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La diversité – À partir de l’œil de celui qui regarde

Le but de cet article n’est pas de faire un exercice de sémantique avec les lecteurs, mais plutôt de sensibiliser les gens quant à l’importance des termes utilisés quand il est question d’EDI et de susciter une réflexion profonde en la matière.
20 février 2024
Rénald Rousseau, CRHA

Rénald Rousseau est inspecteur à l’Ordre des CRHA. Il est malentendant, mais ne s’est jamais décrit ou considéré comme tel. La notion d’EDI l’interpelle grandement, non seulement en raison de son handicap, mais également en raison de l’environnement au sein duquel il a grandi. Au fil de sa carrière, il a oeuvré dans plusieurs organisations dans des environnements présentant de multiples diversités au Canada et aux États-Unis. Il a participé à plusieurs initiatives qui visaient l’inclusion en milieu de travail. Il nous présente ici sa perspective sur les enjeux et obstacles rencontrés dans son parcours.

Je me souviens très clairement de la première fois où j’ai été exposé à ma différence dans le cadre d’un processus de dotation. Le formulaire à remplir comportait une simple question à cocher : Souffrez-vous d’un handicap? Oui ou non. Si oui, lequel?

Ma moralité ainsi que mon éducation m’ont toujours appris à ne pas mentir. Que faire dans ce genre de circonstances alors que je n’ai pas le goût d’être défini en fonction de mon handicap?

Ne sachant quoi faire, j’ai décidé de remplir le reste du questionnaire en espérant que la réponse à donner me viendrait lorsqu’il ne me resterait plus que cette question à répondre. Miraculeusement, alors que j’approchais de la fin du questionnaire, la réponse m’est apparue comme en un éclair. Je ne souffre pas d’un handicap, je suis malentendant. C’est un état de fait, pas une souffrance quelconque. Je ne suis pas malade, je n’ai pas de douleur.

Après cette formulation plutôt maladroite, plusieurs organisations sont passées à une formulation un peu différente : Possédez-vous un handicap?

Je me souviens de ma perplexité devant cette question d’un formulaire d’emploi dans le cadre d’un processus de recrutement universitaire auquel j’avais participé. Plus petite hésitation, cette fois avant de répondre (je commence à avoir de l’expérience!). Je me souviens de ma réflexion sur la question : Qu’est-ce que je possède? 

Une voiture et, comme la plupart des gens à l’époque, des dettes liées à mon parcours universitaire (sourire). Également, et fort heureusement, un diplôme universitaire en poche qui devrait, du moins je l’espère, me permettre d’éponger ces dettes à plus ou moins long terme. Je ne possède cependant pas de handicap. 

Le but de cet article n’est pas de faire un exercice de sémantique avec les lecteurs, mais plutôt de sensibiliser les gens quant à l’importance des termes utilisés quand il est question d’EDI et de susciter une réflexion profonde en la matière. Encore plus lorsqu’on considère l’aspect de l’inclusion. L’évolution de la terminologie à travers le temps en témoigne.

Nous sommes-nous déjà questionnés à savoir ce que désirent réellement les personnes issues de la diversité? Je ne peux pas répondre pour les autres, mais j’aimerais vous communiquer ici le fruit d’une discussion qui est revenue à plusieurs reprises avec des gens issus de la diversité culturelle. Ainsi, des collègues avec qui j’ai échangé m’ont fait part de leur malaise en lien avec l’utilisation de l’expression « minorité visible ». 

Quand on s’attarde à l’appellation, il y a effectivement quelque chose d’assez préoccupant. Quelque chose qui met l’accent sur la différence, beaucoup plus que sur les similitudes. Quelque chose qui singularise les personnes qui devraient faire partie du nous collectif.

En fait, je ne veux pas être traité de manière différente des autres en raison de ma situation particulière. Autrement dit, je veux être sélectionné pour un poste sur la base de mes compétences et qualifications afin d’occuper le poste et non en raison de mon appartenance à un groupe cible. La valeur de ma sélection s’en trouverait, à mon avis, fortement affectée. Que dire effectivement de la perception de la personne qui sent que ses collègues de travail pensent que sa sélection a été faite sur la base de critères qui n’ont rien à voir avec les aptitudes à accomplir les tâches de la fonction ?

Nulle intention ici de ma part de lancer un débat sur les programmes de discrimination positive en emploi et sur la valeur relative de telles initiatives. Cependant, une seule question : à quelle fréquence au cours de votre carrière avez-vous été exposé à des situations où les candidatures sont vraiment équivalentes pour un poste défini?

Ceci me ramène au point de base à savoir ce que désirent vraiment les personnes issues de la diversité en matière d’emploi. 

Selon moi, des chances égales aux autres et un traitement équivalent. Ce qui peut comprendre certaines mesures d’accompagnement dans le cadre du processus, en vue de justement permettre de donner des chances équivalentes à tout le monde.

La règle d’or bien connue dit : « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse »[1]. Dans le cas de la diversité, je dirais qu’on devrait plutôt appliquer la règle suivante : Agis avec les candidates et candidats issus de la diversité de la même façon dont tu aimerais que l’on agisse avec toi si tu étais dans leur position. Cette perspective amène une dimension complètement différente à la situation.

J’aimerais conclure en suggérant que l’inclusion ne soit pas une fin en soi, pas plus qu’un objectif vers lequel il faut tendre. Il devrait s’agir plus, à mon avis, d’un état d’esprit qui nous permet d’accepter la différence, d’en comprendre la richesse et de pouvoir en faire un levier qui rendra l’organisation meilleure dans toutes ses sphères d’activités. Nous pourrions ainsi définir l’inclusion comme la capacité d’intégration individuelle et collective des réalités particulières de chacun des éléments constituant notre organisation dans un tout cohésif.


Author
Rénald Rousseau, CRHA Inspecteur Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

Source : Revue RH, volume 27, numéro 1 ─ JANVIER FÉVRIER MARS 2024