L’écologisation des cégeps : un levier d’attraction et de rétention pour les ressources humaines

Regroupés au sein de la Fédération des cégeps, les 48 établissements d’enseignement du réseau collégial public sont engagés depuis 2018 dans une démarche d’écologisation qui vise à intégrer le développement durable de façon transversale dans l’ensemble de leurs sphères d’activités. Les directions des ressources peuvent tirer parti de ce repositionnement en rehaussant leur marque employeur et en mettant en place des actions ainsi que des outils favorisant le développement d’une culture institutionnelle prônant l’ouverture, l’équité, la diversité, l’inclusion et les saines habitudes de vie. Ce processus d’amélioration continue favorisera à terme l’acquisition et la rétention de nouveaux talents dans le réseau collégial.

La démarche d'écologisation des cégeps s'est amorcée à l'été 2018. Elle est le fruit d'une réflexion de la Fédération des cégeps au terme de laquelle a émergé plusieurs constats, dont un besoin d'uniformité dans l'intégration des critères de développement durable dans les cégeps, ainsi que la nécessité de rehausser les effectifs et expertises en la matière au sein des établissements. C’est dans ce contexte que le Centre d’initiation à la recherche et d’aide au développement durable (CIRADD), affilié au Cégep de la Gaspésie et des Îles, a été approché afin d’accompagner le réseau des cégeps dans l’évaluation de l’intégration de considérations liées au développement durable dans les cégeps.

Le portrait de l’écologisation au sein des cégeps

Le CIRADD a proposé à la Fédération des cégeps une démarche d’évaluation qui repose sur le modèle d’écologisation de la formation technique et professionnelle développée par UNESCO-UNEVOC, un organisme international désigné pour l’enseignement et la formation techniques et professionnels centré sur l’acquisition de connaissances et de compétences pour favoriser une croissance économique inclusive et durable.

Cette démarche vise à évaluer le niveau d’intégration des principes du développement durable à travers cinq approches : (1) le campus, (2) le curriculum et la formation, (3) la recherche, (4) la communauté et le lieu de travail ainsi que (5) la culture institutionnelle. Elle s’inspire de différentes normes internationales, incluant les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

La communauté et le lieu de travail ainsi que la culture institutionnelle sont les deux approches de la démarche qui reposent en partie sur le travail des directions des ressources humaines.

Le plan d’action

À partir du Portrait de l’écologisation du réseau des cégeps[1] réalisé par le CIRADD, les membres de la Fédération des cégeps ont élaboré le Plan d’action pour l’écologisation du réseau collégial 2022-2024[2] qui propose l’intégration transversale du développement durable. Les directions des ressources humaines sont donc parties prenantes de ce plan et leur champ d’intervention est vaste.

Le champ d’intervention des RH

À travers leurs différents processus, les RH peuvent initier, contribuer et promouvoir la mise en place d’initiatives d’écologisation.

