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Créer de la valeur durable : positionner l’apprentissage en continu au cœur de votre culture organisationnelle !

Dans notre monde en constante mutation, où l’évolution technologique et les dynamiques économiques redessinent sans cesse le paysage des affaires, l’importance de l’apprentissage continu est en effet plus cruciale que jamais.
20 octobre 2023
Catherine Bédard, CRHA
« Le savoir, la seule ressource qui prend de la valeur en la partageant... » Jean-François Ballay[1]

Que vous évoque cette citation lorsque vous la lisez? Bien qu’elle date de quelques années, elle demeure assurément d’actualité dans nos organisations. Elle nous parle d’apprentissage collectif et de partage, exactement ce que nous voulons mettre de l’avant dans ce numéro consacré aux organisations apprenantes. Dans notre monde en constante mutation, où l'évolution technologique et les dynamiques économiques redessinent sans cesse le paysage des affaires, l'importance de l'apprentissage continu est en effet plus cruciale que jamais. Cependant, cet apprentissage ne se limite pas à une simple série de compétences acquises; il doit s’ancrer profondément dans la culture de l'entreprise pour en faire une organisation apprenante. Mais qu'est-ce que cela veut dire? Peter Senge a développé ce concept dans « La Cinquième discipline » où il insiste sur l’importance d’une culture d'apprentissage continu et collectif. Cela signifie que l'apprentissage ne se limite pas aux individus; il est tissé dans la trame même de la culture organisationnelle. J’ajoute ma croyance personnelle que l’apprentissage est donc avant tout un acte social : on n’apprend pas sans les autres, car même l’autodidacte lira ou écoutera ce que d’autres ont partagé, ou aura à tout le moins besoin d’une rétroaction directe ou indirecte. Une « trame d’apprentissage » se tissera donc par des interactions : échanges, collaborations, rétroaction, et toutes les formes de collaboration doivent être les pierres d’assises d’une telle culture, celle qui embrassera l'apprentissage en continu. Cette culture, qui accordera assurément une place primordiale au droit à l'erreur et à la sécurité psychologique, se révèle être le moteur de la réussite organisationnelle. Mais comment y arriver au quotidien et en faire un levier de performance? C’est le défi qui se pose, dans un contexte postpandémique, de transformation des modes de travail, de technologies qui évoluent sans cesse et prennent de plus en plus de place, et de rareté et de roulement de ressources. Où en sommes-nous? Quelle contribution peuvent apporter les spécialistes RH? L'article de Pierre Lainey met la table pour y réfléchir.

La citation de Ballay que j’ai choisie pour inaugurer le voyage réflexif que propose ce numéro illustre indiscutablement la valeur exponentielle du savoir partagé. Au sein d'une organisation, le partage des connaissances transcende les limites des individus et se développe en un bien collectif. Cependant, cette transformation ne peut s'accomplir que dans un environnement qui considère l'apprentissage en continu comme un élément intrinsèque de sa culture et qui offre le contexte pour y arriver[1]. C’est ainsi que le contexte d’environnement capacitant, qu’explore Lola Juhel dans son article, devient une pierre d’assise permettant la cristallisation de ces apprentissages collectifs. Jean-Marie Peretti, lui, évoque carrément un écosystème d’apprenance qui favorisera l’émergence de personnel qui deviendront des apprenantes et apprenants en série. Rien de moins!

Un élément clé de cette culture d’apprentissage est le droit à l'erreur.[2] Nous entendons souvent (Poitras, 2021) que dans une organisation où le droit à l'erreur est honoré, les employées et les employés osent innover, expérimenter et explorer de nouvelles voies, sachant que chaque essai est une marche de plus vers l'excellence. C’est le fameux concept de la double boucle, développé par Chris Argyris.[3] La boucle simple consiste à adapter les actions en fonction des résultats, tandis que la boucle double interroge les valeurs, les croyances et les modèles mentaux qui sous-tendent ces actions. Dans une culture de la double boucle, on sera encouragé à remettre en question les normes établies et à explorer activement de nouvelles approches. Le codéveloppement actualisé, dont nous parlent dans leur article Nathalie Sabourin, Maxime Paquet et Nathalie Lafranchise, est une approche de choix à cette fin.

Cependant, le droit à l'erreur ne peut véritablement prospérer sans la sécurité psychologique qui crée un environnement où les individus se sentent en confiance pour exprimer leurs idées, communiquer leurs opinions et poser des questions sans crainte de représailles. C’est ce à quoi l’article d’Audrey Bélanger s’intéresse, en expliquant en quoi la prise de parole, comme une clé de l’apprentissage et de l’évolution, nous amène à réfléchir.

