Beaucoup confondent autonomie et liberté totale, mentionne d’emblée Jacques Forest, psychologue organisationnel, CRHA, professeur titulaire à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM. « L’autonomie, c’est la capacité de faire des choix à l’intérieur de certaines règles et limites. Le gestionnaire doit donc être capable de mettre des balises claires, en expliquant le rationnel derrière ses décisions. Et il doit reconnaître la perspective des travailleurs. »
C’est pourquoi la première étape pour offrir plus de latitude à ses employés, c’est d’établir le carré de sable dans lequel ils pourront travailler. Bien entendu, certaines règles sont immuables, par exemple tout ce qui touche la santé et la sécurité, précise-t-il. D’autres doivent être plus flexibles, par exemple le choix de son horaire, des moyens utilisés, etc. , avance Jacques Forest.
Ainsi, l’autonomie permet aux travailleurs d’avoir une certaine marge de manœuvre dans l’exécution de leurs tâches, le choix des moyens ou des stratégies à mettre en place. Certaines organisations ont poussé très loin cette logique en adoptant un modèle ROWE (Results-Only Work Environment), littéralement (environnement axé uniquement sur les résultats). Les travailleurs sont alors récompensés pour leurs résultats, et non en fonction du nombre d’heures passées au travail. D’autres ont carrément décidé d’éliminer la hiérarchie, devenant une entreprise libérée.
Le bon boss
Sans aller aussi loin, les gestionnaires peuvent favoriser l’autonomie de leurs troupes en changeant leurs perspectives quant à leur propre rôle, indique Louise Charette, CRHA, présidente-directrice générale de Multi Aspects Groupe. Plutôt que de se mettre en mode contrôle, ils doivent plutôt venir en renfort à leurs équipes. « Au lieu d’organiser une réunion pour voir où en sont rendus les employés, il vaut mieux les rencontrer pour savoir s’ils ont besoin de soutien. » Par exemple, est-il possible de déléguer une partie des tâches d’un travailleur à un autre, lui allouer de nouvelles ressources ou prévoir l’achat d’un logiciel qui augmenterait sa performance?
Les patrons doivent aussi instaurer un climat de confiance propice à l’autonomie décisionnelle, observe Jenny Ouellette, fondatrice de bonboss.ca. « Ils vont alors fixer des objectifs clairs, travailler sur les forces des employés et leur donner les outils pour réussir, comme des formations ou encore du coaching. » Les travailleurs doivent par ailleurs avoir droit à l’erreur. « »
Responsabilités partagées
L’autonomie peut aller beaucoup plus loin que le simple fait de choisir son horaire. Chez bonboss.ca, les employés ont même contribué à redéfinir la mission de l’entreprise. Ce qui a mené à la création de projets spéciaux en lien avec la diversité, pilotés par un travailleur. Jenny Ouellette mise aussi sur le design des tâches en fonction des talents de chacun. Par exemple, une employée plus créative consacre maintenant une partie de son temps à concevoir de nouveaux produits. « Les travailleurs deviennent ainsi les artisans de leur propre poste, en choisissant une partie de leurs tâches en fonction de leurs talents et de leurs forces. »
Louise Charette s’intéresse quant à elle aux équipes responsables ou semi-autonomes. Un concept très populaire dans les années 1970 qui peut améliorer la performance des travailleurs. « Cela permet d’avoir une connaissance collective de la part des travailleurs, une intelligence qui permet de poser un regard sur le processus, sur ce qui va bien ou pas. » L’équipe devient alors plus polyvalente.
Pour rendre une équipe responsable, il faut notamment favoriser le soutien social entre travailleurs, à l’aide de rencontres formelles et informelles, précise la spécialiste. « Si les travailleurs ne se connaissent pas bien, ils auront tendance à être sur la défensive, plutôt qu’à s’ouvrir sur leurs doutes et à s’entraider. » De même, les équipes ne doivent pas être laissées à elles-mêmes. Au contraire, car il faut veiller à la fois au développement des compétences individuelles des travailleurs et à leur façon d’interagir.
Une ressource extérieure à l’équipe, comme le gestionnaire, est donc primordiale dans ce contexte, maintient Louise Charette. « Ce dernier doit alors apprendre à développer de nouvelles compétences pour gérer les conflits ou s’assurer de la répartition équitable des pouvoirs entre les membres de l’équipe. » Un processus d’autonomisation qui peut prendre entre deux… et huit ans.
Bref, peu importe la formule choisie, il faut maintenir un équilibre entre autonomie, sentiment de compétence et affiliation, mentionne Jacques Forest. Trois besoins fondamentaux de l’être humain, peu importe la sphère de sa vie, indique ce spécialiste de l’autodétermination. À méditer !