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Au-delà de la résilience, l’impact : Changement organisationnel, mobilisation des employés, confiance, leadership 

L’apport de sens dans la croissance post-traumatique individuelle autant qu’organisationnelle dépend principalement de trois éléments : 1)la confiance et la cohésion des équipes, 2) l’exercice d’un leadership favorisant le renforcement du sens au travail et 3) le soutien au développement de compétences.
17 octobre 2022

La pandémie de COVID-19 a entraîné son lot de perturbations, tant sur le plan personnel qu’organisationnel, mais elle a également amené son lot de questionnements. Comment inviter les employés à contribuer à la vision de leur organisation et à générer de l’impact, dans un contexte où les aspirations personnelles semblent primer sur les aspirations organisationnelles? Nous nous attarderons dans cet article aux effets de la pandémie et aux moyens concrets qu’il est possible de mettre en œuvre. Il sera notamment question de maturité, de sentiment d’appartenance, de sens et d’impact. L’objectif est de démontrer qu’il ne faudra pas simplement miser sur la résilience des gens et des organisations, mais également sur les éléments qui contribuent à sortir grandis de l’épreuve. C’est cela la croissance post-traumatique.

Un contexte qui a changé

Nous ne retrouverons pas de sitôt les conditions qui prévalaient avant la pandémie. En effet, nous en sommes au Québec à la septième vague de COVID-19, et selon l’OMS il y en aura d’autres, probablement renforcées par les nouveaux variants, avec le cortège d’impacts que l’on connaît.

Du fait de la pandémie, certains employés ont dû s’adapter au télétravail et d’autres y ont pris goût. Et preuve a été faite que la productivité pouvait être au rendez-vous. Parallèlement, certains ont réfléchi à ce qu’ils estiment être important, voire essentiel pour eux. 

Les effets de tout cela se font sentir; selon une étude de Capterra, le pourcentage d’employés québécois éprouvant des problèmes de santé mentale est passé de 3 % avant la pandémie à 17 % au cours de 2020 et était toujours à 17 % en février 2022.

Comment amener les gestionnaires à accepter cette réalité, eux qui ont été touchés comme personnes autant que comme leaders et même interpellés dans leurs pratiques de gestion? 

Il faut faire le deuil de ce qui était, et lâcher prise sur ce qu’on ne contrôle pas​. Il est aussi nécessaire de trouver l’approche qui conviendra le mieux entre distanciel, présentiel​ et mode hybride. Car toujours selon l’étude de Capterra, « les employés pancanadiens travaillant uniquement sur site sont les plus susceptibles de décrire leur état de santé mentale actuel comme étant négatif; il est mauvais pour 16 % d’entre eux, et très mauvais pour 8 % ». La prise en compte des besoins des employés, quel que soit leur rôle, autant que des besoins d’affaires, apportera plus de souplesse et d’adaptation dans les nouvelles façons d’aborder la suite des choses.

Concrètement, cela nécessite de la part des leaders d’équipe ou d’influence d’être d’abord et avant tout conscients et à l’écoute de leurs propres besoins et réactions pour mieux y répondre et nourrir leur résilience. Ce n’est qu’alors qu’ils sauront se montrer attentifs et à l’écoute de leurs employés et collègues pour susciter les conversations importantes qui feront ressortir l’expérience et les besoins de chacun pour explorer ensuite les changements possibles. Et c’est le fait d’avoir régulièrement ces échanges de qualité qui contribuera à limiter la portée et la durée des répercussions des situations difficiles.

Une maturité qui a régressé

Le contexte a laissé des marques traumatiques chez les employés et dans les organisations, entraînant une régression des niveaux de maturité.​ Ainsi les personnes et les organisations accordent plus d’importance aux enjeux de santé et de sécurité physique et financière, qui constituent le premier échelon dans le modèle de Barrett, et de reconnexion avec les proches et de relations harmonieuses au travail, qui composent le second échelon. Le sentiment de compétence des gens et l’efficacité des systèmes et des processus, au troisième échelon, ont souvent été mis à mal par toutes les adaptations et nouvelles connaissances nécessaires. Tout cela est renforcé par les effets économiques de la pandémie, puis par les conflits géopolitiques qui ont amené une contraction de 3,2 % de l’économie mondiale selon le FMI. 

Ainsi, selon une enquête récente d’ADP, 88 % des travailleurs canadiens, envisageant de changer d’emploi au cours des six prochains mois, ont indiqué que la rémunération était le facteur déterminant. Par ailleurs d’après un sondage de Robert Half, les membres de la génération Y (68 %) et les parents qui travaillent (59 %) sont les plus susceptibles de démissionner face à une exigence de retour en présentiel à temps complet.

Pour les organisations, cela implique la nécessité de mettre l’accent sur la sécurité au sens large, sur une meilleure gestion des changements, ainsi que sur un retour à la base en matière de gestion des interactions au sein des équipes​. La prévisibilité n’est pas là et ne reviendra pas de sitôt. Par contre, il est possible d’aider les leaders, les gestionnaires et les employés à acquérir ou approfondir les compétences favorisant l’adaptation, la résilience et la croissance.

