Les barrières systémiques désignent les inégalités et obstacles intégrés dans les structures et systèmes d'une société, organisation ou institution, pouvant être involontaires, mais pesant de manière disproportionnée sur certaines personnes ou certains groupes, limitant leurs possibilités, accentuant les inégalités ou provoquant des discriminations systémiques.
Dans les organisations, ces barrières se manifestent à travers divers éléments tels que les politiques, les normes, les pratiques, les décisions ou les comportements, engendrant des effets préjudiciables.
Recenser les barrières systémiques
Il est crucial de pouvoir reconnaître et comprendre les barrières systémiques au sein d’une organisation. En voici quelques exemples :
- Conditions sociales : embaucher des stagiaires, des étudiants ou étudiantes, sans ou avec une rémunération moindre pour des fonctions identiques à celles des ressources salariées permanentes.
Dans l’une de ses décisions, la Cour d’appel du Québec a rappelé que le statut d’étudiant ou étudiante constitue une condition sociale. Il est pourtant très fréquent dans les organisations de voir des stagiaires accomplir la même tâche, d’obtenir une formation identique, de déployer les mêmes efforts, d’assumer les mêmes responsabilités, devoir se plier aux mêmes conditions de travail, mais de recevoir moins, voire aucune, rémunération.
- Sexe, identité de genre : exiger 10 ans d’expérience pour un poste historiquement occupé par des hommes.
Par exemple dans l’étude de Brière, il a été démontré que de demander 10 ans d’expérience pour un poste d’inspectrice en santé et sécurité sur les chantiers, crée systématiquement une barrière à l’entrée sachant que le milieu de la construction est majoritairement composé d’hommes.
- Handicap : avoir des horaires fixes ou exclusivement à temps plein.
Les transports adaptés ne sont pas toujours compatibles aux horaires fixes de travail. Ne pas faire preuve de souplesse ou ne pas offrir des horaires flexibles freine l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap. De même qu’une politique de travail à temps plein exclusive constitue une barrière systémique pour les employés et employées cherchant des horaires flexibles pour concilier travail et responsabilités familiales.
- Race, couleur, origine ethnique ou nationale : utiliser des critères ambigus ou inexistants pour sélectionner des candidats ou candidates.
Dans ce contexte, la discrimination, souvent liée aux biais cognitifs, est plus fréquente. Par exemple, le tri des CV, sous la pression induite par le temps limité pour la sélection, la faible concentration nécessaire et le manque de critères précis accroissent le risque d’exclure les personnes aux noms à consonance africaine ou arabe.
- Âge : une organisation qui n’offre pas de possibilités de formation à certains membres du personnel en raison de leur âge.
Les programmes de formation en milieu professionnel excluent souvent le personnel d’expérience, car les entreprises estiment que ces personnes ne peuvent pas apprendre de nouvelles technologies ou s’y adapter.
Mots clés de la posture de l’empathie
- Conditions sociales
- Sexe, identité de genre
- Handicap
- Race, couleur, origine ethnique ou nationale
- Âge
Mettre en place des mesures pour atténuer ou éliminer les barrières systémiques
Pour éliminer ou réduire les politiques, normes ou programmes préjudiciables, les CRHA peuvent :
- Créer un comité de révision des politiques et pratiques, lequel sera composé de personnes issues de la diversité, de personnes extérieures à l’organisation ainsi que des membres de la haute direction.
- Analyser les politiques écrites ainsi que les pratiques courantes pour recenser les inégalités et les obstacles intégrés dans les structures et les systèmes.
Dans le contexte des promotions où les décisionnaires, ayant des biais inconscients, favorisent très souvent des candidats ou candidates avec lesquels ils ou elles partagent des affinités, des études empiriques ont démontré que l'introduction de critères objectifs et la sensibilisation aux biais cognitifs peuvent atténuer cette barrière.
- Examiner les mouvements de main-d’œuvre des groupes ciblés par les programmes d'équité par rapport aux pratiques organisationnelles.
