Dans cet article*, le conseil interprofessionnel du Québec (CIQ) répond par la négative. Il s’interroge notamment sur la liberté d’expression et le comportement des professionnels à la lumière de quelques décisions disciplinaires prises durant la pandémie.
Cette revue de jurisprudence permet de dégager trois grands constats.
La perception du public
D’abord, un professionnel qui s’exprime à titre personnel sur un sujet professionnel s’expose à une plainte pour manquement disciplinaire, que ce soit en contexte de pandémie ou non, lorsque ses propos portent atteinte à la dignité de la profession.
Cette obligation revêt un caractère encore plus important en contexte d’urgence sanitaire puisque le comportement d’un professionnel peut causer un préjudice encore plus important à la crédibilité d’une profession qu’en d’autres temps.
Dans la décision Bolduc c. Lacroix, où 12 chefs d’infraction ont été déposés contre un médecin pour manquement à la rigueur en raison d’informations inexactes, non vérifiables ou non conformes à la science médicale et diffusées sur les réseaux sociaux ou à la radio, le Conseil de discipline du Collège des médecins a jugé la plainte recevable même si le médecin utilisait son compte Facebook personnel pour s’exprimer. Le contexte de la pandémie, le risque de préjudice pour le public en général et la perception de celui-ci ont fait pencher la balance en faveur du maintien de la quasi-totalité des chefs d’infraction.
Modération et dignité
Deuxièmement, un professionnel n’est pas contraint au silence et peut exprimer librement ses opinions pour autant qu’elles respectent et promeuvent des comportements, des valeurs et des gestes conformes à ses obligations déontologiques. Il n’en demeure pas moins que certains ont invoqué le droit à la liberté d’expression pour critiquer et commenter les mesures sanitaires imposées par le contexte de pandémie.
À cet égard, le CIQ rappelle que les lois d’organisation des ordres professionnels doivent s’interpréter en faisant primer les intérêts du public sur ceux du privé. Cette primauté n’empêche cependant pas qu’il puisse y avoir faute commise dans la sphère privée du professionnel si l’acte ou les propos sont suffisamment liés à l’exercice de la profession. Le processus disciplinaire pourrait dès lors invoquer l’atteinte à la dignité de la profession.
Un professionnel qui souhaite exprimer ses opinions peut évidemment le faire, pourvu qu’elles n’entrent pas en conflit avec les règles et normes professionnelles et déontologiques de sa profession. Le professionnel doit exercer son jugement à l’égard de ces modalités, même en temps de pandémie.
Responsabilité professionnelle
Enfin, un professionnel qui pose un acte professionnel durant cette période de pandémie engage sa responsabilité et est soumis aux mêmes règles déontologiques, même si les circonstances actuelles diffèrent de celles et ceux qui prévalent habituellement.
L’article du CIQ réfère à une autre décision où le Conseil de discipline de l’Ordre des chiropraticiens a imposé une radiation de trois mois à un membre qui ne prenait pas tous les moyens pour prévenir la propagation de la COVID-19 dans l’exercice de sa profession et qui invoquait publiquement des thèses conspirationnistes.
En fait, après quelques mois de crise sanitaire, les professionnels devaient avoir réussi à adapter leur pratique aux nouvelles mesures sanitaires pour répondre à la nouvelle réalité.