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Les gestionnaires des ressources humaines : des partenaires de bonne gouvernance organisationnelle

L’adoption d’une culture d’imputabilité, de transparence et d’ouverture pour favoriser la bonne gouvernance des entreprises est désormais une exigence qui nécessite un certain leadership des professionnels RH.
26 mai 2023
Nouha Chtioui, CRHA

Les dirigeants d’entreprise sont conscients aujourd’hui qu’ils doivent adopter un comportement responsable, équitable et transparent pour garantir le succès escompté. Être performant financièrement ne suffit plus pour assurer la pérennité d’une entreprise. Un seul manquement à la bonne gouvernance peut miner sa réputation et mettre à risque sa survie.

Il incombe ainsi aux hauts dirigeants d’une entreprise de collaborer avec les professionnels des ressources humaines afin d’inculquer les comportements responsables à l’ensemble de leurs actifs humains. L’adoption d’une culture d’imputabilité, de transparence et d’ouverture pour favoriser ainsi la bonne gouvernance d’entreprise est une voie que nous voulons explorer dans cet article. Du fait de ses contacts professionnels fréquents avec le capital humain de l’entreprise, le responsable des ressources humaines peut contribuer à transformer la saine gouvernance d’une responsabilité qui incombe au comité de direction à une pratique quotidienne adoptée par toutes les ressources humaines de l’entreprise. Nous comptons exposer ici les pratiques de ressources humaines qui renforcent une culture responsable et présenter des indicateurs pour mesurer l’engagement de l’entreprise vers la saine gouvernance. 

On s’accorde aujourd’hui à montrer la gouvernance d’entreprise comme étant le fondement de la pérennité organisationnelle. On s’accorde aussi à attribuer la responsabilité première de cette bonne et saine gouvernance au comité de direction des organisations. Du fait de l’importante incidence qu’a le capital humain sur la performance durable d’une entreprise, la présence des professionnels RH dans les comités de direction s’avère donc nécessaire. Il leur incombe ainsi, au même titre qu’aux autres membres, de s’assurer de la conformité des actifs humains aux normes comportementales requises par une saine gouvernance.

Étant en partie définie par les normes comportementales[1], la culture d’entreprise est un vecteur indéniable pour instiller les normes de bonne gouvernance à l’ensemble des employés. L’établissement de normes élevées d’imputabilité, de transparence et d’ouverture est une voie prometteuse pour une saine gouvernance. Attendu son expertise et ses contacts professionnels fréquents et étroits avec tous les employés, le professionnel des ressources humaines apparaît comme un partenaire de choix pour s’assurer que ces trois normes comportementales deviennent une pratique quotidienne dans l’entreprise.

Dans son sens le plus large, la gouvernance d’entreprise est définie comme un système de responsabilités, de direction et de contrôle d’une entreprise pour un fonctionnement performant et responsable et ce, dans l’intérêt des parties prenantes (actionnaires, hauts dirigeants, membres du personnel, fournisseurs, partenaires d’affaires, etc.)[2]. Des contrats explicites et implicites lient en effet l’entreprise à ces parties prenantes[3] exigeant d’elle d’adopter une conduite responsable, équitable et transparente même en présence d’intérêts contradictoires. Le comité de direction est un acteur central dans la conformité à une saine gouvernance. Cet engagement est toutefois vain si les normes comportementales de la bonne gouvernance ne deviennent pas une pratique quotidienne dans l’entreprise. Un engagement par l’entreprise envers un haut niveau de gouvernance requiert en effet que tous les actifs humains soient tenus imputables et conscients de l’effet qu’ont leurs comportements professionnels quotidiens sur la bonne gouvernance.

L’imputabilité est souvent présentée comme une pratique rationnelle par laquelle on exige de certaines personnes d’expliquer et de prendre la responsabilité de leurs actions, comportements et performances[4].Appliquée au contexte organisationnel, l’imputabilité permet de tenir notamment les ressources humaines responsables de l’atteinte des objectifs organisationnels de saine gouvernance et ce, peu importe les circonstances.

Afin d’éviter que l’imputabilité soit perçue comme une mesure punitive, laquelle les employés peuvent résister ou craindre, il faut lui accorder un sens. Transformer les employés et les dirigeants en partisans de la bonne gouvernance requiert en effet de créer un dialogue honnête sur la raison d’être des comportements exigés et assurer une communication cohérente et constante avec les employés. L’imputabilité n’est efficace que si elle est fondée sur la transparence. Imputabilité, transparence et gouvernance vont se renforcer mutuellement si les règles et les attentes sont clairement définies et si la rétroaction des employés est sollicitée y compris sur les questions délicates. Développer une culture d’ouverture dans laquelle chaque employé se sent libre de poser des questions permettra de prévenir l’entreprise contre les brèches que peuvent créer les écarts de comportements individuels à la saine gouvernance organisationnelle[5].

