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Les organisations plus vertes… Et si l’on invitait les professionnels RH?

Les efforts organisationnels visant à réduire l'empreinte environnementale dépendent fortement des comportements des employés et sont donc directement liés aux activités quotidiennes des professionnels RH.
26 mai 2023
Alexander Yuriev, Ph. D.

Il est possible de distinguer deux types de comportements pro-environnementaux individuels : « in-role » et « extra-role » (Ones et al., 2018).

Les comportements « in-role » sont les actions qui font partie des tâches dont les employés sont responsables. Par exemple, un gestionnaire de l’environnement travaillant dans un hôtel et qui crée un guide interne pour l'approvisionnement durable des fournitures quotidiennes adopte manifestement un comportement « in-role », car cette action fait partie de la responsabilité directe de cet employé. Cependant, ce type de comportement est assez limité, car le nombre d'emplois « verts » est relativement faible (à titre d’information, les « gestionnaires de l’environnement », soit les personnes qui sont supposées de s’assurer que les opérations de l’organisation sont en conformité avec les lois environnementales et d’implanter les politiques internes à ce sujet, sont souvent responsables d'autres dossiers également – notamment la santé et la sécurité au travail). En revanche, les comportements « extra-role », ou les comportements volontaires, sont les actions qui peuvent être entreprises par tous les employés. Les exemples de tels comportements sont nombreux et incluent les gestes quotidiens (recyclage, transport alternatif, efforts en matière d’énergie et d’électricité, etc.), ainsi que les actions plus complexes : un hôtelier qui décide de mettre en place une politique environnementale, ou un restaurateur qui contribue à une campagne environnementale dans une municipalité. Bien que ces comportements ne soient pas rémunérés, ils sont extrêmement importants pour les organisations « de demain » et… bonne nouvelle, ils peuvent toujours être encouragés, et les professionnels RH sont à l'avant-garde de cette incitation.

Bonnes pratiques RH pour la promotion de comportements volontaires pro-environnementaux

De manière générale, la documentation sur ce sujet recommande aux organisations de développer et de promouvoir un climat intérieur qui favorise la protection de l'environnement (Bissing-Olson et al., 2013). Les spécialistes RH peuvent le faire en adoptant de nombreuses actions précises :

  1. Rencontrer les salariés afin de discuter de leur milieu de travail (Temminck et al., 2015). Étant donné que chaque cadre professionnel est unique, les employés connaissent mieux que quiconque les conséquences environnementales de leurs tâches quotidiennes. Les professionnels RH peuvent discuter de ces conséquences dans le but de déterminer les aspects qui peuvent être améliorés. Les résultats de ces échanges peuvent inclure le changement des routines de travail (par exemple, l'accomplissement du même travail avec une meilleure optimisation des ressources) ou la capitalisation et la codification des connaissances tacites pour un transfert potentiel à d'autres employés (par exemple, une liste de dysfonctionnements des machineries lourdes ou un guide pour éviter les déversements accidentels de liquides dangereux dans les usines/industries). De plus, il est important que les professionnels RH expriment leur gratitude pour les suggestions pro-environnementales qui proviennent fréquemment des employés (Yuriev et al., 2022).
  2. Encourager les employés à fixer leurs propres objectifs verts (Tosti-Kharas et al., 2016). Il est bien connu que les employés travaillent mieux avec des objectifs individuels clairs et liés à l'environnement (tels que le % de déplacements professionnels effectués en transport en commun, le % de matières premières utilisées provenant de sources durables, le nombre d'expéditions non aériennes, etc.). Ces objectifs individuels peuvent introduire un mécanisme de « gamification » et aider les employés à s'engager plus régulièrement dans de telles actions. Les professionnels des RH peuvent encourager ces objectifs en expliquant leur pertinence aux différents services.
  3. S'investir dans l'adoption des approches formelles en lien avec le développement durable. Bien qu’une politique environnementale ou un système de management environnemental (par exemple, ISO 14001) puissent être bénéfiques pour réduire l'empreinte environnementale, ces approches deviennent souvent symboliques et inefficaces sans implication active des employés (Boiral, 2007). C'est pourquoi l'engagement des professionnels RH dans l'élaboration (par exemple, déterminer les axes d'intervention clés à partir d'échanges avec les employés) et le lancement (par exemple, s'assurer que les employés comprennent les mesures adoptées) de ces outils formels est primordial pour leur succès.
  4. Formation sur les sujets environnementaux (Chou, 2014) et ateliers spécialisés (Paillé et al., 2014). Plusieurs employés ne sont pas conscients des diverses répercussions environnementales de leurs tâches quotidiennes. Afin de sensibiliser les employés davantage, les professionnels RH peuvent proposer une sélection des courtes sessions qui familiariseraient les employés aux problèmes environnementaux répandus et aux solutions courantes liées au travail.
  5. Campagnes volontaires (Greene et al., 2014). Diverses activités non liées au travail peuvent également contribuer à l'établissement d'une culture organisationnelle verte. Par exemple, les professionnels RH peuvent lancer des campagnes telles que « Déjeuner végétarien une fois par semaine » ou « Dons de vêtements et articles usagés aux organismes de solidarité locaux ». Évidemment, ces campagnes ne doivent pas être obligatoires, mais elles sont connues pour accroître la sensibilisation aux problèmes aigus et susciter l'intérêt à leur égard.

