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La formation : Véritable bougie d’allumage pour propulser la productivité

Les entreprises québécoises doivent se moderniser. Or, au-delà de l’équipement, il y a surtout des personnes qui doivent détenir les compétences pour repérer les occasions, choisir et implanter les technologies et rallier leurs collègues.
20 février 2024
Emna Braham | Anthony Migneault

Que ce soit pour atténuer les conséquences de la pénurie de main-d’œuvre, se conformer aux nouvelles normes environnementales ou encore s’approprier de plus grandes parts de marché, les entreprises québécoises doivent se moderniser. Dans cette course à la productivité, on a souvent pensé que les incitatifs fiscaux étaient le seul levier pour stimuler les investissements en machineries et technologies. Or, au-delà de l’équipement, il y a surtout des personnes qui doivent détenir les compétences pour repérer les occasions, choisir et implanter les technologies et rallier leurs collègues.

Une étude que nous avons menée récemment en collaboration avec Manufacturiers et Exportateurs du Québec et Fondaction, révèle que même lorsqu’une entreprise en a les moyens, ce sont souvent des facteurs liés aux ressources humaines qui bloquent l’investissement : manque de ressources humaines qualifiées, de soutien ou de connaissances pour adopter les nouvelles technologies ou encore de leadership pour intégrer ces changements.

Ainsi, la formation et, notamment la formation des gestionnaires, pourrait s’avérer une véritable bougie d’allumage pour accélérer l’investissement en machineries et technologies et ainsi, accroître la productivité des entreprises manufacturières.

De cercle vicieux à cercle vertueux

Les enjeux technologiques sont intrinsèquement liés aux défis de main-d'œuvre et de formation. À titre d’exemple, alors que certaines entreprises adoptent des technologies avancées pour pallier la pénurie de main-d’œuvre, d’autres ne parviennent pas à recruter les ressources humaines nécessaires pour intégrer ces technologies de pointe.

Ainsi, l’étude révèle que les entreprises qui ont le moins investi en machineries et technologies sont également celles qui font le plus face à des difficultés de recrutement. Comme ces dernières ont davantage recours à une main-d’œuvre plus nombreuse, peu qualifiée et plus faiblement rémunérée, elles sont, par conséquent, plus affectées par les pénuries de main-d’œuvre. Certains manufacturiers s’enlisent donc dans un cercle vicieux où la faible productivité de leur entreprise ne permet pas de dégager les marges nécessaires pour investir en automatisation, former leur personnel et donc, offrir de meilleures conditions de travail, ce qui perpétue leurs difficultés à recruter. Rehausser les compétences technologiques de la main-d’œuvre devient donc primordial pour briser ce cercle vicieux.

Par où commencer?

Même si les efforts pour stimuler la formation sont importants, il est parfois difficile pour les gouvernements et les entreprises de savoir par où commencer.

Développer les compétences vertes et technologiques des gestionnaires pour renforcer leurs aptitudes à évaluer les besoins et à intégrer de nouvelles technologies pourrait avoir des répercussions certaines sur l’ensemble du secteur manufacturier. En effet, la profession la plus commune dans ce secteur est celle de directeur de la fabrication (plus de 32 000 personnes occupaient ce poste en 2022). Ces gestionnaires doivent planifier les changements en matière de machines et d'équipement, de systèmes de production et de méthodes de travail. Ce poste clé est souvent confié à des personnes d’expérience dans l’entreprise sans pour autant qu’elles connaissent les pratiques exemplaires. Ces dirigeantes et dirigeants pourraient donc bénéficier d’une actualisation de certaines compétences clés, car leur rôle est central dans l’adoption de nouvelles technologies et de pratiques durables.

Autre axe d’intervention qui pourrait être porteur : rehausser les compétences en maintenance de la machinerie, car l’automatisation des procédés risque de réduire le besoin pour certains types de techniciennes et techniciens, mais complexifier les tâches des ressources qui entretiennent la machinerie. Enfin, il faudrait probablement automatiser davantage les tâches inhérentes aux postes moins bien rémunérés et plus difficiles à combler. Dans un contexte de rareté de main-d’œuvre, les manufacturiers pourront moins miser sur cette catégorie de ressources qui se fait de plus en plus rare. Pour effectuer harmonieusement ces transitions, il faudrait cependant requalifier certaines de ces ressources et impliquer les parties syndicales pour assurer leur adhésion.

Le rôle des donneurs d’ordres

Enfin, si les gouvernements peuvent encourager les entreprises à adopter des pratiques plus souhaitables comme rehausser les compétences de leurs employées et employés ou encore réduire leurs émissions de GES, les grandes entreprises peuvent indéniablement jouer un rôle de premier plan en incitant leurs partenaires et fournisseurs (souvent de plus petites entreprises) à se transformer. Surtout dans un contexte de décarbonation de l’économie. Plus que jamais, les financiers et les grandes entreprises intègrent des critères extra financiers dans l’évaluation de leur performance et doivent s’engager à réduire leurs incidences sociales et environnementales négatives. Les PME manufacturières gagneront donc à intégrer le plus rapidement possible ces critères afin de renforcer leur compétitivité dans les chaînes de valeur.


Author
Emna Braham Institut du Québec

Author
Anthony Migneault Institut du Québec

Source : Revue RH, volume 27, numéro 1 ─ JANVIER FÉVRIER MARS 2024

* L’Institut du Québec est un organisme à but non lucratif qui publie des recherches et des études sur les enjeux socioéconomiques contemporains du Québec. Il vise à fournir aux autorités publiques, au secteur privé et à la société civile les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées, et ainsi contribuer à bâtir une société plus dynamique et prospère.