Le monde est en effervescence et les transformations se multiplient. La pandémie de COVID-19 a néanmoins particulièrement mis en lumière celle de la transformation numérique, tant pour ses avantages (poursuite des activités économiques) que pour ses inconvénients (isolement et détresse psychologique). Cette période de crise a également poussé la fonction RH sur le devant de la scène dans un rôle principal de la mise en œuvre d’outils digitaux. Mais qu’en est-il vraiment de ce mariage entre la fonction RH et la transformation numérique? Les idées préconçues antagonisent la technologie et l’humanité, ce qui oppose à première vue la fonction RH et la transformation numérique. Pourtant, cette union est prometteuse lorsqu’elle est réussie. C’est pourquoi il est nécessaire que la fonction RH trouve un moyen pour en tirer profit.
Une occasion stratégique pour la fonction RH
Cette union n’est pas d’aujourd’hui et ses débuts remontent aux années 1970 (premiers logiciels de paie) (Baudoin et al., 2019). Bien qu’elle ait été récemment accélérée, la fonction RH avait déjà noué des liens (parfois timides) avec la technologie (par exemple, mise en œuvre de SIRH). Ce type d’outil a permis aux professionnels RH de passer d’arguments davantage subjectifs à des analyses basées sur des données quantitatives. Cela a notamment eu pour effet de renforcer la crédibilité de cette fonction longtemps cantonnée à un rôle davantage administratif. La transformation numérique représente donc une possibilité pour la fonction RH de se placer au cœur de la stratégie organisationnelle et de prendre davantage de place parmi les décideurs.
Le rôle des professionnels RH dans un projet de transformation numérique
La transformation numérique conduit les professionnels RH à adopter deux positionnements : celui des accompagnateurs, mais aussi celui des concernés. Pour le premier, ils doivent s’assurer d’inclure les travailleurs au changement et d’être les gardiens de leur bien-être, de leur formation et du développement de leurs compétences. L’intégrité et la conformité éthique des outils utilisés sont également une responsabilité qui leur revient. Ainsi, la fonction RH doit pouvoir agir de manière à garantir une transformation numérique responsable et durable. Dans leur second rôle, les professionnels RH doivent agir pour leur propre gouverne. Pour ce faire, il est nécessaire qu’ils développent leurs compétences pour être en mesure de faire face à cette transformation numérique (Barišić et al., 2021). Parmi les compétences dont ils ont besoin, on retrouve par exemple la communication, l’analyse critique, le leadership agile et l’éthique.
Les angles morts de la transformation numérique
Au premier regard, la technologie peut paraître parfaite, voire un peu magique. Toutefois, certains aspects plus négatifs se manifestent à l’utilisation ou a posteriori. Par exemple, de nombreux enjeux liés à la santé au travail ont émergé : difficulté à se détacher du travail, fatigue liée à la connexion constante, épuisement causé par la surcharge d’informations, etc. Ces effets néfastes ont mis en exergue les difficultés auxquelles les professionnels RH doivent trouver des solutions. Le problème reste pour le moment que la fonction RH agit plutôt en réaction qu’en proaction face à ces difficultés. En effet, il est important de rappeler que la place du numérique dans les formations en ressources humaines reste encore à ce jour limitée. Bien que volontaires, les professionnels RH ne sont donc pas suffisamment outillés pour réguler adéquatement l’utilisation des technologies.
Les enjeux propres aux technologies plus avancées
Les technologies plus avancées telles que l’intelligence artificielle (IA) sont de plus en plus utilisées dans la fonction RH. Plus récemment, c’est la popularité de ChatGPT qui a ravivé les débats concernant les atouts et les dangers liés à l’utilisation de ce type d’outil au travail. Par exemple, l’IA est un moyen qui peut être utilisé en recrutement pour atteindre les objectifs d’équité, de diversité et d'inclusion en limitant les biais. Toutefois, tel que le soulignent Leicht-Deobald et al. (2022), ces technologies ne sont pas sans risques (par exemple, enjeux éthiques de la gestion algorithmique). La fonction RH ne peut donc plus nier l’importance de ce sujet. Les professionnels RH doivent se l’approprier afin de maximiser les avantages et de limiter les écueils.
En résumé, la réelle difficulté se trouve sur le plan du paradoxe du rôle des professionnels RH. Ils se trouvent dans une position qui à la fois leur demande de mettre en place des pratiques pour un collectif (les travailleurs), mais dont ils font également partie. Ils doivent alors mettre tout en œuvre pour devenir maître de leur destin en étant des acteurs majeurs de cette transformation numérique sans quoi, ils resteront de simples spectateurs.
Bibliographie
- Baudoin, E., Diard, C., Benabid, M. & Cherif, K. (2019). Transformation digitale de la fonction RH. Paris : Dunod.
- Barišić, A. F., Barišić, J. R., & Miloloža, I. (2021). Digital transformation : challenges for human resources management. ENTRENOVA-ENTerprise REsearch InNOVAtion, 7(1), 357-366.
- Leicht-Deobald, U., Busch, T., Schank, C., Weibel, A., Schafheitle, S., Wildhaber, I., & Kasper, G. (2022). The challenges of algorithm-based HR decision-making for personal integrity. In Business and the Ethical Implications of Technology (pp. 71-86). Cham : Springer Nature Switzerland.