Prenons le cas d'une entreprise où, malgré des compétences équivalentes, les membres de minorités visibles ou ethniques ont un taux de promotion inférieur. Une analyse statistique révélerait cette disparité, indiquant une barrière systémique précise, influençant les possibilités de progression.
- Repenser certaines politiques ou conditions de travail, dont la recherche scientifique a démontré leurs effets systémiques. Par exemple :
Réviser la structure salariale en prenant en compte des facteurs autres que les heures facturables, tels que le travail d'équipe, le mentorat, la publication d'articles, etc.
Établir un processus clair pour recevoir les demandes d'accessibilité ou d'adaptation des personnes en situation de handicap, avec une définition explicite des mesures de confidentialité.
Favoriser l'utilisation de permis de travail ouverts pour le personnel migrant, afin de promouvoir leur pleine participation à la société et de garantir leur droit fondamental à la liberté physique et à la capacité de faire des choix essentiels.
- S’engager de manière volontaire à un programme d’accès à l’égalité à l’emploi (PAÉE) pour adopter des pratiques éprouvées pouvant écarter les barrières systémiques.
- Favoriser une culture d'entreprise qui contribue à réduire les barrières systémiques en suscitant des discussions sur l'égalité, l'équité, la justice sociale et le leadership inclusif.
La discrimination systémique, complexe et enracinée, persiste dans les organisations et les comportements. La suppression de ces barrières passe par une transformation organisationnelle basée sur l'équité et la justice sociale. Les CRHA ont un rôle crucial dans la création d'organisations équitables. La prise de conscience et l'action proactive sont les catalyseurs de ce changement[1] nécessaire. Pour éliminer les iniquités et assurer un accès universel en supprimant les barrières, des remises en question constantes et des actions déterminantes sont indispensables, avec les CRHA en tant qu'actrices et acteurs centraux.
Références
- https://www.cdpdj.qc.ca/storage/app/media/publications/document_reflexion-racisme-systemique.pdf
- Kuptsch, C., Charest, É. (2023). Le futur de la diversité. Canada : Presses de l’Université du Québec.
- https ://www.droit-inc.com/article29092-Remuneration-des-etudiants-et-discrimination-la-cour-d-appel-se-prononce
- https://www.pulaval.com/livres/les-femmes-dans-des-professions-traditionnellement-masculines
- https ://corpus.ulaval.ca/server/api/core/bitstreams/a8be2409-c241-46a6-abb5-b18195b352f4/content
- Greenwald, A. G., & Krieger, L. H. (2006). Implicit Bias : Scientific Foundations.
- Beauregard, Jean-Philippe « Dévoiler la barrière de la discrimination ethnoraciale à l’embauche à Québec par un testing intersectionnel ». Nouvelles pratiques sociales 31, no. 2 (2020) : 66–81. https://doi.org/10.7202/1076645ar
- https://www.who.int/fr/news/item/18-03-2021-ageism-is-a-global-challenge-un
- https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/ministere/aines/forum/rapports/agisme-repercussions-sociales-economiques.html#h2.07
- Milkman, K. L., Akinola, M., & Chugh, D. (2015). What happens before? A field experiment exploring how pay and representation differentially shape bias on the pathway into organizations. The Journal of applied psychology, 100(6), 1678–1712. https://doi.org/10.1037/apl0000022
- https://www.pulaval.com/livres/les-femmes-dans-des-professions-traditionnellement-masculines
- https://www.sshrc-crsh.gc.ca/funding-financement/nfrf-fnfr/edi-fra.aspx?wbdisable=true#4
- Kuptsch, C., Charest, É. (2023). Le futur de la diversité. Canada : Presses de l'Université du Québec.
- https://www.cdpdj.qc.ca/fr/nos-services/activites-et-services/mettre-en-oeuvre-un-programme-dacces-legalite-en-emploi-paee
- https://loindevantrh.com/blogueloindevantrh/crer-un-milieu-de-travail-inclusif-comment-en-assurer-le-succs