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Un rôle transformé de la GRH : la vision ESG

L’intérêt pour les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans la gestion de nos organisations suscite de plus en plus de discussions et de débats, ce qui est en soi une excellente nouvelle. Par contre, cet intérêt entraîne son lot de défis comme l'évolution de nos pratiques de gestion et l’élaboration d’une vision transversale de celles-ci.
2 juin 2023
Richard Blain, MBA, IAS. A., CRHA, Distinction Fellow

L’intérêt pour les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans la gestion de nos organisations suscite de plus en plus de discussions et de débats, ce qui est en soi une excellente nouvelle. Par contre, les moyens pour leur mise en œuvre sont à un stade précoce et demeurent encore à découvrir et à expérimenter. Ils nécessiteront une évolution de nos pratiques de gestion et l’élaboration d’une vision transversale de celles-ci. Dans nos organisations, trop longtemps habituées à penser et à agir en silos, cela représente déjà un premier défi.

Le deuxième défi sera de définir la vision, les objectifs et la feuille de route de chaque organisation afin qu’elles intègrent les principes ESG dans leur stratégie et leur gestion courante.

Afin de nous éclairer sur le sujet, cette édition de la Revue RH regroupe plusieurs textes fort pertinents. Certains textes définissent les facteurs ESG et leurs interrelations avec les principes d’équité, de diversité et d’inclusion (ÉDI) et les 17 objectifs de développement durable (ODD) établis par les Nations Unies, notamment le texte d’Élisabeth Petit.

D’autres textes nous proposent une démarche de changement. C’est le cas des excellents articles de Myrielle Robitaille, Patricia Piuze, et Joanny Dion-Ouellet qui proposent des étapes structurées de mise en œuvre, ainsi que du texte de Nouha Chtioui, qui prône l’adoption d’une culture d’imputabilité, de transparence et d’ouverture pour favoriser la bonne gouvernance des entreprises.

D’autres auteurs traitent de la mise en œuvre des facteurs ESG, comme Dominique Dodier, CRHA, et de Robert Dubé, CRHA, cosignataires d'un texte portant sur le développement de nouvelles compétences pour la main-d’œuvre dans une société plus soucieuse de son environnement et devant s’adapter aux changements climatiques. Lucie Marcoux nous expose quant à elle à un référentiel de compétences pour prendre ce virage pendant que Virginie Leblanc nous sensibilise aux méthodes de recrutement éthique à l’ère de l’IA.

Enfin, dans le texte de Myriam Lefebvre et Alexandre Havard nous retrouvons des applications concrètes et des illustrations probantes de l’implantation des facteurs ESG dans les organisations; ils nous expliquent comment la Fédération des Cégeps a mis en œuvre une démarche d’écologisation visant l’intégration transversale du développement durable et du développement de sa marque employeur. Par sa plume, Esther Dormagen nous invite à prendre le leadership de la transition socio-écologique de nos entreprises et nous propose une série d’actions pour développer une culture de durabilité et mener la transformation de l’organisation. Alexander Yuriev, PhD, nous indique quelques bonnes pratiques RH pour favoriser la promotion de comportements volontaires pro-environnementaux, une approche basée sur des études scientifiques probantes. Et finalement, Michel Maletto, Fellow CRHA, nous incite à l’action et nous convie à la création d’un carrefour de transformation sociétal, rien de moins!

Grâce à ce riche contenu et de nombreuses autres publications, les professionnels RH tiennent une occasion extraordinaire de faire valoir leur expertise non seulement dans la gestion stratégique de leur organisation, mais également dans la transformation de notre société tout entière.

En parcourant la documentation sur les ESG et les nombreux acronymes qui l’accompagnent, on pourrait croire à une mode passagère, la tendance du moment qui sera, à son tour, remplacée par d’autres avenues tout aussi éphémères. Eh bien, les facteurs ESG sont là pour de bon, les possibilités de faire marche arrière étant nulles. La seule question qui demeure est le rythme d’adhésion des organisations et des différentes législations à cette tendance de fond, portant les organisations vers une gestion plus soucieuse des pratiques d’affaires durables. Il en était de même au début des années 90, alors que j’œuvrais dans l’industrie du commerce de détail et que l’émergence des sites d’achat en ligne s’installait graduellement. Comment cela allait-il influencer les habitudes de consommation et la façon de vendre des produits? Personne n’était alors en mesure de prédire les changements à venir avec exactitude. Qu’allait-il arriver avec les commerces ayant pignon sur rue? Survivraient-ils? Une chose était certaine : tous, s’entendaient pour dire qu’il était préférable de sauter dans ce train en marche que de le voir défiler à grande vitesse sous nos yeux.

Il en va de même pour les facteurs ESG, un modèle différent des simples indicateurs financiers pour mesurer et quantifier l’incidence de nos organisations. Ce modèle prend en considération l’ensemble des parties prenantes d’une organisation ainsi que les risques associés à ses activités.

En ce sens, j’aimerais insister sur la dernière lettre de ESG, la Gouvernance. Comme la poule et l’œuf, on n’a jamais su lequel est arrivé en premier, les trois éléments de ESG sont interdépendants. En d’autres mots, chacun a une incidence sur l’autre. Nous savons que tout grand changement requiert une volonté de la part de la haute direction. Il m’apparaît donc logique de postuler que les changements de culture et de pratiques de gestion doivent d’abord se discuter et se décider au sein des conseils d’administration de nos organisations. Bien sûr, des initiatives peuvent s’organiser localement, sous la gouverne de quelques gestionnaires, employés ou syndicats. Par contre, tout grand changement doit faire partie intégrante de la formulation de la stratégie de l’entreprise, à défaut de demeurer qu’un projet ponctuel ou anecdotique.

L’intervention des professionnels en RH peut s’effectuer sur deux axes, le premier concernant la gouvernance corporative. En s’intéressant et en s’instruisant en gouvernance d’entreprise, les professionnels RH pourront influencer les prises de décisions stratégiques et amorcer le virage ESG.

Le deuxième axe d’intervention, plus accessible à l’ensemble de la communauté RH, se situe sur le plan de la gouvernance opérationnelle. C’est-à-dire en agissant sur la structure organisationnelle en elle-même, en définissant les rôles et les responsabilités des individus, des comités de gestion et des comités de projets ainsi qu’en déterminant leur degré d’autonomie et d’imputabilité, des mécanismes de redditions de comptes et la définition des compétences requises et les critères d’évaluation de la performance et de la rémunération, etc. En ayant en tête les facteurs ESG pour chacun de ces processus de gestion, les professionnels RH pourront avoir une incidence majeure dans la transformation de nos entreprises.

Continuons à réfléchir et à échanger sur le sujet, développons nos compétences et celles de nos employés en la matière et partageons nos expériences; ce sera certes un gage de succès.

Bonne lecture!


Author
Richard Blain, MBA, IAS. A., CRHA, Distinction Fellow Rédacteur en chef invité

Source : Revue RH, volume 26, numéro 2  ─ AVRIL MAI JUIN 2023