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Être enquêteur spécialisé en harcèlement : ça ne s’improvise pas!

On ne s’improvise pas enquêteur. Il est important de confier ce genre de mandat à un spécialiste formé en enquête et aguerri en ressources humaines. Quelles sont les règles de l’art à respecter? Qui peut mener l’enquête? Quelles sont les compétences importantes à développer?
20 décembre 2022

L’encre coule à flots sur le harcèlement en milieu de travail. Être accusé de harcèlement a de nombreuses conséquences négatives autant pour le plaignant que pour la personne mise en cause, et une enquête mal menée est néfaste. L’enquête en harcèlement psychologique est un nouveau champ de pratique et à ce jour, pour bien former les enquêteurs en harcèlement, peu de formations existent. J’aimerais ici jeter un regard averti par rapport à l’enquête. Quelles sont les règles de l’art à respecter? Qui peut mener l’enquête? Quelles sont les compétences importantes à développer? 

Le rôle de l’enquêteur spécialisé en harcèlement

D’abord, on ne s’improvise pas enquêteur. Il est important de confier ce genre de mandat à un spécialiste formé en enquête et aguerri en ressources humaines. 

Une fois choisi, ce spécialiste doit bien connaître la législation en vigueur dans la province où il exerce sa profession. Il est crucial de respecter certaines règles et posséder les compétences requises. À ce sujet d’ailleurs, l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec a développé un programme pour ses membres désirant se spécialiser en enquête.

(https://programmes.ordrecrha.org/prevention-harcelement/programme#soutenir)

Selon le Guide d’encadrement - Pratique professionnelle en matière d’enquête à la suite d’une plainte pour harcèlement au travail de l’Ordre des conseillers en ressources agréés du Québec, trois qualités sont requises pour conduire une enquête de la sorte : diligence, prudence et clarté. 

Tous les professionnels CRHA-CRIA, y compris les enquêteurs certifiés en harcèlement (ECH) doivent respecter les règles de base mentionnées dans le guide d'encadrement de la pratique de l'Ordre.

  1. Faire une analyse rigoureuse de la situation selon la preuve recueillie 

    Avant de démarrer l’enquête, une analyse de recevabilité devrait préférablement être menée. Ceci est l’étape préliminaire à une enquête et consiste à vérifier non pas si la plainte est fondée, mais si les conditions d’admissibilité sont présentes et ainsi juger du bien-fondé de procéder à l’enquête. 

    Une plainte dite frivole ou abusive ne sera pas acceptée ou si les allégations sont manifestement liées au droit de gestion. Encore là, il faut bien comprendre ce qu’est une plainte frivole ou abusive selon la législation en vigueur. Pour cette raison, cette tâche devrait être confiée à un enquêteur spécialisé en matière d’enquête en harcèlement. 

  2. Comprendre le mandat qui lui est confié et conseiller l’employeur par rapport à son approche

    Entre le dépôt de la plainte en harcèlement et l’enquête, il y a plusieurs façons de traiter la plainte. Un processus de règlement de différends adéquat tel que la médiation pourrait éviter une enquête et être bénéfique. Sachons qu’une enquête n’améliorera pas le climat de travail ou ne résoudra pas le conflit. Elle aura comme principal but de déterminer si la plainte est fondée ou non. Ensuite, de mettre en place les actions permettant de faire cesser les situations de harcèlement et de prévenir que cela ne se reproduise. Des recommandations à cet effet peuvent d'ailleurs être émises par l'enquêteur une fois l'enquête terminée, si cela est prévu à son mandat.. L’enquête est requise dans des situations pour lesquelles nous n’avons pu résoudre la situation et rétablir un climat sain par un processus de règlement de différends. La volonté des personnes impliquées ou la gravité de la situation sont parmi les raisons principales empêchant le règlement du conflit. 

  3. Les communications avec le plaignant, l’intimé et les témoins

    La convocation aux entrevues doit se faire selon un ordre préétabli. Il est important d’assurer une équité entre les parties tout au long de l’enquête. L’enquêteur doit être préparé pour cette première rencontre avec chaque partie. Avoir conçu un agenda de rencontres et préparé un questionnaire d’entrevue constituent des étapes à ne pas négliger. 

    Ensuite, l’analyse des allégations doit être basée sur la bonne définition du harcèlement. Au Québec, on fait référence à l’article 81.18 de la Loi sur les normes du travail et pour les organisations sous compétence fédérale, on se base sur l’alinéa 122(1) du Code canadien du travail et sur le Règlement en matière de harcèlement et de violence au travail

  4. Le rapport d’enquête

    Le but du rapport d’enquête est d’abord de statuer sur le caractère fondé ou non fondé de la plainte. Ce rapport est rédigé selon un canevas particulier et un langage approprié selon le Guide d'encadrement de la pratique des CRHA. Dans mon travail, je constate fréquemment que rien n’est jamais noir ou blanc. Il y a souvent deux côtés à une médaille. Toutefois, ça ne s’arrête pas là.

  5. La remise du rapport d’enquête à l’employeur et la rencontre avec les parties

    Selon mon expérience, il est important d’accorder un soin particulier à cette étape. La remise du rapport est une étape capitale. Elle sensibilise l’organisation aux enjeux. On y discute de plan d’action pour rectifier le tir et pour retrouver un climat sain. On explore autant les solutions liées aux individus qu’à l’ensemble de l’organisation et aux gestionnaires.

    Les rencontres des deux parties - plaignante et mise en cause - doivent être menées avec tact, attention, respect et rigueur. Encore ici, il est primordial pour les gestionnaires d’être accompagnés par un spécialiste en la matière. Être visé par une enquête est perturbant pour la partie mise en cause et on doit bien lui expliquer pourquoi la plainte est fondée ou non et discuter des pistes de solution. Je constate que les discussions bien menées à cette étape évitent souvent l’aggravation de la situation et permettent de trouver les meilleures solutions possibles. 

  6. Les recommandations pour l’employeur

    L’enquêteur fera des constats durant l’enquête. Un professionnel CRHA-CRIA, y compris un enquêteur certifié en harcèlement de l’Ordre (ECH) a la compétence de donner un avis professionnel sur les pratiques de gestion de l’orga­nisation. En ce sens, émettre des recommandations autant pour l’organisation, pour la gestion que concernant les parties visées dans la plainte constitue aussi une étape importante. Les recommandations se retrouvent à la fin du rapport ou dans un rapport distinct, selon ce qui est prévu au mandat. À mon sens, c’est ici qu’on peut vraiment travailler à rectifier le tir par la suite. Souvent, un conflit entre deux personnes ou bien de mauvais comportements sont la résultante de problèmes divers tels qu’un manque de clarté dans les rôles suivi d’une frustration, une mauvaise gestion du travail, un cas de performance ignoré, etc.

    Tout compte fait, il faut éviter d’accuser trop vite et d’être vigilant lorsque vient le temps de mener des enquêtes suite aux dépôt de plaintes en matière de harcèlement. Il y a toujours deux côtés à une médaille et il faut prendre le temps et savoir analyser les allégations correctement. Confier ce mandat délicat à un enquêteur spécialisé en la matière est capital selon moi.