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Conseiller, conseillère en diversité : l’élite du changement

Le changement lié à la diversité en organisation implique une panoplie de parties prenantes jouant des rôles complémentaires. Suivant une démarche qualitative, une recherche exploratoire menée auprès de neuf organisations au Québec démontre leur implication ainsi que certains de leurs défis. 
22 février 2024
Mouna Lachegar, CRHA | Nathalie Lemieux, DBA, CRHA

Conseiller, conseillère en diversité : l’agent ou agente de changement

Les rôles des professionnels et professionnelles des ressources humaines (PRH) sont multiples et variés, parmi lesquels se trouve celui d’agent ou agente de changement. Certains chercheurs et certaines chercheuses ont décrit ses responsabilités (Conner et Ulrich, 1996), d’autres ont proposé des typologies de ses rôles (Caldwell, 2001). Cela a toutefois été abordé de manière générique, sans prêter attention au contexte dans lequel l’agent ou l’agente de changement intervient. Notre recherche s’est donc intéressée aux rôles des PRH en tant qu’agents et agentes de changement, plus particulièrement en contexte de diversité, qu’on qualifie de conseiller ou conseillère en diversité.

Le conseiller ou la conseillère en diversité : entre une variété des rôles à assumer et une panoplie de défis à surmonter

Le changement vers la diversité se définit comme un changement de culture organisationnelle constitué d’une panoplie de microchangements qui peuvent s’échelonner sur une période assez longue et indéfinie (Lachegar et Lemieux, Sous presse). À partir de Bareil (2004), nous avons déterminé quatre rôles complémentaires exercés par le conseiller ou la conseillère en diversité lors de ce changement (voir Figure 1).

  • Rôle stratégique : la négociation

    Le conseiller ou la conseillère en diversité a le pouvoir d’influencer les décisions prises au sein de l’organisation. Tout d’abord, il ou elle cherche à convaincre les parties prenantes de la nécessité de gérer le changement diversité notamment lorsque les organisations font face au déni des enjeux de discrimination et de l’existence de barrières systémiques. Ensuite, il ou elle les amène à s’entendre sur des objectifs à réaliser, les délais et les ressources à envisager.

  • Rôles fonctionnels : la coordination et la médiation

    Sur le plan fonctionnel, le conseiller ou la conseillère en diversité peut jouer un double rôle, à savoir la coordination et la médiation. En coordination, il ou elle assure le relais entre les employés et employées, les groupes ressources, les alliés et alliées, de même que la haute direction. En d’autres mots, il ou elle intervient en tant qu’intermédiaire entre les parties prenantes afin d’échanger les idées et de développer des pratiques adéquates dans une perspective de cocréation d’un environnement de travail inclusif. Dans son rôle de médiation, il ou elle intervient en cas de conflits ou de résistance face au changement. Il ou elle agit dans un souci de clarifier les situations ambiguës provoquées par les biais inconscients et les préjugés envers certaines communautés. Dans ce cas, sa mission consiste à aider les parties prenantes à apaiser les tensions afin de pouvoir s’accepter mutuellement et discuter de manière pacifique.

  • Rôle opératoire : conseil-accompagnement

    Le conseiller ou la conseillère en diversité peut également intervenir en conseil-accompagnement. Il s’agit de soutenir le changement en mettant en place des conditions gagnantes et en aidant dans la prise des décisions adéquates. À titre illustratif, il ou elle peut avoir un mandat d’apprentissage, mais aussi de désapprentissage de certains concepts : la diversité, la gestion de la diversité, l’équité, l’égalité, les biais inconscients et les microagressions. En offrant le coaching nécessaire, il ou elle amène les personnes à réfléchir par elles-mêmes et être plus autonomes dans la gestion du changement diversité.

  • Rôle de champion

    Le dernier rôle est celui de champion qui, selon Ulrich (2016), amorce et soutient le changement. Pour se qualifier comme l’élite de la diversité, le ou la PRH devrait simultanément jouer les rôles de négociation, coordination, médiation et conseil-accompagnement.

Rôles de conseil en diversité

Ces rôles du conseiller ou de la conseillère en diversité peuvent être à la fois proactifs et réactifs selon les situations (Alfes et al.,2010). Selon nos recherches auprès d’organisations québécoises, le degré de proactivité ou de réactivité est tributaire d’un ensemble de défis organisationnels auxquels fait face le conseiller ou la conseillère en diversité dans l’exercice de ses fonctions.

