps, l’état civil, la situation familiale ou l’âge ». Université York, Stratégie de décolonisation, d’équité, de diversité et d’inclusion 2023-2028, https://www.yorku.ca/dedi-strategy/wp-content/uploads/sites/789/2023/05/22-201_DEDI-Strategy-2023-28_FR_r2.pdf
  3. Les organismes qui doivent mettre en place un PAÉE sont mentionnés sur le site de la CDPDJ : https://www.cdpdj.qc.ca/fr/nos-services/activites-et-services/en-savoir-plus-sur-les-programmes-dacces-legalite-en-emploi.