Instigateur des politiques organisationnelles en RH, le professionnel des ressources humaines peut jouer un rôle proactif et préventif contre les transgressions individuelles ou collectives à la bonne gouvernance. L’adoption d’un code d’éthique et le nombre de politiques qui définissent les comportements éthiques requis est un premier indicateur de performance organisationnelle de saine gouvernance. La mise à jour des politiques en conformité avec les nouvelles lois ou l’amendement de lois existantes est un autre indicateur de performance. L’existence de descriptions de postes qui définissent clairement les rôles et les responsabilités y compris celles du comité de direction et de toutes les ressources humaines est un autre indicateur de performance. L’adoption de mécanismes robustes et non discriminatoires de recrutement pour des candidats intègres est un autre indicateur de performance de bonne gouvernance. Le nombre de questions qui traitent de l’éthique professionnelle durant l’entrevue d’embauche, de même que la robustesse et les détails fournis par le mécanisme de vérification des références et du casier judiciaire sur l’historique éthique du candidat, permettent de mesurer cet indicateur de performance. Ce comportement responsable peut être mesuré par la création d’un formulaire d’évaluation qui mesure l’engagement de l’employé dans la bonne gouvernance et qui offre un espace au gestionnaire de fournir une rétroaction en cas de manquements. Le nombre d’employés responsables qui se voient offrir des plans d’acheminement de carrière pour assurer la relève dans l’entreprise permet de véhiculer le message que ce comportement est valorisé. Il permet aussi de mesurer l’engagement responsable de l’entreprise. Solliciter les commentaires des employés sur les questions délicates et éthiques en accordant le mandat du sondage annuel à une firme externe est une pratique recommandée par le magazine « Fortune ». Encourager la participation des employés par des messages fréquents et envoyer les résultats du sondage au comité de direction permet de mesurer l’écart entre ce qui est projeté par l’entreprise en matière de gouvernance et ce qui est pratiqué. Ceci soulève la question suivante : quoi faire si l'on se rend compte que des manquements proviennent du comité de direction? Le professionnel des ressources humaines doit être conscient que la conformité à la saine gouvernance met en jeu des intérêts contradictoires et que ses recommandations peuvent se heurter à une résistance parfois passive.

Dans ce jeu de pouvoir, le professionnel des ressources humaines doit se prémunir d’une force de persuasion en attirant l’attention sur les risques que pose une mauvaise gouvernance sur la crédibilité et la pérennité de l’entreprise et de surcroît sur son pouvoir d’attraction du capital humain, de clients et de partenaires d’affaires et le défi vaut la peine d’être relevé!

Références

  • Arulrajah, A.A (2016), “Literature Review on good governance in the Organizations through Human resource management: A corporate level analysis”, International Business Research, vol. 9, n:8, 14-23.
  • Beatty, R.W; Ewing, J.R et Tharp, C (2003), “HR’s role in corporate governance: Present and prospective”, Human Resources Management, Fall 2003, vol. 42, n°3, pp. 257-269.
  • Busrai, A (2019), “Is corporate governance an HR responsibility”, 12 (4), 311-316.
  • Granger, L (2022), “Comment définir la gouvernance d’une entreprise? », Manager Go!.
  • Oluoch, Merci, F (2016), “The specific role of human resources management in corporate governance and organizational performance”, Scholars Journal of Economics, Business and Management, 3, (2), 81-86.
  • PowerDMS by NEOGOV (2020), “5 ways to increase accountability in the workplace”, December 22, 2020.
  • Spripada, C (2019), “People at the heart of corporate governance: Reimagining the role of HRM”, 12 (4), 364-375.
  • Velayuntham, S et Perera, H.B “The influence of emotions and culture on accountability and governance”, Corporate Governance : The international journal of business in society, Vol 4, Issue 1, pp.52-64.

Author
Nouha Chtioui, CRHA Consultante capital humain Richter Montréal

Source : Revue RH, volume 26, numéro 2  ─ AVRIL MAI JUIN 2023

  1. Crestcom (2021), « La culture d’entreprise : Pourquoi c’est important et comment la construire », mars, 2021, 1-7.
  2. Granger, L (2022), “Comment définir la gouvernance d’une entreprise? », Manager Go!
  3. Oluoch, Merci, F (2016), “The specific role of human resources management in corporate governance and organizational performance”, Scholars Journal of Economics, Business and Management, 3, (2), 81-86
  4. Velayuntham, S et Perera, H.B “The influence of emotions and culture on accountability and governance”, Corporate Governance : The international journal of business in society, Vol 4, Issue 1, pp.52-64.
  5. Busrai, A (2019), “Is corporate governance an HR responsibility”, 12 (4), 311-316.