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Plaidoyer en faveur des objectifs ESG : quel leadership des RH?

Les objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance deviennent de plus en plus prisés chez les organisations. Pourquoi ? Entre autres, parce qu’elles ont compris que pour créer de la valeur durable, il ne faut plus raisonner seulement en termes d’objectifs financiers, mais s'intéresser également, aux risques extra financiers.
26 mai 2023

L’intérêt des organisations pour les objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) est en train de monter en flèche. Pourquoi ? Entre autres, parce qu’elles ont compris que pour créer de la valeur durable, il ne faut plus raisonner seulement en termes d’objectifs financiers, mais s'intéresser également, et de plus en plus, aux risques extra financiers notamment ceux touchant au capital humain et pouvant avoir une corrélation positive ou négative avec leur performance globale et leur survie économique.

On parle bien évidemment et à juste titre, des risques environnementaux et de dysfonctionnements des cadres sociaux. Des risques technologiques, de cybersécurité et d’obsolescence des compétences. On parle aussi des risques de santé et mieux-être au travail et de dévalorisation accélérée de sa valeur. Sans oublier les risques éthiques, la mauvaise maîtrise des règles juridiques, la violation des droits fondamentaux de la personne ou la corruption. En fait, et pour ainsi dire, les organisations qui prennent la mesure concrète de ces risques comprennent enfin qu’elles n’ont d’autres choix que de s’appuyer sur un modèle de création de valeur qui soit positif et assez fédérateur à la fois pour la planète et la collectivité, mais aussi pour le corps social de l’entreprise et ses parties prenantes élargies (Peretti et Frimousse, 2020).

Que sont les objectifs ESG?

Ce n’est une surprise pour personne si nous disons que les acteurs qui participent, de près ou de loin à la vie économique des organisations, sont nombreux. On parle des employés, des clients, des fournisseurs, des investisseurs, de la société civile, des politiques et des autorités de réglementation. Toutes ces parties prenantes apportent une valeur ajoutée à ces organisations, ont des attentes et peuvent même faire pression sur elles pour qu’elles agissent comme de bonnes « citoyennes corporatives » (Capron & Petit, 2011). En ce sens, des entités qui font preuve d’une gestion efficace et responsable de leurs activités et de leur capital humain, et qui performent tout en étant de meilleurs employeurs contribuant au mieux-être de leur communauté. Comment, pourquoi, avec quels moyens et surtout quels rôles pour les RH? La réponse à ces questions se trouve du côté de la valorisation des objectifs ESG.

L’objectif environnemental (le E) étudie les conséquences directes ou indirectes des activités de l’organisation sur l’environnement et le climat. L’objectif social (le S) tient compte de la façon dont l’organisation traite ses employés, et travaille avec sa clientèle, ses fournisseurs de même que l’ensemble de la collectivité, ainsi que de l’effet qu’elle a sur eux. Enfin, sur le plan de la gouvernance (le G), il est plutôt question de politiques, structures et procédures par lesquelles l’entreprise est dirigée, administrée et contrôlée. Rappelons que c’est dans la détermination, l’évaluation et la hiérarchisation de tous ces critères ESG que se concrétise la responsabilité sociale des entreprises (RSE) aujourd’hui. Ceci étant dit, quelle gouvernance des RH sur ces objectifs ESG?

Le leadership des RH sur les objectifs ESG

Il est clair que les sentiers de la croissance durable dépendent étroitement d’une gestion efficace et responsable de toutes les formes de capital (économique, risque, humain, social et culturel, etc.) dont dispose l’organisation. Les professionnels RH détiennent la possibilité de faire valoir leur expertise et leur maîtrise des programmes de gestion du capital humain et de talents.

Objectifs environnementaux : le E

Les RH doivent soutenir les entreprises pour renforcer leur image de citoyennes corporatives en formalisant concrètement ce qu'elles font pour l'environnement. La communication interne et externe devient un levier pour les aider à consolider leur culture organisationnelle dans une optique d’attraction, de rétention et de marque employeur. Les RH doivent également conscientiser les collaborateurs et les gestionnaires sur l’importance d’adopter des comportements écoresponsables (Boiral, 2007) en mettant en place une série de démarches formelles valorisant ce qui se fait en la matière de lutte contre le gaspillage, le recours aux mobilités durables, l’optimisation de la consommation d’eau et d’énergie, télétravail, etc. Enfin, la formation peut être utilisée par les RH dans une optique de sensibilisation des collaborateurs et des gestionnaires sur les enjeux prioritaires en matière d’environnement et d'écocitoyenneté.

Objectifs sociaux : le S

Les RH doivent consolider les piliers qui permettent à l’entreprise de se positionner sur des aspects comme le bien-être de ses employés, la prévention des accidents et les risques psychosociaux, l’investissement dans leur apprentissage et leur formation professionnelle, la rémunération, l’évaluation de leur performance, le bien-être financier ainsi que les questions relatives au respect du droit du travail et des libertés. Le respect de ce critère passe également par la conduite de démarches ÉDI et la mise en place de politiques qui respectent la parité, l'égalité professionnelle des chances, de l’emploi et l’inclusion des personnes issues de la diversité et des communautés autochtones à des postes de direction. Toutes ces actions sont appréhendables comme des processus de responsabilisation sociétale en faveur d’une meilleure justice organisationnelle et une stimulation de l’innovation.

Objectifs de gouvernance : le G

Les RH doivent s’assurer de la mise en place d’une série de processus, d’outils et de pratiques basés sur la saine gouvernance corporative qui favorise indubitablement le rendement durable (McElhaney, 2008). Qu’il s’agisse de la bonne gouvernance des données RH et l'ensemble des principes qui garantissent une utilisation éthique des technologies et de l’IA. Qu’il s’agisse de la bonne gouvernance des coûts qui passe notamment par des stratégies durables de limitation des coûts et une imputabilité en matière d’avantages sociaux. Ou encore de la bonne gouvernance éthique qui consiste à promouvoir les comportements et conduites éthiques des employés et des dirigeants, à favoriser une culture organisationnelle qui respecte les lois et les normes et dénonce les pratiques déviantes (le harcèlement, l’incivilité, la corruption) et établit des mécanismes des mesures préventives de toute situation contraire à l'éthique. L’ampleur de cette posture remet à l’ordre du jour l’importance à ce que les professionnels RH siègent sur des conseils d’administration, et reconnaître la valeur de leur expertise et leur rôle stratégique.

Conclusion

Dans « La société du risque », Ulrick Beck disait que « si nous ne vivons pas dans un monde plus dangereux qu’auparavant, le risque est désormais beaucoup plus qu’une menace : il est devenu la mesure de notre action ». La prise de conscience de l’importance des actions socialement et « sociétalement » responsables des organisations est désormais libérée. La dynamique en faveur des objectifs ESG est dorénavant enclenchée et rien ne peut l’arrêter. Leur appropriation par les organisations doit néanmoins être pensée dans une optique plurielle et de coconstruction engageant indéniablement les RH. Il reste à savoir à quel rythme nous cheminons collectivement sur la voie de la conformité aux objectifs ESG.