Faute de le connaître, un bassin de candidats plein de potentialités est-il complètement ignoré par de nombreuses entreprises canadiennes? Des entreprises, souvent américaines, l’ont compris. Elles recrutent des diplômés de doctorat et cherchent même à les attirer avant la fin de leur thèse. Les conditions de travail sont excellentes, les défis sont stimulants. Toutefois, même en contexte de pénurie de main-d’œuvre et de compétences dans des secteurs clés, plusieurs entreprises canadiennes semblent déconsidérer ce bassin de talents (Observatoire Parcours PhD, 2016).
Au-delà de la connaissance et l’expertise inhérente à leur domaine d’études, le parcours des diplômés de doctorat nécessite passion, pensée critique, esprit analytique, créativité et capacité d’innovation, ainsi que des habiletés de communication, de travail d’équipe et de leadership. Toutes des compétences utiles aux entreprises soucieuses de se démarquer à l’échelle nationale et internationale.
La pensée critique et l’esprit d’analyse
Les diplômés de doctorat développent leur pensée critique et leur esprit analytique. Voilà qui peut tirer de l’évidence, mais leur quotidien implique l’intégration d’une quantité colossale d’informations, la synthèse des éléments importants et leur mobilisation dans de nouveaux contextes. Par exemple, les examens doctoraux, une étape essentielle dans plusieurs programmes de 3e cycle, illustrent bien comment ces qualités se matérialisent dans le parcours doctoral. La formule exacte de ces examens varie d’une discipline scientifique et d’un département à l’autre, mais tous nécessitent de lire, de maîtriser et d’évaluer une quantité titanesque de littérature scientifique; laquelle doit ensuite être synthétisée afin de répondre à des questions précises en lien avec le domaine d’études du doctorant. Les réponses feront l’objet d’une évaluation critique par un comité de professeurs, et elles devront normalement être défendues oralement devant le comité qui questionnera le candidat. À défaut de convaincre le comité, le candidat peut être exclu du programme. Pour entreprendre un tel parcours, impossible de ne pas être passionné par son domaine d’études!
La créativité et l’innovation
Par ailleurs, les études doctorales exigent la production de connaissances inédites. La question de recherche d’une thèse de doctorat ne peut avoir fait l’objet de travaux similaires. Il en est de même pour les publications révisées par les pairs que rédigent tous les chercheurs. Puisque la science a considérablement progressé dans les dernières décennies, ce qui était relativement « facile » à démontrer l’a déjà été. Les doctorants n’ont d’autres choix que d’être créatifs et innovateurs, de développer des projets par eux-mêmes, de répondre à des questions nouvelles, et de trouver des aspects négligés par leurs prédécesseurs. Toutefois, même si les besoins en matière de créativité et d’innovation des entreprises peuvent être différents, le processus menant à l’innovation est similaire. Les diplômés de doctorat doivent, à répétition, sortir des sentiers battus. Voilà un besoin qu’ont plusieurs entreprises.
Communication, travail d’équipe et leadership
Les universitaires sont appelés à diffuser les résultats de leurs travaux dans différents formats, à la fois à l’écrit et à l’oral. Bien entendu, les doctorants peuvent écrire des rapports, des articles scientifiques et des livres. Mais plusieurs enseignent des charges de cours et présentent leurs travaux lors de conférences nationales et internationales. Le premier format a une visée pédagogique et s’étend sur une quinzaine de séances de plusieurs heures; le second exige d’être à même de synthétiser un propos complexe en une quinzaine de minutes à un public informé et critique. D’autres candidats n’hésitent pas à intervenir dans les médias sur leur sujet d’expertise. Dans tous les cas, un contenu complexe doit être adapté et être présenté de manière claire et accessible à différents publics.
D’ailleurs, puisque la recherche scientifique se fait rarement seule, les universitaires doivent collaborer avec d’autres chercheurs de leur milieu ou d’ailleurs dans le monde, et coordonner des équipes afin de mener à terme des projets d’envergure. Les habiletés de travail d’équipe et de leadership afin d’atteindre des résultats sont donc, elles aussi, d’une importance capitale.
Comment repérer ces compétences chez un diplômé de doctorat?
Au-delà de la connaissance et de l’expertise particulière à leur domaine d’études, il est important que les recruteurs sachent lire le CV des diplômés de doctorat afin de bien repérer leurs compétences. La présence de publications révisées par les pairs, la qualité des revues académiques où elles sont publiées, les interventions dans les médias, l’enseignement et les présentations faites lors de conférences nationales et internationales sont des indicateurs importants. Il ne s’agit pas d’exigences officielles des programmes de doctorats, mais leur présence est le signe d’un potentiel « talent » dynamique et performant. Il en est de même pour la présence d’expériences ayant exigé différentes formes de leadership, par exemple la direction de comités, le mentorat d’étudiants, ou la gestion d’équipes de recherche.
Bien qu’aucun de ces éléments ne prouve, à lui seul, que des candidats soient exceptionnels ni qu’ils soient parfaits pour les postes à combler, la présence simultanée de ces éléments devrait attiser la curiosité du recruteur. Les rencontres qui suivront ne seront pas nécessairement fructueuses, mais celles qui le seront pourraient rapporter gros aux entreprises qui sont soucieuses de se démarquer.
Conclusion
Grâce à leur éventail de compétences pratiques ainsi qu’à la connaissance et l’expertise inhérente à leur domaine d’études, les diplômés de doctorat constituent un important vivier de main-d’œuvre et peuvent jouer un rôle fondamental dans le développement et l’innovation des entreprises canadiennes. Attirer de plus en plus ce bassin de talents peut non seulement contribuer à répondre aux défis démographiques, ainsi qu’aux enjeux de pénurie de main-d'œuvre et de compétences dans des secteurs clés, mais également favoriser la croissance économique du Québec.