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Priorité à l’humain! : quelques pratiques RH pour le « monde d’après »

Le monde du travail est en pleine évolution – une évolution intensifiée par la pandémie de COVID-19. Tour d’horizon de diverses pratiques RH en action...
1 mai 2021

D’importantes secousses ébranlaient déjà le monde du travail avant que ne survienne la crise sanitaire : de plus en plus d’entreprises migraient exclusivement en ligne, par exemple, on voyait surgir de nulle part des concurrents, comme Uber, propulsés par l’émergence de nouvelles technologies.

« La COVID est arrivée, et ça a donné un coup de fouet à tous ces éléments à la puissance 10! Les magasins ont longtemps été fermés. Ceux qui n’avaient pas de site Web se sont retrouvés mal pris! » relate Patrick Girard, président d’Okazy Conseils, une firme de formation en gestion de projet.

« Ce n’est la faute de personne, c’est l’environnement qui a changé. On ne fait plus appel à des allumeurs de réverbères non plus. On traverse de profondes transformations, on ne reviendra pas en arrière. Les choses, fondamentalement, ne seront plus les mêmes », affirme celui qui est aussi chargé de cours en gestion de projet à l’UQAM.

L’employé au cœur du changement

Les entreprises qui s’en sortiront le mieux, selon lui? Celles qui adoptent la méthode agile, c’est-à-dire celles qui donnent priorité à la personne, à l’équipe et à la collaboration, ce qui permet de s’adapter au changement de manière continue. « Ce sont elles qui pourront changer de cap rapidement, parce que dans ces organisations, on n’attend pas qu’un grand patron prenne les décisions. Le changement appartient à tout le monde. Les employés trouvent des solutions aux problèmes, parce que ce sont eux qui sont les mieux placés pour le faire. Il faut leur laisser le plus d’autonomie possible », explique-t-il.

Catherine Privé, CRHA et présidente et chef de la direction de la firme de développement organisationnel Alia Conseil, estime que dans le contexte actuel, il est judicieux d’adopter une approche de gestion participative, c’est-à-dire faire jouer un rôle aux employés dans la gestion ainsi que dans la recherche de solutions. « C’est utile pour sortir de la crise, parce que trouver des solutions revient à tout le monde, pas juste au chef. On n’a pas de réponses toutes prêtes au problème qu’on subit, car il est nouveau. On ne peut pas répéter les remèdes du passé », précise la psychosociologue.

De nouveaux problèmes requièrent des solutions inédites, qu’une organisation « apprenante », c’est-à-dire capable d’exploiter le savoir commun pour s’adapter à l’évolution de son environnement, trouvera plus facilement, selon elle. « Pour moi, c’est une organisation qui instaure des conditions favorables à l’apprentissage, à la prise de risques et à l’audace. On place des gens dans de nouveaux rôles, même s’ils ne sont pas tout à fait prêts. On les pousse à plonger », résume-t-elle.

L’idée n’est pas nouvelle : on parle d’organisation apprenante depuis des décennies. Peu d’entreprises ont toutefois réussi à implanter ces idées, selon la femme d’affaires, parce qu’elles ont tendance à attendre que les conditions idéales soient réunies avant de se lancer. « Et tout d’un coup, avec la pandémie, nous sommes tous devenus des organisations plus apprenantes. On n’a pas eu le choix ! Tout le monde a essayé de son mieux, et l'on a beaucoup appris », dit-elle.

Catherine Privé souligne que, dans une organisation apprenante, les objectifs sont fixés par les gestionnaires, mais ce sont les employés qui décident de quelle manière ils les atteindront. « Personnellement, j’ai responsabilisé les autres membres de mon unité en ce qui a trait à la cohésion de l’équipe et à la fidélisation du personnel. Tout le monde s’investit. Les autres utilisent parfois des moyens que je n’aurais pas choisis moi-même, mais ce n’est pas grave. Le résultat va être aussi bon, ou même meilleur! Dans une organisation apprenante, on doit lâcher prise sur le “comment” », explique-t-elle.

Attention! « Le concept clé, ici, est l’expérimentation. Si l’on n’est pas prêt à expérimenter avec son équipe, on n’est pas vraiment une organisation apprenante », souligne-t-elle.

Le droit à l’erreur : moteur d’innovation

S’il est impossible d’innover sans expérimenter, il est aussi impossible d’expérimenter sans parfois échouer! Il faut donc laisser à ses employés le droit à l’erreur, comme l’explique Francis Gosselin, cofondateur de FailCamp, un événement pendant lequel des personnalités publiques viennent raconter leurs erreurs professionnelles; il est également président d’Acronyme, cabinet-conseil spécialisé en planification stratégique et en recherche économique.

« Nous vivons une période pleine d’incertitudes. Forcément, on doit essayer de nouvelles façons de faire. Certains réussissent, d’autres non. Dans une entreprise, on peut décider de punir ceux qui ont subi un échec encore, féliciter ceux qui ont au moins essayé », résume l’économiste et conférencier.

Francis Gosselin croit qu’il est toujours possible d’apprendre de nos erreurs. Si son équipe ne remporte pas un appel d’offres, par exemple, il prend le temps d’analyser ce qui pourrait être amélioré la prochaine fois. « On fait l’effort de se poser des questions : est-ce qu’on était trop cher? Est-ce qu’on aurait dû accorder plus de temps au projet? De cette façon, on pourra accroître nos chances de succès la prochaine fois. Un bon post mortem est une chose sur laquelle j’insiste beaucoup. »

L’avenir des espaces de travail

Déjà avant l’avènement de la pandémie, il était clair que les employés cherchaient plus de flexibilité : par rapport non seulement à leurs horaires, mais aussi à leur espace de travail. « Les gens veulent, selon le type de tâches, pouvoir travailler à domicile pour mieux se concentrer par exemple, mais aussi maintenir une vie sociale et avoir la capacité de faire du réseautage », explique Diane-Gabrielle Tremblay, CRHA et professeure en gestion de ressources humaines à l’Université TÉLUQ.

Tout naturellement, les espaces de coworking (cotravail) se sont imposés comme solution, même si la place exacte qu’ils occuperont au cours des prochaines années reste encore à définir. « Les lieux de travail évoluaient vers les espaces ouverts, mais on a dû se distancier davantage avec la COVID. Je pense qu’on se dirige vers quelque chose d’hybride, qui inclura des bureaux fermés pour recevoir des clients en privé, par exemple, mais aussi des aires ouvertes », affirme la professeure.

L’adoption du télétravail, précipitée par la crise sanitaire, est là pour de bon, selon elle, même si, encore une fois, on assistera probablement à l’instauration d’une formule mixte. « Beaucoup de gens souhaitaient le faire depuis longtemps, et l'on a démontré cette année que le télétravail était possible. Les employés étaient aussi productifs ou même plus productifs qu’au bureau. Ils étaient heureux de ne pas avoir à se rendre au centre-ville tous les matins. Mais je ne pense pas que beaucoup de gens souhaiteraient travailler exclusivement de la maison. On a aussi besoin de voir du monde », fait valoir la professeure.