Avec la perception que le télétravail ne serait que temporaire, nous avons eu tendance à reproduire les façons de faire pour communiquer en utilisant les outils technologiques, sans remettre en question la qualité et l’efficacité de nos échanges et de nos communications.
Rappelons que les conflits latents non résolus peuvent mener à un environnement de travail malsain, une collaboration réduite, de nombreuses absences, une atteinte à la santé physique et psychologique et des départs causés par ces situations devenues toxiques.
Selon un sondage récent de Deloitte, plusieurs employés et cadres sont épuisés et songent à quitter leur emploi dans ce contexte.
Les politiques sur le télétravail/travail hybride ne suffiront pas pour assurer un milieu de travail sain.
Dans la transition vers le « nouveau normal », plusieurs changements sont à prévoir dans l’organisation du travail. Pour favoriser la sécurité psychologique et les « conflits constructifs », la coresponsabilité de la haute direction, des gestionnaires, des syndicats et des RH sera déterminante.
Liane Davey, auteure de The Good Fight, Use Productive Conflict to Get Your Team and Organization Back on Track, avance que les équipes capables d’échanger régulièrement sur leurs divergences d’opinions développent des relations plus fortes et prennent de meilleures décisions. Avec cette approche, on crée un milieu de travail sain où chacun est mobilisé, car sa contribution est valorisée.
À contrario, les équipes qui n’y parviennent pas vivent dans l’endettement conflictuel (conflict debt). Plus on attend pour discuter d’irritants ou de divergences d’opinions, plus les relations deviennent tendues, et les collaborations sont réduites, jusqu’à ce qu’une crise éclate ou qu’il soit trop tard pour prévenir les absences et les départs. Le problème s’amplifie, un peu comme une dette non payée à laquelle s'ajoutent des intérêts plus importants avec le temps.
Prenons, par exemple, un changement dans l’organisation du travail imposé, qui augmente la charge de travail d’une employée et réduit celle d’une autre, sans échange avec les personnes concernées et sans que le supérieur immédiat sache que cela aura cet impact. Le gestionnaire ayant l’humilité pour discuter de l’objectif avec les personnes concernées, fera appel à leur contribution pour cerner la meilleure façon pour l’actualiser et y répondre. Il créera des conditions pour susciter la contribution et l’engagement au changement, tout en laissant la porte ouverte aux rajustements, si nécessaire.
Un environnement de travail où la sécurité psychologique est présente valorisera les conflits constructifs, permettra l’expression de la divergence d’opinions, et validera des perceptions quant aux attentes en continu. De plus, on favorisera le développement des compétences, l’engagement et la productivité.
Qui sont les joueurs clés pouvant contribuer à la sécurité psychologique?
Les joueurs clés sont :
- la haute direction
- les gestionnaires
- les équipes
- les syndicats
- les ressources humaines
La haute direction devra donner le ton et assurer la cohérence et la constance pour que les intentions de parler des vraies affaires et de faire appel à la contribution de tous soient crédibles. Cela demande le développement de nouveaux réflexes de gestion pour être à l’écoute de différentes perceptions et de divergences d’opinions, particulièrement dans la création du « nouveau normal ».
Les RH soutiendront la haute direction et les gestionnaires dans le développement de nouvelles compétences de gestion, soit par l’animation de rencontres de conflits constructifs, la communication des attentes, la rétroaction et l’intelligence émotionnelle. Nul doute que ce genre d’échanges suscitera des émotions, mais l’expression de ces émotions sera plus équilibrée que si l’équipe navigue dans l’endettement conflictuel.
Le syndicat est un joueur clé dans la création d’une culture de sécurité psychologique. Un syndicat bien informé des intentions et des objectifs recherchés sera en mesure de communiquer ces informations à ses membres. Écarter le syndicat des discussions aura pour effet de créer de la méfiance. De plus, on se privera d’être informés d’angles morts et de préoccupations auxquelles nous n’aurions pas accès autrement.
Cela me rappelle un changement pour automatiser une ligne de production qui améliorerait la cadence et le rythme de travail pour les employés et qui ne réduirait pas le nombre de postes.
Nous étions surpris de constater que les employés résistent à ce changement jusqu’à ce que le syndicat nous informe que les changements nécessitent la lecture de consignes nouvelles et que plusieurs employés étaient des analphabètes fonctionnels. Ils craignaient ne pas pouvoir faire leur travail adéquatement. Le changement fut un succès lorsque le gestionnaire a travaillé avec son équipe afin d’implanter des codes de couleur et des aide-mémoires visuels.
Comment faire pour créer un environnement de travail sain où l’on peut communiquer de manière constructive en toute sécurité?
Amy Edmondson, auteure de The Fearless Organization, insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’être « gentil », mais plutôt d’accepter un certain inconfort à parler des vraies affaires.
L’auto-évaluation du leader se résume à trois éléments essentiels pour créer la sécurité psychologique, soit :
- Bien cadrer le travail et le contexte du changement.
- Inviter les personnes concernées à participer à la recherche de solutions.
- Rétroagir de part et d’autre dans le but d’améliorer l’implantation du changement tout en valorisant la contribution de chacun et le droit à l’erreur.
Cela requiert une humilité situationnelle où les leaders reconnaissent et communiquent qu’ils n’ont pas toutes les réponses, que l’implantation de nouvelles façons de faire sera un succès avec la contribution de tous.