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Vers un choix de société?

On conçoit aisément que l’embauche des jeunes, pour les postes n’exigeant pas de qualifications particulières, est une avenue attrayante dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. La conciliation travail-étude n’est toutefois pas sans risques. 
10 mars 2023
Manon Poirier, CRHA

Ce n’est pas d’aujourd’hui que les jeunes travaillent pendant leurs études, et ceci leur permet de développer leurs compétences et de créer de nouvelles amitiés. Ce qui semble nouveau – et qui sera à confirmer par un portrait statistique – c’est la tendance à embaucher des travailleurs encore plus jeunes et d’avoir beaucoup d’heures à leur proposer chaque semaine, même pendant l’année scolaire. On conçoit aisément que l’embauche des jeunes, pour les postes n’exigeant pas de qualifications particulières, est une avenue attrayante dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre.

Cette conciliation travail-étude n’est toutefois pas sans risques. Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, 21 % des garçons qui travaillent d’une à dix heures par semaine sont susceptibles de décrocher de leur parcours scolaire. Cette proportion grimpe à un taux alarmant de 41 % chez ceux qui travaillent 21 heures ou plus. Chez les filles, ces proportions varient de 13 % à 24 %.

Les risques liés à la santé et la sécurité sont également bien présents. Selon des données publiées en 2022 par la CNESST, les accidents de travail chez les jeunes de moins de 16 ans ont bondi de 36 % en 2021, comparativement à l’année précédente.

Le gouvernement provincial s'est engagé à revoir la législation pour mieux encadrer le travail des jeunes, et l'Ordre s'est déjà publiquement prononcé en faveur de l'ajout de balises, ce que la majorité des CRHA-CRIA consultés cet automne, endossait de façon positive.

Outre le cadre législatif évolutif, les employeurs ont la responsabilité sociale de déployer des pratiques exemplaires​ en la matière​​​​, comme prévoir un aménagement responsable du temps de travail en tenant compte du calendrier scolaire, ​f​ormer de manière soutenue les jeunes sur les risques de santé et sécurité inhérents à leurs fonctions​ et prendre des engagements en matière de persévérance scolaire, en créant par exemple un programme de bourses ou en soulignant l’obtention des diplômes par leurs jeunes employés.

Je fais toutefois le constat qu'il y a encore des groupes d’adultes sous-représentés dans nos milieux de travail. Je pense notamment aux personnes autochtones, à celles en situation de handicap, aux travailleurs expérimentés. Est-ce que l'option des jeunes travailleurs est vraiment la solution? Lorsque la représentation exacte de la population active adulte sera véritablement présente dans nos organisations, alors on pourra se demander si la prochaine étape est d'intégrer davantage et plus tôt, les jeunes travailleurs. Ou encore mieux, faire le choix de société de les laisser consacrer une majorité de leur temps sur leurs études secondaires et accepter de ne pas pouvoir commander à toute heure du jour et de la semaine, nos repas ou nos vêtements préférés. Il en va du bien-être et de la réussite des jeunes, qui doivent demeurer notre priorité. 


Author
Manon Poirier, CRHA Directrice générale Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

Comptant plus de 25 ans d’expérience dans le domaine des ressources humaines, Manon Poirier, CRHA occupe, depuis 2016, le poste de directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, organisation dont la mission est de protéger le public et d’encadrer la profession des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) et des conseillers en relations industrielles agréés (CRIA).

Femme engagée, elle a la réputation de contribuer à faire émerger le meilleur des organisations et des équipes avec lesquelles elle travaille. Avant de se joindre à l’Ordre, Manon Poirier a occupé le poste de vice-présidente, Ressources humaines aux YMCA du Québec.

Manon Poirier est diplômée en droit de l’Université de Montréal. Titulaire d’une maîtrise en sciences de l’administration de l’Université Laval et d’un diplôme d’études supérieures en gestion de HEC Montréal, elle siège à de nombreux comités où son expertise du monde du travail est largement mise à profit. Très active au sein de la communauté, elle a également été membre du conseil d’administration de TDH pour les enfants et de La Relance Jeunes et Familles.


Source : Revue RH, volume 26, numéro 1  ─ JANVIER FÉVRIER MARS 2023