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Le virage numérique pour améliorer l’expérience employé

La transformation numérique est avant tout une aventure… humaine. Sa réussite requiert de l’ouverture d’esprit et parfois un changement en profondeur de la culture organisationnelle apte à bonifier positivement l'expérience employé.
10 mars 2023

Ces années-ci, et en particulier depuis la pandémie, la transformation numérique est l’une des priorités des organisations. Et les gestionnaires des ressources humaines ont un rôle clé à jouer pour s’assurer que cette transformation se fasse en mettant l’humain au centre des changements technologiques.

Les nouvelles technologies évoluant à grande vitesse, il devient inévitable pour les entreprises de repenser leurs façons de faire. « Aujourd’hui, il y a très peu de processus qui ne sont pas soutenus par la technologie, observe Luc Lespérance, maître d’enseignement au Département de technologies de l’information à HEC Montréal. Je parlerais plutôt d’une adaptation à l’ère du numérique. »

S’adapter au numérique est cependant plus facile à dire qu’à faire, reconnaît Pierre Tocci, conseiller principal, stratégies de transformation chez Novipro, une firme de consultants en transformation technologique. « Sur papier, les idées sont toutes bonnes, mais dans le pratico-pratique, ce n’est pas toujours le cas. »

Avant de prendre résolument le virage numérique, il faut se rappeler pour qui on le fait, affirme de son côté Michel Dubois, directeur du programme Activation IA de Mila, l’Institut québécois d’intelligence artificielle. « La technologie doit servir l’être humain et non l’inverse, dit-il. On doit éviter de pousser une solution pour régler un problème, comme c’est malheureusement souvent un réflexe. Il faut plutôt considérer l’expérience employé d’abord : comment la technologie peut-elle l’améliorer? »

Redonner à l’humain sa valeur ajoutée

Les innovations propulsées par l’intelligence artificielle ou la robotique ont le potentiel de décharger les employés des tâches monotones, répétitives, mécaniques et fastidieuses. Une pléiade d’applications de pointe épauleront le travailleur de demain et lui donneront des ailes pour qu’il puisse exploiter ce qui constitue réellement la valeur ajoutée de l’humain : sa créativité, son sens de l’initiative, son leadership, etc.

Cet idéal, il est toutefois important de le faire valoir auprès de ses équipes au moment d’envisager quelque transformation numérique que ce soit. « Je peux bien expliquer comment fonctionne la nouvelle interface, illustre Luc Lespérance, mais si l’employé ne comprend pas les bienfaits que cette application peut apporter à l’entreprise ou comment elle améliore concrètement son quotidien, il aura tendance à résister à ce changement mal compris. Et c’est très humain. »

Autre aspect fondamental de toute transformation numérique : savoir embarquer tout le monde dans le bateau, à commencer par les gestionnaires. « Parfois, il n’y a aucun gestionnaire qui croit réellement au projet, mentionne Luc Lespérance. Il est difficile de susciter l’engagement des employés quand personne au sein de l’équipe de gestion ne semble motivé par ces transformations. »

Par ailleurs, les transformations, même les plus modestes, ne touchent rarement qu’un seul service de l’entreprise. « Souvent, il y a des systèmes parallèles qui ont besoin de l’information provenant du système d’un autre service, souligne Pierre Tocci. Une transformation bien planifiée doit faire intervenir tout le monde en amont. »

On le voit bien, la transformation numérique est avant tout une aventure… humaine. Sa réussite requiert de l’ouverture d’esprit et parfois un changement en profondeur de la culture organisationnelle. « Il faut accepter de se mettre dans une posture d’innovation, de courir des risques et de commettre des erreurs, explique Luc Lespérance. Dans le monde d’aujourd’hui, tout va très vite, tout est complexe, il y a beaucoup d’incertitudes et il est très rare que les façons de faire du passé soient garantes des succès de demain. »

Les RH à la rescousse

Puisque la transformation numérique est un projet qui doit bonifier l’expérience employé, il est évidemment souhaitable d’avoir des gestionnaires RH dans la cabine de pilotage.

« Les ressources humaines ont un rôle clé à jouer lors d’une transformation numérique, confirme Luc Lespérance, et c’est aussi pour les RH l’occasion de faire valoir leur rôle et leur expertise dans l’organisation. »

Depuis la pandémie d’ailleurs, certaines entreprises voient maintenant les professionnels RH comme de réels partenaires d’affaires. « Longtemps reléguées à l’arrière-scène, les RH sont désormais à l’avant-plan! » affirme Pierre Tocci.

Non seulement les gestionnaires RH sont à la table des discussions, mais ils peuvent devenir de véritables catalyseurs de la transformation numérique. Les professionnels RH ont notamment une connaissance fine des différents postes de l’organisation et peuvent ainsi faire des suggestions afin que le projet de transformation numérique ait un lien direct avec le travail des membres du personnel.

En prime, « on remarque que les initiatives de sensibilisation en matière de cybersécurité passent beaucoup mieux lorsqu’elles sont soutenues par les ressources humaines », ajoute Pierre Tocci. Ce dernier rappelle au passage que la nouvelle Loi 25 oblige les organisations québécoises publiques ou privées à veiller à la protection des renseignements personnels qu’elles détiennent sous peine de se voir imposer des sanctions administratives et pénales parmi les plus sévères au Canada. Le rôle des professionnels RH est donc crucial. « Malheureusement, déplore Pierre Tocci, 95 % du temps, des comportements humains en lien avec la technologie sont responsables des fuites d’information ou des brèches de sécurité. »

« La pénurie de main-d’œuvre force les organisations à évoluer », conclut Michel Dubois. Ces dernières doivent apprendre à attirer des employés, à les retenir et à accroître leur productivité, et le numérique peut alors devenir un réel levier. Face aux défis technologiques, économiques et humains qui attendent les organisations, « il n’y a aucun doute : les ressources humaines doivent être autour de la table », croit Luc Lespérance.