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Diversité, équité, inclusion : de haut en bas et de gauche à droite

Les experts s’entendent pour dire qu’un leadership inclusif est incontournable pour réussir une démarche de diversité, d’équité et d’inclusion dans une organisation. 
1 mai 2021

Comme l’eau, qui a besoin de hauteur pour trouver son chemin et s’infiltrer partout, une démarche d’égalité, de diversité et d’inclusion commence au sommet de la pyramide. Mais sa réussite dépend d’un engagement authentique qui ruisselle librement pour atteindre toutes les strates de l’organisation.

Les experts s’entendent pour dire qu’un leadership inclusif est incontournable pour réussir une démarche de diversité, d’équité et d’inclusion dans une organisation. La direction, incluant le conseil d’administration, doit y souscrire et proposer une vision claire.

Selon un modèle élaboré par Deloitte en Australie1, le leadership inclusif comprend six caractéristiques : conscience des partis pris et préjugés, curiosité à l’égard de la diversité, intelligence culturelle pour se mettre dans la peau de l’autre, courage pour appliquer des mesures, collaboration entre équipes diversifiées et engagement dans la durée.

« Il faut s’interroger à savoir si la diversité est une priorité, un projet ou un dossier, souligne Candice Maxis, CRHA, leader nationale, diversité, équité et inclusion chez Deloitte Canada. La façon dont cela est perçu va modifier les efforts et les investissements attribués. Pour que ça fonctionne, il faut que ce soit un impératif d’affaires plutôt qu’un projet ou une activité RH. Si l’on ne met pas l’accent sur l’inclusion, on peut perdre des revenus, des employés et de la mobilisation. »

Culture inclusive

Catalyseur du lien social, vecteur d’ouverture vers l’autre et levier de créativité et d’innovation, la culture d’entreprise doit être inclusive; elle doit se refléter dans les comportements, les pratiques et les normes qui régissent les relations de travail.

« La direction ne peut pas affronter seule cet enjeu, note Tania Saba, CRHA, professeure à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal. Un haut dirigeant arrivant à la tête d’une organisation, s’il prend tout le discours à son compte, si son message ne se rend pas à l’employé, il risque de se retrouver rapidement très seul. Le scepticisme peut se retrouver chez les gestionnaires et les cadres qui prennent les décisions de recrutement et de promotion. De leur côté, les employés peuvent faire face à des situations qui leur échappent et penser ainsi qu’il n’y en a que pour la diversité, pas pour eux. »

Large adhésion

Aussi forte qu’elle soit, la direction doit viser une large adhésion à sa vision inclusive et un engagement envers elle en soulignant sa réelle importance pour l’entreprise. Le discours doit s’éloigner de concepts flous ou d’apparence.

« Les dirigeants doivent développer un discours et un storytelling autour du concept, sur l’importance d’accueillir tous les talents dont ils ont besoin pour favoriser les affaires et faire rouler l’entreprise. Chacune des personnes doit vivre l’inclusion en modifiant parfois ses comportements, ses paroles. Sinon, les employés issus de la diversité ne resteront pas dans l’entreprise », insiste Dimitri Girier, CRHA, conseiller principal à l’équité, à la diversité et à l’inclusion à l’Université de Montréal.

Une organisation doit, selon Dimitri Girier, éviter les excuses de ne pas s’être attaqué au problème ou d’avoir adopté des mesures éparpillées, mais plutôt offrir une formation sur les différences culturelles. Il estime que la diversité n’est pas un enjeu à part; il fait plutôt partie du quotidien d’une organisation.

« Il faut tout expliquer, estime Tania Saba. Les biais peuvent être implicites, cognitifs et installés dans des systèmes qui n’ont jamais évolué. Après la formation, il faut mettre en place des mesures de redressement selon les retards à rattraper, des mesures de soutien s’appliquant à tout le monde et des moyens de mesurer l’évolution entre les objectifs et les résultats. Le point de vue qualitatif est tout aussi important si l’on songe aux microagressions, aux barrières subtiles, aux plaintes, au climat de travail ou aux relations entre collègues. »

Des quotas?

Est-ce à dire qu’il est nécessaire d’adopter une politique écrite, un programme précis ou des quotas? Nos experts affirment qu’il s’agit de couteaux à deux tranchants.

« C’est plus important d’expliquer les attentes et les comportements souhaités au quotidien, pense Dimitri Girier. Pour joindre des clients qui parlent différentes langues, ont des goûts et des intérêts différents, par exemple, l’organisation devra poser des gestes. Ça nécessite souvent des employés issus des groupes culturels qui sont en contact avec eux. Il y a un arrimage à faire avec des stratégies de recrutement, que ce soit pour les femmes, les hommes, la communauté LGBTQ+ ou les personnes de la neurodiversité. L’organisation a besoin d’employés qui comprennent ces réalités et qui peuvent l’aider à adapter ses stratégies. »

Immigration

Les entreprises doivent tenir compte de la pénurie actuelle de main-d’œuvre et à venir : 100 000 postes à pourvoir au Québec selon les plus récentes statistiques. Devant un faible taux de natalité, l’immigration reste une solution inévitable.

« Il faudra donc s’ouvrir davantage, juge Candice Maxis. Si l’entreprise ne tente pas de créer des liens avec les communautés qu’elle sert, elle va les perdre. Les candidats à l’emploi ont désormais le choix. Les millénariaux, en entrevue d’embauche, posent des questions qui n’existaient pas avant, du genre : à quoi ressemble la diversité dans l’entreprise? Si la personne venant d’un groupe sous-représenté ne se retrouve pas dans l’entreprise, elle ira voir ailleurs. Près d’une personne sur deux risque de changer d’emploi après la pandémie. Les entreprises devront se montrer ouvertes et inclusives. »

Sous la responsabilité de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi2 a fêté ses 20 ans au Québec. Elle s’applique aux organismes publics et aux entreprises de 100 employés et plus. Le manque de ressources fait en sorte, cependant, que ses effets sont peu concluants.

« Quand on regarde à l’interne, je doute de la volonté de certains à mettre de l’avant l’inclusion. Ça commence souvent par un élément déclencheur comme une plainte ou la recherche de compétences particulières. Mais si une entreprise connaît une pénurie de main-d’œuvre, c’est peut-être parce qu’elle ne regarde pas les bons bassins d’emploi. En entrepreneuriat, les femmes sont encore représentées au Canada à 15 %. Dans le cas des femmes racisées ou autochtones, c’est encore pire. Chez les entrepreneurs immigrants, il y a beaucoup de demandes, mais les démarches n’aboutissent pas. Peut-être faudra-t-il, à un certain moment, forcer la main aux employeurs en élargissant l’application de la loi, en la rendant plus contraignante », conclut Tania Saba.