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La pénurie de main-d’œuvre : un obstacle de taille à l’heure de la reprise économique

Les PME québécoises s’activent pour se relancer ou se développer à l’heure de la sortie de la pandémie. Pour cela, certaines n’ont pas hésité à révolutionner leur manière de fonctionner. Même si l’horizon s’éclaircit, des défis restent à relever.
24 septembre 2021
François Vincent

Les bureaux des ressources humaines ont fonctionné à plein régime durant la pandémie : veiller à la productivité de chacun, stimuler les employés, garder à l’esprit le bien-être de ces derniers et trouver les bonnes personnes pour se renforcer. De toutes, cette dernière tâche, c’est-à-dire le recrutement de nouveaux employés, est de loin la plus compliquée. De fait, le Québec vit actuellement une pénurie de main-d’œuvre historique! Tandis que le taux de chômage se stabilise à 6,6 % (Statistique Canada, NDLR), le manque d’arrimage entre les candidats et les 180 000 postes vacants à travers la province —dont la plupart sont à temps plein — pénalisent les PME.

Selon une étude de la FCEI, 63 % des entreprises interrogées éprouvent des difficultés à trouver des postulants ayant les aptitudes fondamentales et répondant à leurs besoins. Un constat terrible après avoir vécu tant d’incertitudes depuis le début de l’année 2020. « Nous avions prévenu que les problèmes liés à la pénurie de main-d’œuvre deviendraient plus importants à mesure qu’on retournerait à la normale, regrette François Vincent, vice-président Québec de la FCEI. Nous y sommes rendus. Les postes à pouvoir se multiplient, alors que les candidats se font rares. C’est une situation vécue, entre autres, par les restaurants qui ont été fermés des mois durant et qui doivent maintenant s’activer pour trouver des employés et rouvrir leurs portes. C’est le cas aussi des entreprises du secteur manufacturier, de la construction et des services, qui doivent refuser des contrats par manque de personnel. Il est clair que la pénurie de main-d’œuvre ralentit la reprise de notre économie. »

 Néanmoins, les conséquences de la pénurie de main-d’œuvre ne s’arrêtent pas là. Bon nombre de salariés ne peuvent pas se libérer de leurs obligations parentales pour travailler, et ce, à cause du manque de place dans les garderies. 71 % des PME québécoises accusent des problèmes de gestion de ressources humaines liés à la rareté des places en garderie. 78 % des PME demandent au gouvernement de traiter cet enjeu prioritairement et enfin 80 % demandent un rajustement du système public concernant les garderies non subventionnées. Voilà des résultats inquiétants d’un sondage de la FCEI qui prouvent que ce problème ne doit pas être pris à la légère.

La balle est dans le camp du gouvernement

Les entreprises traversent une tempête inimaginable depuis un an et demi. Il demeure primordial de les accompagner dans leur sortie de crise et de soutenir leur développement. Le constat de pénurie de main-d’œuvre étant dorénavant un fait indéniable et avéré, l’action gouvernementale sera déterminante quant à sa durée et son ampleur. Plusieurs pistes sont envisageables et n’exigent pas une mise en place trop complexe. L’allègement de la fiscalité des entreprises s’avère l’une de ces pistes de solutions pour aider les PME québécoises à devenir davantage concurrentielles sur le marché du travail. Outre ses retombées positives, cette option permettrait notamment une meilleure offre salariale, de meilleures conditions de travail, la possibilité d’offrir des formations, l’acquisition de machineries, etc. Étant donné qu’il est difficile d’embaucher des candidats, la diminution des charges salariales permettrait d’attirer aisément la main-d’œuvre compétente ou prête à être formée. Beaucoup de propriétaires ont su réorganiser leur entreprise pour survivre à la crise de la COVID-19 et il est important de les aider à poursuivre leur développement afin qu’ils retrouvent un rythme à la hauteur de leurs ambitions entrepreneuriales. La deuxième solution est partiellement liée à l’allègement fiscal : l’immigration. 

La sollicitation des talents issus de l’immigration est une voie à emprunter pour la survie de nombreuses PME. Le constat est encore plus marquant en région, où, dans certains cas, le manque de main-d’œuvre est presque une question de survie du projet de l’entreprise. La FCEI propose de réduire les délais administratifs pour les candidats à l’immigration, de régionaliser l'immigration afin que les milieux et collectivités plus éloignés des grands centres urbains puissent aussi bénéficier de cet apport.

Certes, des programmes existent déjà. Or, ils sont loin d’être suffisants. D’après une étude de la FCEI, ces derniers n’atteignent pas la cible, les propriétaires de PME n’étant pas toujours au fait de leur existence. C’est au gouvernement d’aller de l’avant. François Vincent précise : « Le Québec a tout à gagner. Les PME, c’est ce qui nourrit notre tissu économique. C’est aussi ce qui alimente notre richesse collective et nos régions en faisant du Québec une force économique. Il faut donc accélérer les interventions pour aider nos entreprises. Ce n’est qu’ainsi qu’on pourra véritablement viser une relance économique vigoureuse pour la province. » Le temps manque pour les entrepreneurs qui multiplient les heures de travail afin de maintenir leurs affaires à flot et qui doivent compléter encore trop de « paperasse ». La simplification des démarches et l’amélioration de la communication autour de ces aides sont des objectifs facilement réalisables et déterminants pour aider les entreprises à se doter d’atouts majeurs pour embaucher les bonnes personnes.

Durant cette sortie de crise, le Québec a le bonheur d’avoir encore des cartes en main pour améliorer son sort à l’heure de la reprise économique. La volonté politique devra être au rendez-vous pour s’assurer que nos entrepreneurs, dans toutes nos régions, disposent des ressources nécessaires pour soutenir leur croissance et le maintien de nos acquis économiques. Il est encore temps d’agir!


François Vincent vice-président, Québec Fédération canadienne de l'entreprise indépendante

Source : Revue RH, volume 24, numéro 4 ─ SEPTEMBRE OCTOBRE 2021