Le Praticien réflexif- Si cet ouvrage de Schön (1994) - a mis au goût du jour l’importance de la pratique réflexive en milieu de travail, il n’en demeure pas moins que l’idée semblait provocatrice à l’époque, car opposant deux figures du praticien : le professionnel « applicateur » des règles et le praticien réflexif « co-constructeur » de son savoir professionnel par l'action et la réflexion dans et sur son action. Aujourd’hui, la réflexivité a gagné ses titres de noblesse puisqu’elle a réussi à s'imposer comme thème important dans les discours managériaux en RH, et ceux entourant la professionnalisation des praticiens en général. La preuve en est que l’apprentissage de la réflexivité comme Sof Skill balise désormais les référentiels de compétences et commence même à peser dans l’ingénierie de formation et du développement professionnel (Guillaumin, 2009). Qu’est-ce alors la réflexivité? Comment la développer et la mobiliser en RH? Et, pourquoi la cultiver dans son agir professionnel?
La réflexivité en RH ou comment réfléchir dans et sur l’action
Bien qu’il n’y ait pas de définition universelle de la réflexivité compte tenu de son usage et invocation dans différents domaines, il n’en demeure pas moins qu’un tronc définitionnel commun peut-être dégagé. Chose est certaine, lorsque « réflexivité » est appliquée à la « pratique », dans le sens de pratique réflexive, cette dernière invoque indubitablement un regard conscient sur son propre agir professionnel.
Pour un praticien RH par exemple, être réflexif, c’est être capable de réfléchir de manière critique dans et sur son action. Plus explicitement, c’est savoir comment devant des situations ambiguës, complexes ou imprévues, il est possible de faire un exercice d’introspection permettant d’invoquer les diverses constituantes de sa pratique. Que ces dernières soient composées de savoirs professionnels ou expérientiels, de savoir-faire, de stratégies, d’approches, de postures ou de modes d’intervention particuliers, l’important, c’est d’être capable de sortir tout ce bagage et de jongler avec en action pour répondre aux problèmes posés en portant une action professionnelle prompte, efficiente et efficace.
C’est comme se mettre des lunettes qui vous permettent de se représenter votre pratique professionnelle en un tout cohérent. Cette représentation aide à rendre plus « intelligibles » les difficultés rencontrées et permet dès lors de développer des plans d’action visant leur résolution de manière continue – et non pas seulement leur résolution par simple application de règles ou de savoirs techniques. Cette reconsidération des problèmes exige par ailleurs du praticien RH une grande capacité d’auto-analyse, de prise de conscience de soi, mais aussi d’autrui, de leurs rétroactions, des biais, des pensées automatiques et préjugés qui peuvent obstruer le jugement ainsi que des motivations qui animent sa pratique. Vous l’avez bien compris, la pratique réflexive est un processus actif certes complexe, mais intelligent. Son ingrédient essentiel est cette capacité à s’autoréguler et à faire une macro-réflexion sur les actes et les postures endossées dans la relation et l’interaction avec les autres, mais également sur les cadres qui régissent ces actions, qu’elles soient prescrites dans des règles déontologiques, éthiques, ou encore dans des règles sociétales ou culturelles.
Pour finir, je dirai que les contextes d’intervention des praticiens RH se révèlent et se révéleront particulièrement divers et diversifiés dans les prochains jours. L’efficience de leur intervention dépendra de leur capacité à agir et réagir de manière pragmatique sur leur action, à s’adapter à toutes les situations, à recontextualiser leur pratique et leurs compétences, à développer des mécanismes pour réfléchir individuellement et collectivement à leurs expériences pour en saisir le sens et l’essence et en faire un carburant de performance. La réflexivité apparaît dans ce cadre comme ce garde-fou qui permet de conserver un regard conscient de sa pratique.