Tout a commencé le 17 mars 2021, dans le salon de Myriam Lapointe-Gagnon, une étudiante au doctorat en psychologie. Alors qu’elle planifiait la fin de son internat, Myriam découvre qu’une situation hors de son contrôle l’empêchera probablement de terminer cette étape essentielle à la pratique de la profession de psychologue : nulle part dans sa région, elle ne trouve de place pour faire garder Jules, son fils.
Les gens qu’elle connaît le lui confirment : trouver un service de garde éducatif à l’enfance, que ce soit en milieu familial, en garderie non subventionnée ou en CPE, relève du miracle dans la région. Paniquée devant cette éventualité, elle crée un groupe Facebook qu’elle nomme #maplaceautravail, espérant rassembler quelques parents de sa région pour dénoncer cette situation. Le mouvement prend rapidement de l’ampleur : en l’espace de 24 heures, plus d’un millier de parents à travers le Québec répondent présents. Aujourd’hui, le groupe Facebook privé Ma place au travail compte plus de 8 400 parents et la page publique, près de 13 200 abonné·e·s interpellé·e·s par la pénurie de places en services de garde.
Depuis de nombreuses années, il est très difficile pour les familles de trouver des places en garderie pour les poupons, passeport essentiel pour la reprise du travail. Déjà ardue, cette mission est devenue presque impossible au cours des derniers mois, ce qui s’explique non seulement par le manque de places et la pénurie de personnel, mais aussi par la fermeture de centaines de garderies en milieu familial dans la dernière année à l’échelle du Québec.
La difficulté de trouver une place en garderie oblige de nombreux parents à retarder leur retour au travail, à travailler à temps partiel ou à passer plusieurs mois en congé sans solde au terme de leurs prestations du RQAP. L’absence de nombreux travailleurs a un impact direct sur la charge de travail des équipes, à qui il manque des membres qui ne demandent pourtant rien de mieux que de réintégrer leur emploi.
Pour appuyer les parents, les milieux de travail peuvent mettre la main à la pâte. Par où commencer? Pour trouver des solutions, la première étape est toujours de reconnaître qu’il y a un problème. Les employeurs doivent être sensibilisés à cet enjeu. Il serait bien qu’ils discutent avec leurs employé·e·s, en congé parental ou en voie d’un retour au travail. Quelles sont leurs craintes liées à la conciliation travail-famille? Parler et écouter permet de mieux connaître les employé·e·s, mieux les comprendre et donc mieux les soutenir. Comme la pénurie de places en services de garde n’est pas un problème individuel, mais un problème collectif, il faut faire circuler l’information dans tous les paliers de l’organisation. L’employeur ne doit pas être seul conscient du problème; tout le monde devrait l’être afin de saisir pleinement les conséquences de cette crise sur l’organisation du travail.
En ce moment, la flexibilité est de mise. Dans la mesure du possible, il serait avantageux que les employeurs encouragent le télétravail pour les parents de jeunes enfants. Les laisser aménager leur horaire de travail est aussi un facilitateur. Cette mesure vaut tant pour les parents qui n’ont pas encore trouvé de place en services de garde que pour ceux qui en ont une. En effet, il ne faut pas oublier que la pénurie de places en garderie est principalement causée par la pénurie d’éducatrices. Les services de garde éducatifs fonctionnent avec peu de ressources humaines et font régulièrement face à des bris de services. De plus, avec la crise sanitaire actuelle, il n’est pas rare que les parents soient contraints de garder les enfants à la maison pour des raisons hors de leur contrôle.
Beaucoup de parents ont peur de perdre leur emploi s’ils ne trouvent pas de place en garderie. Le doute d’un renvoi fait augmenter le stress chez les parents. Il faut donc réfléchir à des moyens de les rassurer sur leur valeur au sein de l’organisation. Un congé sans solde à la fin du congé parental pourrait être envisagé dans le contrat de travail, afin de maintenir le lien d’emploi des employés qui ne demandent qu’à retourner travailler, mais se trouvent dans une impasse.
Plus difficile, mais parfois possible, reste aussi l’ouverture d’un service de garde sur le lieu de travail ou la participation de l’employeur à l’ouverture d’un service de garde à proximité. Restez à l’affût des projets de la communauté. Qui sait si vous pourriez faire la différence en participant au financement ou bien en appuyant un projet auprès du ministère de la Famille?
Finalement, agir sur le plan politique est également un moyen constructif de soutenir les parents qui veulent retourner au travail. Le gouvernement doit sentir que les employeurs sont derrière les parents travailleurs. Pour ce faire, ils peuvent contacter le député provincial de leur circonscription ou, encore, amener le sujet à la Chambre de commerce de la région.
Ainsi, les milieux de travail peuvent faire partie de la solution. Après tout, résoudre cette crise serait une victoire pour tous, puisque l’accès à des services de garde assure la disponibilité de la main-d'œuvre et favorise le développement économique. Il ne faut pas oublier que la grande majorité des parents aux prises avec ce problème ne demandent qu’à retourner exercer le métier qui les passionne. Pourquoi ne pas faire en sorte que cela soit possible?