Pour répondre au besoin de reconnexion, il faudra renforcer la sécurité psychologique et le climat de confiance. Ceci passera notamment par le fait d’encourager les comportements démontrant respect, écoute, ouverture ou transparence, par exemple. Et pour tenir compte de la régression du niveau de maturité, il pourrait être nécessaire, pour les leaders d’équipe ou d’influence, de revenir ne serait-ce que temporairement à un encadrement plus soutenu. Ceci pourrait, par exemple, prendre la forme de courtes discussions plus fréquentes sur le quoi et le comment de ce qui est à faire et sur la communication de ce qui est à venir. La participation à la prise de décisions les concernant contribuera d’une part à rétablir un certain sentiment de contrôle et d’autre part, surtout s’il est associé à de la reconnaissance simple et sincère, au sentiment de compétence. Et c’est sans compter l’avantage pour l’organisation d’avoir accès à d’autres perspectives et idées dans la recherche d’adaptations efficaces au contexte changeant. Les aptitudes de leader-coach seront donc particulièrement utiles à tous les types de leader.

Un besoin de sens presque viscéral et des critères qui ont changé

Ce qui donnait du sens « avant » n’en confère plus nécessairement maintenant. Il est donc essentiel de revoir le « pourquoi », à savoir le sens que l’on veut donner, mais aussi le « avec qui » et le « comment » il sera créé pour favoriser une croissance post-traumatique. ​ 

Le sens peut provenir du travail, ou d’éléments extérieurs. Et plus l’on s’éloigne des rôles décisionnels clés dans l’organisation, plus s’estompe, et rapidement, la perception de sens, notamment en lien avec le faible temps accordé à la réflexion sur ce sens.

Pour beaucoup de gens, il n’est plus pertinent de courir après les promotions ou uniquement après l’argent. Encore faut-il voir un alignement personnel et un bien-être associé.​ Ainsi, selon une étude de Mercer, près de la moitié des travailleurs seraient prêts à changer d’organisation pour améliorer leur bien-être, et les trois quarts des employés sondés par Manpower indiquaient avoir besoin de se sentir motivés et passionnés par leur travail.

Le travail n’est donc plus seulement un vecteur de satisfaction des besoins financiers. C’est un moyen de réalisation de soi, parfois le principal. D’ailleurs, les employés sont 5,5 fois plus susceptibles de dire qu’ils se réalisent au travail s’il y a une cohérence entre qui ils sont, ce à quoi ils aspirent et les objectifs, les valeurs et la culture de l’organisation. Alors, on ne se s’étonnera pas que les employés s’interrogent sur la culture, sur les engagements des employeurs en matière sociale et environnementale, ni qu’ils se préoccupent des espaces et des outils mis à leur disposition, ou du soutien au développement de leurs compétences.

Pour l’organisation, ses leaders et ses gestionnaires, cela signifie donc la nécessité de comprendre et favoriser la convergence entre les réalités et les aspirations de l’entreprise et celles des employés. Il faut s’assurer de définir clairement sa mission, ses valeurs, et son effet anticipé, de les communiquer et de les mettre en œuvre dans ses différentes décisions et pratiques. En impliquant les employés en tant que partie prenante, cet exercice donne accès à des perspectives et à des idées différentes et permet de mieux répondre aux besoins d’appartenance, de responsabilité, et de bien-être.

Ceci exige de revoir ses processus afin de les rendre plus participatifs. Et à travers ceux-ci, avoir la capacité de cibler les enjeux prioritaires, puis de définir – et de réévaluer et réajuster – les actions qui seront les plus porteuses. La capacité d’écouter, celle de douter de ses certitudes et convictions, et celle de décider font partie des outils les plus précieux des leaders d’équipe et d’influence. Le volet suivant, à savoir l’action, doit bien sûr être appuyé par une culture qui est en accord et appuie les différents éléments mentionnés précédemment.

Conclusion

La pandémie a laissé des marques traumatiques et l’on tente de se relever, d’aller mieux et mieux qu’avant. L’apport de sens dans la croissance post-traumatique individuelle autant qu’organisationnelle dépend principalement de trois éléments :

  1. L’accent mis sur la confiance et la cohésion des équipes, qui renforcera le sentiment d’appartenance autant que l’entraide, et qui pourra, pour certains, être associé au besoin de sens.
  2. Le soutien des employés dans le développement ou l’acquisition des connaissances et habiletés nécessaires, qui renforcera leur sentiment de compétence et leurs capacités.
  3. Le besoin de sens, que chacun définit pour lui-même. Les leaders, gestionnaires et professionnels des ressources humaines sont responsables de définir et de communiquer la mission, les valeurs, les objectifs de l’organisation et donc l’effet qu’elle veut avoir. Il leur faut aussi aider les employés à faire le lien, à trouver une correspondance entre qui ils sont et ce qu’ils font. Les faire participer à la réflexion, solliciter leurs avis et idées, et en faire une pratique régulière renforcera le sens. 

Ensemble, ces éléments permettront aux personnes et aux organisations de regagner en maturité et de générer des retombées.

L’apport de sens dans la croissance post-traumatique dépend de 3 éléments

  1. L’accent mis sur la confiance et la cohésion des équipes
  2. Le soutien des employés dans le développement ou l’acquisition des connaissances
  3. Le besoin de sens, que chacun définit pour lui-même

État de santé actuel des employés pancanadiens

  • Mauvais 16 %
  • Très mauvais 8 %