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L’apprentissage : essentiel dans un monde en changement

La crise actuelle a été un vrai catalyseur de changements technologiques et organisationnels pour les entreprises. Si cette dernière a révélé leur grand potentiel d’adaptation, elle a surtout démontré que de nouvelles façons intentionnelles d’apprendre, de mettre à niveau et de développer les compétences sont possibles et même à encourager. L’apprentissage informel devient, dans ce cadre, une nouvelle donne en matière de développement des compétences permettant de répondre rapidement et avec cohérence aux nouveaux défis du marché du travail.
29 juin 2022

Entrevue avec Pierre-Marc Leblanc, étudiant candidat au doctorat en relations industrielles à l’Université de Montréal.

En effet, « Le travail se complexifie et, pour conserver leur avantage concurrentiel, les entreprises doivent s’adapter continuellement. Au cœur de cette adaptation, on trouve l’apprentissage », explique Pierre-Marc Leblanc, candidat au doctorat en relations industrielles à l’Université de Montréal. Et les professionnels en ressources humaines (RH) constituent des alliés stratégiques pour offrir une agilité à ce chapitre.

Habituellement, les organisations proposent à leurs employés des programmes de développement des compétences qui misent sur des cours, du coaching ou du mentorat. Mais, en dehors de ces méthodes, il existe mille et une façons de peaufiner ses connaissances, allant d’une simple recherche sur Google, en passant par l’écoute d’une conférence en ligne ou la lecture d’un article.

L’apprentissage informel : une place à prendre

S’intéressant de près à ce type d’apprentissage, Pierre-Marc Leblanc estime qu’un changement est en train de s’opérer sur le marché du travail en faveur de l’apprentissage informel. « Traditionnellement, les organisations prenaient en charge la formation de la main-d’œuvre. Mais cela devient de plus en plus ardu pour les entreprises d’assumer entièrement cette responsabilité. »

En effet, les travailleurs sont bombardés d’information, doivent composer avec un environnement en constante évolution et développer de nouvelles compétences en deux temps, trois mouvements – apprendre à utiliser différents outils virtuels pendant la pandémie, par exemple. Un rythme que la formation plus traditionnelle n’arrive pas toujours à suivre.

« Comme les changements sont souvent très rapides, cela devient difficile d’élaborer une formation et de l’implanter à temps pour que cela puisse répondre aux besoins de l’employé. Bien souvent, quand c’est prêt, il est déjà trop tard », poursuit-il. De plus, les travailleurs sont en général les mieux placés pour anticiper leurs lacunes et trouver des moyens de développer leurs connaissances.

C’est pourquoi les organisations doivent encourager l’apprentissage informel et mettre en place les conditions gagnantes pour inciter les travailleurs à être proactifs et à prendre des initiatives à ce chapitre, indique Pierre-Marc Leblanc. « Cela apporte plusieurs avantages, par exemple les employés deviennent plus performants et maîtrisent mieux certains outils. » C’est aussi une bonne façon de favoriser l’autonomie de la main-d’œuvre et le sentiment de compétence – deux ingrédients clés du bonheur au travail.

Un terreau fertile

Comme son nom l’indique, l’apprentissage informel n’est pas encadré. Il s’agit d’une combinaison d’initiatives personnelles. Les professionnels en ressources humaines ont un rôle primordial à jouer pour créer un environnement propice à ce type d’acquisition du savoir. « Comment peut-on enrichir cet écosystème pour faire en sorte d’offrir la possibilité aux gens qui le veulent, qui sont plus proactifs, de saisir ces opportunités d’apprentissage informel pour développer leurs compétences? C’est un angle à réfléchir pour la fonction RH », mentionne Pierre-Marc Leblanc.

Par exemple, pourrait-on favoriser la rotation de postes dans l’entreprise? En occupant plusieurs fonctions dans l’organisme, le travailleur multipliera les expériences et les connaissances. « Est-ce que l’employé a la possibilité d’accomplir des tâches diverses? Ces tâches sont-elles complexes ou simples? Peut-on les enrichir? » ajoute-t-il.

Il est aussi possible d’organiser des activités – ou d’encourager les employés à le faire – comme des midis-formations ou du codéveloppement. « On pourrait même mettre en place des mécanismes pour reconnaître ce type d’apprentissage, en demandant à un travailleur ayant développé une solution intéressante de la présenter à ses collègues », poursuit le candidat au doctorat.

Un positionnement stratégique qui influence aussi le recrutement, permettant de faire valoir la possibilité de vivre des expériences stimulantes, ce qui plaît aux plus jeunes générations, selon Pierre-Marc Leblanc. « Cela peut aussi avoir un impact sur la sélection des candidats, car les recherches démontrent que les personnes sont soit orientées vers l’apprentissage ou la performance. » Des attitudes qui peuvent être évaluées en entrevue.

Les gestionnaires ont aussi un grand rôle à jouer pour offrir à leurs travailleurs la latitude requise pour apprendre. « D’abord, il faut qu’ils laissent du temps aux employés pour expérimenter, pour faire des essais, mais aussi des erreurs. Car si la personne a peur de se tromper, elle n’aura pas tendance à tester de nouvelles choses, explique Pierre-Marc Leblanc. De plus, ils pourraient recommander à leurs équipes certaines sources d’information qu’ils jugent pertinentes, comme des webinaires. Bref, cela oriente la façon dont les ressources humaines accompagnent les gestionnaires. »

Miser à la fois sur l’apprentissage formel et informel permettra aux organisations d’innover et d’être agiles. La fonction RH peut donc jouer un rôle stratégique pour faire face à ces défis, alors que cette tendance ne risque pas de s’essouffler.