Mais ce n’est pas tout : pour une double boucle complète, il faut absolument accorder de l’espace à l’étape incontournable de la réflexion sur les apprentissages pour arriver à un réel transfert dans la pratique de chacune et chacun. À cet égard, le retour sur l’expérience de la Ville de Montréal, présenté par Marie Cardinal-Picard et Yvonne Henkelmann est éloquent : arriver, une étape à la fois, à engager toutes les parties prenantes dans cette noble mission. Également, l’article de Nathalie Lemieux, Mariline Comeau-Vallée et Nadia Girard sur l’apport du DO dialogique nous éclaire sur le rôle proactif que peuvent jouer les spécialistes RH pour maximiser les retombées des apprentissages individuels et collectifs grâce à leurs transferts.

Une culture qui encourage l'apprentissage continu, le droit à l'erreur et la sécurité psychologique est un atout majeur pour la réalisation des objectifs d'affaires. Lorsque le personnel se sent libre d'apprendre, d'expérimenter et de s'exprimer, il est plus engagé et investi dans ses tâches. Cela se traduit par une productivité accrue et des performances améliorées. Les gestionnaires ont tout à gagner à se faire les premiers acteurs de l’apprentissage, et les spécialistes RH sont les mieux placés pour les accompagner dans cette voie. Justine Dima et Armand Brice Kouadio nous parlent dans leur article des pratiques managériales favorisant le développement d'organisations apprenantes. Thierry Bonetto et Morgan Baivier de Fortis nous proposent de leur côté une boussole pour diagnostiquer le degré de maturité de votre organisation, et déterminer les leviers pour progresser.

Par contre, attention à ne pas trop faire pour bien faire- comme nous exposent Pierre-Marc Leblanc et Annick Parent-Lamarche dans leur article qui évoque les risques d’un surinvestissement en matière de développement sur la santé mentale du personnel et des gestionnaires. Un point de vigilance à ne pas perdre de vue!

La culture joue également un rôle central dans l'innovation. Une culture d'apprentissage continu stimule la créativité, encourageant chaque personne à remettre en question le statu quo et à explorer de nouvelles voies. De plus, on dit souvent qu’une culture qui valorise l'apprentissage continu et le développement personnel favorise aussi la rétention des talents, autre défi actuel de taille pour les organisations. De quelle façon? On peut faire le pari qu’un membre du personnel sera plus enclin à rester au sein d'une organisation qui investit dans sa croissance professionnelle et qui lui offre un environnement favorable à l'apprentissage.

Équilibrer le savoir et la culture pour une performance optimale - mission possible!

Dans le monde concurrentiel d'aujourd'hui, les organisations qui embrassent une culture d'apprentissage continu, soutenue par le droit à l'erreur et la sécurité psychologique, sont celles qui réussissent à évoluer, innover et prospérer. Les entreprises doivent reconnaître que le potentiel de leur communauté est libéré lorsqu’on se sent encouragé à explorer, à apprendre de ses erreurs et à contribuer activement à l'apprentissage collectif.

La culture organisationnelle agit comme la toile de fond qui éclaire et soutient chaque action et chaque initiative. En créant une culture d'apprentissage, les organisations créent un environnement où les objectifs d'affaires peuvent être atteints de manière holistique, où l'innovation devient la norme et où chaque individu peut s'épanouir tout en contribuant au succès collectif. À travers une culture qui embrasse l'apprentissage en continu, les organisations se positionnent sur la voie du succès durable dans notre monde qui évolue sans relâche. Quel beau défi, et quelle belle possibilité de faire une différence pour les spécialistes RH en agissant sur cette culture! Voyez maintenant les questions que vous pose Annie Boilard dans son article qui ferme le bal pour ce dossier passionnant.

En conclusion, je vous laisse avec une citation d’Épictète : Il est impossible pour un homme d’apprendre ce qu’il pense déjà savoir. Restons humbles et cultivons la curiosité à bon escient. J'espère que vous apprendrez autant que moi, et avec autant de plaisir, à la lecture de ce numéro. Bonne lecture!


Author
Catherine Bédard, CRHA Coordonnatrice à la formation continue Union des municipalités du Québec
Catherine Bédard, M. Ed., CRHA est coordonnatrice à la formation continue à l’Union des municipalités du Québec. Passionnée par le développement des compétences professionnelles, elle travaille depuis plus de vingt ans à développer et gérer des programmes de formation sous diverses formes pour des clientèles variées. Diplômée en études françaises et en andragogie, elle est également titulaire d’une maîtrise en gestion de la formation.

Source : Revue RH, volume 26, numéro 4  ─ SEPTEMBRE OCTOBRE 2023

  1. Ballay, Jean-François (2002), Tous managers du savoir! Eyrolles.
  2. Poitras, A. (2021). Vu d’ailleurs – Le droit à l’erreur. Gestion, 46, 28-32. https://doi.org/10.3917/riges.463.0028 (consulté le 21 juillet 2023)
  3. Double Loop Learning in Organizations, Harvard Business Review, septembre 1977 https://hbr.org/1977/09/double-loop-learning-in-organizations (consulté le 18 juillet 2023)