Conclusion

Malgré la sensibilisation croissante aux problèmes de développement durable dans le monde entier, il reste toujours difficile pour les organisations d’entamer le virage vert. Cependant, les professionnels RH jouent un rôle très important pour s'assurer que les efforts organisationnels dans cette direction soient efficaces. La liste de cinq actions ci-dessus n'est évidemment pas exhaustive et l'engagement des professionnels RH peut varier d'un milieu de travail à l'autre. De plus, les chercheurs et les praticiens sont toujours à la recherche de nouvelles façons d'inciter les employés à adopter des comportements pro-environnementaux. D’ailleurs et depuis longtemps, certains auteurs suggèrent de mener des enquêtes spécialisées et de recruter de nouveaux employés en fonction de leurs attitudes environnementales (Chan et al. 2014; Kim et al. 2017). Bien que ce ne soit peut-être pas la voie appropriée pour toutes les organisations, cela démontre clairement l'importance croissante des professionnels RH dans le domaine du développement durable. 

Références

  • Bissing‐Olson, M. J., Iyer, A., Fielding, K. S., & Zacher, H. (2013). Relationships between daily affect and pro‐environmental behavior at work: The moderating role of pro‐environmental attitude. Journal of Organizational Behavior, 34(2), 156-175.
  • Boiral, O. (2007). Corporate greening through ISO 14001: a rational myth? Organization Science, 18(1), 127-146.
  • Chan, E. S., Hon, A. H., Chan, W., & Okumus, F. (2014). What drives employees’ intentions to implement green practices in hotels? The role of knowledge, awareness, concern and ecological behaviour. International Journal of Hospitality Management, 40, 20-28.
  • Chou, C. J. (2014). Hotels' environmental policies and employee personal environmental beliefs: Interactions and outcomes. Tourism Management, 40, 436-446.
  • Greene, C., Crumbleholme, L., & Myerson, J. (2014). Sustainable cultures: engaging employees in creating more sustainable workplaces and workstyles. Facilities, 32(7/8), 438-454.
  • Kim, A., Kim, Y., Han, K., Jackson, S. E., & Ployhart, R. E. (2017). Multilevel influences on voluntary workplace green behavior: Individual differences, leader behavior, and coworker advocacy. Journal of Management, 43(5), 1335-1358.
  • Ones, D. S., Wiernik, B. M., Dilchert, S., & Klein, R. M. (2018). Multiple domains and categories of employee green behaviours: More than conservation. In Research handbook on employee pro-environmental behaviour (pp. 13-38). Edward Elgar Publishing.
  • Paillé, P., Chen, Y., Boiral, O., & Jin, J. (2014). The impact of human resource management on environmental performance: An employee-level study. Journal of Business Ethics, 121, 451-466.
  • Temminck, E., Mearns, K., & Fruhen, L. (2015). Motivating employees towards sustainable behaviour. Business Strategy and the Environment, 24(6), 402-412.
  • Tosti-Kharas, J., Lamm, E., & Thomas, T. E. (2017). Organization or environment? Disentangling employees’ rationales behind organizational citizenship behavior for the environment. Organization & Environment, 30(3), 187-210.
  • Yuriev, A., Boiral, O., & Talbot, D. (2022). Is there a place for employee-driven pro-environmental innovations? The case of public organizations. Public Management Review, 24(9), 1383-1410.

Author
Alexander Yuriev, Ph. D. professeur adjoint en gestion des ressources humaines HEC Montréal

Source : Revue RH, volume 26, numéro 2  ─ AVRIL MAI JUIN 2023