• Embauche : Les RH peuvent intervenir sur la sphère sociale du développement durable en misant sur des critères d’embauche et des grilles d’entrevue favorisant l’équité, la diversité et l’inclusion.
• Accueil et intégration : Les RH peuvent favoriser la communication des initiatives du cégep visant l’acquisition d’habitudes de travail durables, notamment par l’ajout de l’information dans le guide des nouveaux membres du personnel. Ainsi, il est possible d’y présenter le système de collecte et de tri des matières résiduelles, les aménagements conçus pour les cyclistes, les politiques et engagements en matière de développement durable, les écogestes à réaliser au bureau pour réduire son empreinte environnementale, etc.
• Perfectionnement : Les RH peuvent prévoir et soutenir des activités de perfectionnement en matière de développement durable pour contribuer au développement d’une culture de durabilité. Par exemple, des conférences portant sur l’écologisation du curriculum et de la formation pour les membres du personnel enseignant dans le cadre des journées institutionnelles.
• Reconnaissance : L’ajout d’un volet « engagement environnemental » lors des activités de reconnaissance pour les membres du personnel est une voie intéressante à explorer.
• Santé globale : Pour favoriser l’acquisition de saines habitudes de vie et l’épanouissement des membres du personnel, les RH peuvent mettre en place une série d’outils (plan d’arrêt du tabagisme, plan alimentaire, plan d’entrainement physique) ou prévoir l’inclusion d’activités physiques aux programmes de ressources humaines.
• Politiques institutionnelles : Les RH peuvent travailler à l’inclusion de notions de développement durable dans les différentes politiques institutionnelles en prenant en compte les retombées sociales, économiques et environnementales de chacune des actions promues dans celles-ci.
• Collaboration : En ce qui a trait à la lutte aux changements climatiques, les RH peuvent intervenir à différents niveaux en collaboration avec les autres directions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment par la promotion du transport durable. Selon Nathalie Gravel, directrice du service des ressources humaines du Cégep du Vieux Montréal : « Il est possible de poser des gestes concrets pour favoriser le transport durable en développant des partenariats pour offrir des rabais aux membres de son personnel, notamment sur l’achat de titres collectifs de transport et sur l’abonnement aux vélos BIXI. Nous pouvons également faciliter le transport actif de notre communauté en aménageant des espaces réservés aux cyclistes tels qu’une borne de réparation mécanique, une station de lavage, l’accès aux douches, etc. Certifié VÉLOSYMPATHIQUE, le Cégep du Vieux Montréal est fier de promouvoir la culture du vélo et des déplacements actifs auprès des membres de son personnel et de sa communauté étudiante. ».
• Environnement de travail : La biodiversité peut être décuplée par l’aménagement d’aires de repos extérieures pour les employées et les employés. Les membres du personnel seront à même d’apprécier des îlots de verdure où se reposer et manger.

Les retombées pour les RH

L’environnement de travail ainsi que les valeurs promues par l’employeur sont des éléments prisés par les membres du personnel. Il est donc possible d’affirmer que la démarche d’écologisation est susceptible de créer des retombées positives pour le rayonnement de la marque employeur.

Ainsi, selon Michèle Charlebois, directrice des ressources humaines du Cégep Heritage College : « Le plan d’action pour l’écologisation du réseau des cégeps nous a permis d’utiliser l’écologisation comme levier d’attraction et de rétention du personnel et d’incorporer des éléments et des notions d’écologisation dans nos activités courantes non seulement en ressources humaines (perfectionnement, saines habitudes de vie, équité, diversité et inclusion, engagement du personnel dans des projets écologiques, ajout de ressources, etc.), mais aussi à la grandeur du collège. Ceci dans le but de transformer notre communauté afin qu’elle devienne plus durable et de nous positionner comme employeur de choix. ».

D’autres initiatives seront déployées au cours des années à venir afin, d’une part, de répondre aux engagements prévus au plan d’action pour l’écologisation du réseau des cégeps et, d’autre part, de répondre au processus d’amélioration continue prévu par l’ESG.

Les RH seront mises à profit pour l’élaboration de la seconde mouture du plan d’action pour l’écologisation du réseau des cégeps et pour la mise en place d’une communauté de pratique dans laquelle les membres pourront échanger sur leur démarche et leurs initiatives.

L’exploration, le déploiement et la collaboration à la mise en œuvre d’autres mesures d’écologisation dans les processus précédemment cités permettront également aux RH de contribuer à l’atteinte de changements stables et intégrés (tableau 1)[3], par exemple :

• Embauche : Intégration de critères d’embauches permettant de valoriser les compétences vertes.
• Reconnaissance : Réalisation de capsules visant à valoriser l’engagement des personnes impliquées dans la démarche d’écologisation.
• Perfectionnement : Proposition d’ateliers, d’activités et de formations en matière d’écologisation pour les différentes catégories de personnel.
• Politiques institutionnelles : Élaboration, adoption et mise en œuvre d’une politique institutionnelle d’écologisation.

Tableau 1 : Les cinq niveaux de l’échelle d’évaluation des critères d’écologisation :

Source : UNESCO-UNEVOC (2017 : p. 70)

En se positionnant comme employeur soucieux des enjeux d’écologisation, les cégeps favoriseront l’attraction et la rétention du personnel.