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Organisations, relations de travail et syndicats, les défis du mode hybride : les impacts de la pandémie

Quel est le rôle des syndicats dans l’encadrement par la négociation collective des modalités du travail hybride en lien avec le retour physique au travail de milliers de travailleurs?
1 décembre 2021

Pour un certain nombre de travailleurs, nous sommes maintenant « dans la phase du retour au travail », ce que l’on appelle dorénavant le travail exécuté « en mode hybride ». Dans ce contexte, de nombreuses questions liées aux droits de direction et la place des syndicats se posent, notamment : l’employeur peut-il imposer unilatéralement le télétravail ou le travail en mode hybride? Peut-il empêcher un salarié d’opter pour l’un ou l’autre de ces deux modes d’organisation? Quel est le rôle du syndicat dans ce cadre, notamment pour l’encadrement, par la négociation collective, des modalités du travail hybride en lien avec le retour physique au travail ? autant de questions qui touchent l’organisations et les relations de travail.

Dans notre ouvrage Le télétravail, Tout ce qu’il savoir[1], nous indiquions ce qui suit : La question de la pandémie mondiale risque d’engendrer de profonds changements quant à la façon d’exécuter la prestation de travail pour bien des entreprises et des travailleurs comme on peut déjà le constater […]

Quant à la question du travail, à la suite de cette pandémie, le télétravail va manifestement transformer les modes de fonctionnement de l’ensemble des entreprises, des salariés, des syndicats et des employeurs dans notre monde occidental. D’ailleurs, plusieurs sondages et statistiques démontrent qu’après cette crise, plusieurs des salariés désireront maintenir le télétravail comme mode d’exécution de la prestation, soit en partie ou soit en totalité. Plusieurs salariés pensent que la présente situation va changer radicalement leur manière de travailler et que les employeurs n’auront d’autres alternatives que de permettre le télétravail. D’autres affirment que le télétravail constitue un grand avantage pour la question de la conciliation travail-famille. Manifestement, non seulement cette crise a rapidement bouleversé nos habitudes, mais elle a aussi vraisemblablement poussé le monde entier dans un mode de changements.

Manifestement, si la pandémie est venue changer le mode et la façon d’exécuter le travail pour l’ensemble des organisations, elle a également changé les relations de travail et la façon dont les employeurs et les syndicats abordent les façons de faire.

Cette pandémie est venue surtout bousculer les habitudes bien ancrées des uns et des autres pour de nombreuses organisations, entreprises et nombreux syndicats en ce qui concerne la façon de faire les choses. Les relations de travail « en groupe » dans un même établissement, et surtout la façon traditionnelle de travailler sous un même toit, se sont perdues au profit du travail à distance avec des équipes disloquées.

Le rôle et la place des syndicats

On le sait, dans notre législation il n’y a pas de définition du télétravail ni du travail en mode hybride. Peu de conventions abordent le sujet. La plupart du temps, les parties négocient des ententes à la pièce, alors que souvent l’employeur adopte une politique unilatérale concernant le télétravail et un plan de retour au travail. 

Quel est le rôle du syndicat dans tout ça lorsque les membres sont à la maison? Il est bien connu que les syndicats jouissent d’un monopole syndical et qu’ils négocient à l’avantage de leurs membres toutes les conditions qui, en réalité, sont de véritables conditions collectives de travail[2].

Le télétravail : une condition de travail?

La question qui se pose est celle de savoir si le télétravail ou le mode hybride deviendront une nouvelle condition d’emploi ou condition de travail. Dans les faits, est-ce qu’à compter de maintenant l’on pourra conclure que la question du télétravail sera incluse comme nouvelle condition d’emploi dans le contrat travail du salarié ou dans le contrat collectif? Il n’y a pas de réponse absolue à ce propos.

Toutefois, il est aussi important de rappeler que les décrets gouvernementaux ne sont pas venus modifier les conventions collectives existantes ni limiter le droit de gestion des employeurs. Ceux-ci ne sont pas modifiés par les décrets et leurs effets.

C’est bien connu, tout ce qui ne fait pas partie, ou presque, d’une convention collective, tombe sous le régime des droits résiduels de l’employeur. Ainsi, notons par exemple qu’un syndicat ne peut revendiquer pour ses membres le droit au télétravail[3].

Au Québec, rien n’oblige de négocier un cadre collectif pour le télétravail ou le travail hybride. Toutefois, il peut apparaître qu’un cadre collectif négocié avec les syndicats vaut toujours mieux que des accords individuels, qui risquent d’être la plupart du temps faits sur mesure pour une seule personne. Ils risquent donc d’être arbitraires d’un certain point de vue. 

Que devrait contenir un tel accord entre les parties?

Sans nécessairement qu’il fasse partie intégrante de la convention collective, un tel accord devrait référer notamment aux différents éléments suivants soit par exemple :

  • La mise à l’essai du mode hybride, le cas échéant
  • La désignation du lieu de travail
  • Le nombre de jours par semaine en mode télétravail et en mode hybride
  • Le nombre de personnes pouvant travailler en même temps en mode télétravail et hybride
  • L’espace de travail utilisé à domicile
  • L’obligation d’utiliser le fournisseur de l’employeur pour les technologies
  • L’horaire de travail et la disponibilité (qui et quand)?
  • La santé et sécurité du salarié
  • La sécurité des équipements et la confidentialité des données de l’entreprise
  • La gestion du rendement et de la performance
  • La visite des lieux du travail à domicile

Suite à la crise de la pandémie inédite que nous traversons, la nécessité de réglementer le télétravail, et le travail en mode hybride, se fait sentir dans plus en plus d’entreprises. Voilà pourquoi il est important de bien faire les choses, d’inclure toutes les parties prenantes et d’être imaginatifs dans le déploiement des moyens.

Comme il n’existe aucune législation et d’encadrement juridique formel et que tout est à construire, il est d’autant plus important de coucher dans un accord écrit les paramètres de base à respecter pour tous. Chaque organisation, entreprise et syndicat y gagna. Les relations de travail s’en porteraient assurément mieux puisque les règles seraient précisées. 

Quels sont les enjeux et comment réussir?

Il n’existe pas de formule magique ni de recette toute prête pour que les organisations puissent relever les défis du travail en mode hybride et que les employeurs, employés et syndicats puissent s’y retrouver et trouver des solutions pour maintenir des relations de travail harmonieuses.

L’un des enjeux est relié à maintenir les communications; l’une des clés du succès du télétravail et du travail en mode hybride est la mise en œuvre de l’organisation des communications. Ainsi, il faut dès le départ établir les règles à suivre en ce qui concerne les communications avec la personne en télétravail. Un protocole de communication doit être adopté par l’employeur. 

Les enjeux sont reliés également au maintien de l’équité, la culture d’entreprise. À ce chapitre, il doit donc y avoir un engagement total des dirigeants pour créer cette culture, le partage de l’information entre tous et la question de la sécurité informatique.

Cette période de retour graduel au travail est le moment parfait pour les entreprises et les syndicats de repenser l’organisation du travail pour maintenir des relations de travail satisfaisantes pour tous.