ressources / revue-rh / volume-26-no-4

Remise en question constante : la clé pour une conversion vers l’organisation apprenante

Le monde des affaires actuel est en constante évolution. Dans un contexte où nous entendons parler ad nauseam de transformation, de refonte et d’évolution de nos modèles d’affaires, des pratiques, des processus et des entreprises, le principe de l’entreprise apprenante en est un qui est séduisant à plusieurs égards. 
20 octobre 2023
Philippe De Villers, CRHA

En effet, on peut penser que ce dernier vient enlever de la pression sur l’entreprise en tant que telle, en recentrant celle-ci sur les individus, qui prennent plus de place dans le processus d’apprentissage. Mais est-ce bien le cas? Je crois tout d’abord qu’il faut prendre le temps de se questionner sur notre posture d’entreprise en termes d’humilité, de culture, et finalement, d’innovation afin d’embrasser ce modèle de manière adéquate.

D’entrée de jeu, le thème de l’humilité me semble clé dans tout le concept d’entreprise apprenante. En effet, pour parler d’apprentissage, il faut tout d’abord reconnaître que nous avons des choses à apprendre. Combien de fois avons-nous entendu l’adage « On a toujours des choses à apprendre » ? La vraie vie est parfois fort différente. Combien de gestionnaires et leaders d’entreprises croient tout connaître, tout comprendre, non seulement sur leur entreprise, mais dans leur champ de pratique également? Sans une bonne dose d’humilité véritable, le chemin me paraît impossible à parcourir. Et cette humilité implique une autre dimension : reconnaître non seulement ses erreurs, mais reconnaître que le fait de faire des erreurs favorise l’apprentissage véritable. Là aussi, on peut penser à un défi de taille pour de nombreuses personnes.

Les différents éléments mentionnés tendent vers un thème central de l’entreprise apprenante : la culture organisationnelle. Lorsqu’on parle de donner le droit de se tromper, de favoriser l’humilité, nous touchons des points centraux à la culture organisationnelle. J’ai toujours eu la ferme conviction que les professionnels CRHA et CRIA dans les organisations agissaient comme gardiens de la culture et des valeurs d’entreprise. Ce faisant, ceux d’entre nous qui tendent vers le concept d’entreprise apprenante doivent conséquemment faire évoluer leur culture en ce sens. Et cette évolution doit se faire de manière cohérente, non seulement en mots, mais en actions! Ces actions doivent percoler tous les échelons de l’entreprise, des cadres supérieurs aux différents commis. Accordons-nous du temps quotidien pour faire des microapprentissages? Avons-nous des processus de ludification de l’apprentissage? Quels projets exploratoires entreprenons-nous? Valorisons-nous le fait de faire des erreurs, et surtout, de diffuser les apprentissages reliés à celles-ci? Nous devons jouer un rôle central dans cette prise de position comme entreprise apprenante, et mesurer de manière soutenue l’évolution vers ce statut, de manière à orienter nos efforts adéquatement.

Enfin, je me permets de nous mettre au défi d’utiliser la mise sur pied ou l’évolution d’une démarche d’entreprise apprenante pour nous-mêmes développer un domaine professionnel de compétences souvent occulté de notre Guide de compétences : l’innovation. En effet, faisant partie de l’évolution stratégique des organisations, l’innovation touche la conception et l’accompagnement des démarches d’innovation des entreprises[1]. Je crois que la mise en place d’une culture d’entreprise apprenante crée un terreau fertile pour le développement d'innovations touchant non seulement les produits et services de l’entreprise, mais pouvant également toucher le domaine de pratique des ressources humaines. En se donnant le droit d’apprendre en continu, d’évoluer, de se remettre en question et surtout d’essayer différentes approches, on met dans les faits en place les conditions gagnantes à l’innovation!

Finalement, je crois que comme professionnels RH, nous avons plusieurs défis à relever en lien avec les entreprises apprenantes. Nous devons tout d’abord accepter que la formation soit inévitablement moins structurée, mais potentiellement plus pertinente. Nous devons former nos gens à apprendre, à se développer et surtout, à faire évoluer notre culture d’entreprise. Ce faisant, les bases seront en place pour pleinement bénéficier des gains des entreprises apprenantes, et qui sait, développer des innovations porteuses pour le futur de notre entreprise, voire de notre société.


Author
Philippe De Villers, CRHA Ancien président du CA de l’Ordre des CRHA

Source : Revue RH, volume 26, numéro 4  ─ SEPTEMBRE OCTOBRE 2023

  1. Ordre des CRHA, Guide des compétences, 2022