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La fonction RH : un trait d’union essentiel

La posture de la fonction RH au sein des organisations fait partie des sujets de recherche et de réflexion de Blandine Émilien, professeure au département d’organisation et ressources humaines à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM. Elle partage avec nous ses perspectives critiques issues de ses travaux sur le terrain et de ses activités d’enseignement.
29 juin 2022
Louise Bouchard

Entrevue avec Blandine Émilien, professeure au Département d’organisation et ressources humaines à l’ÉSG-UQAM

D’entrée de jeu, la professeure affirme que la profession RH est très complexe; aussi l’enseignement de la GRH devrait davantage refléter cet état de fait. « On enseigne les mêmes pratiques pour tous les secteurs, comme s’ils fonctionnaient de la même manière, dit-elle. Il faut savoir faire autant en usine avec les impératifs de productivité et une main-d’œuvre syndiquée, par exemple, que dans une entreprise de services technologiques. »

Savoir adapter son coffre à outils : faire RH dans divers milieux

Selon Blandine Émilien, ce savoir-faire diversifié passe par l’adaptation des outils aux différents milieux. « Si on travaille pour une entreprise qui recrute des travailleurs à l’étranger, on devra créer un processus d’intégration différent qui fait connaître la culture québécoise et celle de l’entreprise », précise-t-elle.

Elle ajoute, à titre d’exemple provenant de son terrain de recherche, qu’une organisation sans but lucratif est bien différente d’une entreprise privée et d’une géante en aérospatial. « Elles ont toutes des problèmes RH, mais des cultures et des réalités organisationnelles différentes. Il n’y a donc pas qu’une seule façon de faire », dit la professeure.

Et de plus en plus, ces adaptations seront nécessaires parce que la société a beaucoup évolué et continue de le faire. « Aujourd’hui, les personnes en situation de handicap visible ou invisible sont de plus en plus présentes au sein des organisations, les employés demandent beaucoup plus de flexibilité, des gens retraités effectuent des retours au boulot et bien d’autres », fait-elle remarquer.

Pour une relation bidirectionnelle

Selon la professeure, le professionnel RH adapte donc son savoir et ses actions, à la fois aux besoins du milieu, de l’entreprise, de sa stratégie et de sa performance, mais aussi aux besoins des employés comme la conciliation vie professionnelle-vie privée, leur mieux-être, leurs besoins de formation et autres », affirme-t-elle.

La fonction RH est donc aussi appelée à « conjuguer » pour Blandine Émilien, entre la satisfaction des besoins de l’organisation et celle des personnes. « On travaille avec l’humain et pour l’humain, mais, à titre de professionnel RH, on ne peut pas nier qu’il est aussi une ressource avant tout pour l’organisation et ses besoins », ajoute-t-elle.

Elle attribue aussi cette bidirectionnalité à l’acculturation des employés. « Les RH sont là pour les aider à s’intégrer à l’entreprise et les satisfaire dans leurs emplois, mais l’inverse doit être tout aussi vrai. Les personnes issues de la diversité, par exemple, ont beaucoup à offrir – de nouvelles idées, différentes façons de faire – il faut savoir comment l’entreprise peut s’adapter et s’enrichir grâce à cette diversité, quitte à réévaluer la prescription du travail », avance la professeure.

Les enjeux RH : invitation à repenser la façon de travailler

Dans son enseignement, Blandine Émilien explique les relations de pouvoir à ses cohortes étudiantes. « Je veux inciter les futurs professionnels RH à se demander si les éléments menant à plus d’autonomie et de flexibilité ont été négociés ou imposés, et de quelle façon. » Pour elle, les professionnels RH doivent définir « le terrain à entretenir pour permettre plus de flexibilité et de changements et non seulement ces comportements négociés ou imposés ».

La récente pandémie de COVID-19 a révélé une grande réactivité dans les pratiques pour mieux s’adapter en période de crise. « On voit une prolifération de différentes politiques pour accommoder les travailleurs, gérer le télétravail et les nouveaux besoins », soutient Blandine Émilien. La crise sanitaire a entraîné dans son sillage d’autres demandes, comme si elle avait ouvert une porte : mise en place de politiques EDI, gestion de la culture organisationnelle avec le retour du besoin de créer une « communauté ».

La pandémie a aussi exposé d’autres défis RH à surmonter, selon la professeure. « Outre davantage de télétravail, qui était déjà sur nos radars, il y a maintenant des jeunes qui veulent voyager avant de lancer leur carrière, des travailleurs étrangers dont l’arrivée dans le pays d’accueil a pu être retardée par les restrictions et la pénurie de main-d’œuvre conséquentes à ces décisions personnelles et autres contraintes. »

Chose certaine, elle met en lumière le besoin à un arrêt, selon Blandine Émilien. « Il faut arrêter de mettre tout le monde dans le même panier! ».


Louise Bouchard 37e AVENUE

Source : Revue RH, volume 25, numéro 2 ─ AVRIL MAI JUIN 2022