Le premier défi est lié aux ressources limitées offertes au conseiller ou à la conseillère en diversité. Dans les organisations à l’étude, en cas d’existence d’une équipe, celle-ci ne dépasse pas dans certains cas deux conseillers ou conseillères. Cette situation semble problématique, car elle affecte le rythme et la qualité du travail et semble avoir des répercussions négatives sur la personne en raison du stress et de la lourdeur des responsabilités à assumer.

Le deuxième défi concerne le rattachement hiérarchique du conseiller ou de la conseillère en diversité. Lorsque le poste est rattaché au service de l’acquisition de talents, cela risque de transmettre le signal d’une vision étroite dans la gestion du changement vers la diversité, en considérant qu’il s’agit juste d’une « affaire des RH ».

Le troisième défi porte sur l’absence d’une approche structurée pour gérer le changement vers la diversité. Comme il s’agit d’un changement, certains et certaines PRH semblent manquer de savoir-faire et d’expertise adéquats pour le gérer, les laissant davantage dans des situations essai-erreur.

Les autres parties prenantes : rôles complémentaires et nécessaires

Le changement vers la diversité implique une panoplie d’actrices et d’acteurs organisationnels. Au-delà des conseillers et conseillères en diversité qui ont des responsabilités quotidiennes dans la gestion de ce changement, d’autres parties prenantes jouent des rôles différents et complémentaires. Il s’agit entre autres :

  • Des membres de la haute direction qui prennent les décisions, approuvent les projets et soutiennent leur mise en place.
  • Des gestionnaires qui peuvent agir de façon active en assurant des ressources supplémentaires de financement tout en appuyant les initiatives à leur échelon.
  • Des groupes consultatifs d’employés et employées, appelés aussi groupes-ressources, qui représentent les membres du personnel issus de groupes cibles et dont le rôle consiste à rapprocher les réalités vécues sur le terrain, en rapportant leurs besoins ainsi que les obstacles qu’ils et elles rencontrent.

Recommandations pour soutenir le changement organisationnel lié à la diversité

Sur la base de nos recherches auprès de conseillers et conseillères en diversité, des pistes de recommandations sont proposées :

  • Bien penser à la position de l’équipe EDI. Une distance hiérarchique réduite entre cette équipe et la haute direction semble accélérer la prise de décision et rend plus efficace l’implantation de certaines initiatives.
  • Privilégier une équipe ad hoc multidisciplinaire composée à la fois de spécialistes en diversité, en ressources humaines, en développement organisationnel ainsi que des membres de l’organisation semble bénéfique pour la réflexion et la coconstruction des initiatives de gestion de la diversité ainsi que la favorisation des échanges.
  • Impliquer et assurer l’imputabilité des acteurs et actrices ayant le pouvoir (ex. vice-présidences) en les associant à des groupes cibles pour garantir leur représentativité au comité de direction.
  • Implanter des indicateurs pour rendre compte du degré de la mobilisation et mesurer le degré d’inclusion au sein des organisations, à travers des sondages qualitatifs, des groupes de discussion, ou en utilisant des sondages d’expression en continu.

Pour bien mener son rôle en tant qu’agent ou agente de changement, le conseiller ou la conseillère en diversité devrait consolider ses efforts avec l’ensemble des parties prenantes et adapter ses initiatives à son contexte organisationnel.

Références :

  • Alfes, K., Truss, C., & Gill, J. (2010). The HR Manager as Change Agent: Evidence from the Public Sector. Journal of Change Management, 10(1), 109‑127. https://doi.org/10.1080/14697010903549465
  • Bareil, C. (2004). Gérer le volet humain de changement. Montréal : Éditions Transcontinental.
  • Caldwell, R. (2001). Champions, adapters, consultants and synergists: The new change agents in HRM. Human Resource Management Journal, 11(3), 39‑52. https://doi.org/10.1111/j.1748-8583.2001.tb00044.x
  • Conner, J. & Ulrich, D. (1996). Human resource roles: Creating value, not rhetoric. Human resource planning, 19 (3), 38-49.
  • Lachegar, M. & Lemieux, N. (sous presse). Le changement diversité comme réalité organisationnelle au Québec : Étude exploratoire sur les déclencheurs et les particularités. Revue Humain et Organisation, 8 (1).
  • Ulrich, D. (2016). HR at a crossroads. Asia Pacific Journal of Human Resources, 54(2), 148‑164. https://doi.org/10.1111/1744-7941.12104

Author
Mouna Lachegar, CRHA

Author
Nathalie Lemieux, DBA, CRHA Professeure ESG - UQAM

Source : Revue RH, volume 27, numéro 1 ─ JANVIER FÉVRIER MARS 2024