Les premiers téléviseurs sont apparus vers la fin des années 20. C’était une véritable révolution technologique. On dit qu’au cours des décennies suivantes, tout ce qu’on pouvait y voir, c’étaient des animateurs de radio présentant, de façon statique, leurs émissions habituelles! De la « radiovision ». Rien de bien dynamique, outre une nouvelle technologie, et des dizaines d’années écoulées sans exploiter le plein potentiel de ce nouveau médium.
Nous sommes à l’aube d’une révolution du même type en gestion. Il y a, derrière nous, quelques décennies d’effervescence technologique ouvrant la voie à de nouvelles possibilités d’organiser le travail différemment, et que nous avons d’abord largement ignorés. La crise sanitaire mondiale a forcé une réorganisation majeure du travail et nous sommes ainsi entrés, d’un seul coup, dans l’ère du travail en mode hybride! Si l'on veut profiter pleinement de ces innovations, il faut immédiatement repenser nos pratiques de gestion. Nous proposons donc une dizaine d’avenues à explorer pour y parvenir et plus rapidement qu’en quelques décennies!
Flux de travail
Nous avons appris qu’une bonne partie du travail peut être effectué efficacement à distance. Qu’en est-il cependant de la nécessaire collaboration et de la place réservée à l’innovation pour saisir l’évolution des besoins des clients et bien les servir? Comment orchestrer le travail de façon optimale entre la présence au bureau et à distance? Cela implique de revoir l’organisation du travail en équipe en profondeur.
Une seule adresse dans un centre-ville engorgé ou une multitude de bureaux satellites pour se rapprocher des travailleurs et des clients? Certaines entreprises japonaises utilisent des bureaux de coworking situés à proximité des stations de métro et liés technologiquement pour faciliter les déplacements et l’utilisation judicieuse du temps de chacun.
Certaines organisations réévaluent l’aménagement des lieux de travail : moins d’espaces individuels, plus de petites salles de rencontre, des lieux favorisant l’innovation, équipés technologiquement pour des rencontres virtuelles de qualité.
Composition des équipes
Pour obtenir une performance d’équipe virtuelle optimale, Citrin et Derosa (2021) proposent de bâtir des équipes stables et d’une dimension moindre (une douzaine de collaborateurs tout au plus). En mode hybride, la taille s’avère un aspect fondamental du succès de l’équipe. La structure matricielle est forte dans votre organisation et les collaborateurs travaillent avec plusieurs équipes? Ce sera également à revoir, puisque cela joue négativement sur l’efficacité de l’équipe. Il faudra dorénavant penser en petites cellules de travail se rapportant directement à un leader.
Communications
Le succès des équipes hybrides repose sur une judicieuse utilisation de la technologie. Ce qui implique de redéfinir précisément les canaux à utiliser en fonction des divers besoins pour éviter l’infobésité. Ensuite, même si l’organisation du travail reposera davantage sur le travail à distance, il est préférable de communiquer sans technologie à l’occasion. Les rencontres en présence devraient servir à clarifier les grandes orientations et les objectifs stratégiques, de même qu’à renforcer les relations.
Développement
Pour favoriser le déploiement optimal de l’équipe hybride, il faudra continuer de permettre à chacun de se développer en tant que télétravailleur et en équipe d’apprendre à utiliser de façon optimale les multiples technologies collaboratives, de traitement de l’information, d’intelligence artificielle et de communication. Les formations jugées les plus importantes sont celles portant sur la communication, les habiletés relationnelles et la collaboration.
Collaboration
Collaborer en mode hybride prend de nouvelles dimensions. Il faut redéfinir certaines règles de fonctionnement. Sur une base hebdomadaire, il faut prévoir du temps de qualité afin de favoriser les échanges entre tous les membres de l’équipe. Il faut éviter la création de silos, si néfastes à la saine performance d’équipe. Il faut agir pour limiter le travail en double. On sait déjà également qu’avec l’augmentation du travail à distance, les liens faibles, ces relations si importantes entre personnes de différents services de l’organisation s’estompent, faute de contacts fréquents. Quelle sera la stratégie organisationnelle pour contrer cet effet?
Technologie
À ce chapitre, il reste encore plusieurs défis à relever. Avons-nous l’infrastructure et la technologie nécessaires à nos besoins? Avons-nous des enjeux de confidentialité, d’intégrité et de sécurité à résoudre? Est-ce que le soutien offert aux employés répond à leurs besoins? Avons-nous l’agilité technologique pertinente pour répondre aux demandes qui évolueront?
Culture d’entreprise
Certaines entreprises ont simplement glissé du présentiel au télétravail de masse forcé, puis éventuellement à l’organisation en mode hybride. Quel impact est-ce que ces transformations auront sur la culture d’entreprise?
Le leader doit cultiver un lien étroit, et à géométrie variable, avec chaque membre de son groupe. Il ne peut le faire que s’il peut prioriser la collaboration virtuelle au sein de son équipe. S’il est occupé à solutionner des problèmes opérationnels, comme c’est encore trop souvent le cas, la gestion de l’équipe sera négligée et le taux de roulement de ses effectifs affectera la stabilité et la performance de son équipe.
Fidélisation des collaborateurs
L’un des enjeux de la gestion hybride, c’est la capacité du gestionnaire à s’adapter aux besoins de chaque collaborateur. C’est crucial pour la fidélisation et la stabilité, indispensables au succès de l’équipe virtuelle. Le leader doit cultiver un lien étroit, et à géométrie variable, avec chaque membre de son groupe. Il ne peut le faire que s’il peut prioriser la collaboration virtuelle au sein de son équipe. S’il est occupé à solutionner des problèmes opérationnels, comme c’est encore trop souvent le cas, la gestion de l’équipe sera négligée et le taux de roulement de ses effectifs affectera la stabilité et la performance de son équipe.
Mobilisation
La théorie de l’autodétermination (Deci et Ryan) offre un cadre intéressant à explorer pour guider les gestionnaires soucieux de maintenir leurs troupes mobilisées. En rendant le travail agréable et en organisant régulièrement des activités visant à renforcer les liens entre tous, ils combleront les besoins d’affiliation sociale. En répartissant le travail en fonction des forces, en valorisant la contribution individuelle de chacun et en offrant des possibilités de se développer, ils nourriront le besoin de compétences. Enfin, en gérant par résultats et en cultivant des relations de confiance avec chacun, ils répondront au besoin d’autonomie. Exit la microgestion et les directives de haut en bas faisant fi de la compétence des collaborateurs.
Leadership
L’équipe hybride nécessitera un style de leadership adapté aux besoins des personnes, intégrant un savant mélange d’intelligence émotionnelle et d’agilité. Les modèles de leadership situationnel et transformationnel s’avèrent deux approches intéressantes à envisager pour le développement des leaders. En outre, ces meneurs devront dorénavant maîtriser plusieurs nouvelles compétences technologiques.
Conclusion
Nous avons offert un survol de 10 questions cruciales à étudier pour faire évoluer l’organisation du travail vers une formule hybride optimale. Certaines questions soulevées pourraient très bien devenir l’objet d’un chantier de réflexion et de travail collaboratif organisationnel alors que d’autres devront faire l’objet de plans de développement bien orchestrés pour soutenir tous les acteurs de la transformation dans leur transition. Ce n’est qu’un début, car bien d’autres questions viendront en cours de route. Les organisations qui s’appliqueront à gérer avec agilité leurs changements auront une nette longueur d’avance. Tout cela s’avère extrêmement stimulant. C’est le début d’un temps nouveau!