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Apprendre en pleine tempête : les opportunités de la pandémie

Étrangement, l’organisation apprenante aura dû attendre une pandémie qui a ébranlé les hiérarchies, les processus, et les traditions. Depuis le début de la pandémie, nous avons démocratisé et déformalisé l’apprentissage dans le quotidien.

Étrangement, l’organisation apprenante aura dû attendre une pandémie qui a ébranlé les hiérarchies, les processus, et les traditions. Depuis le début de la pandémie, nous avons démocratisé et déformalisé l’apprentissage dans le quotidien. Tout le monde a dû apprendre à ramer en même temps, sans plan de match... et parfois sans rames. Normal, puisqu’autant les gestionnaires que les employés n’étaient préparés à cette nouvelle réalité du travail.

L’apprentissage est une chose merveilleuse en ce qu’elle nécessite l’imperfection. S’il nous est impossible de faire des erreurs, alors il nous est impossible d’apprendre. En contexte de pandémie, constamment bousculés par l’imprévisible, avons-nous fait des erreurs? Pour ceux ayant expérimenté le télétravail, tant employés qu’employeurs, avons-nous fait des erreurs? Bien sûr que oui. Et d’aucuns seraient tentés d’ignorer certaines de ces erreurs, d’en faire un décompte, de les chiffrer et d’en comparer les impacts sur le budget initial pré pandémie. Mais qu’aurions-nous appris de cet exercice? À l’inverse, les plus résilients d’entre nous procéderont à un tout autre décompte, celui des opportunités, des bons coups et des apprentissages réalisés par l’organisation et les gens qui la composent. 

Nous ne sommes pas tous dans le même bateau, mais nous sommes dans la même tempête!

Chaque entreprise, dans son propre bateau, a été aux prises avec la tempête de la COVID-19. La priorité est rapidement devenue claire : ne pas chavirer! Tout comme un bateau a besoin de son équipage pour rester à flot, les entreprises ont besoin de leurs employés pour assurer leur pérennité. Dans ce contexte, certains gestionnaires ont su donner confiance à leurs employés en communiquant clairement les bonnes informations aux bons moments et surtout, en s’accrochant à l’essentiel : la vision, la mission, les valeurs et les priorités de l’organisation. Dans l’exercice de leurs fonctions de gestion, certains ont su s’adapter rapidement en adoptant des pratiques permettant de développer le potentiel de leurs employés. Nous ne suivons plus les heures travaillées, nous suivons plutôt les livrables. On ne peut plus se voir en personne? On va s’appeler et se visioconférencer plus souvent. On se rapproche de la réalité individuelle de chaque employé pour connaître ses besoins réels et s’y ajuster au mieux. En favorisant un feedback bidirectionnel continu et constructif, les gestionnaires se sont assurés de soutenir leurs employés dans la réalisation de leur travail et dans l’atteinte de leurs objectifs. 

À jongler avec tous ces imprévus, plusieurs gestionnaires se sont rapidement sentis débordés. Ce trop-plein est devenu une opportunité intéressante pour celles et ceux qui en ont profité pour puiser dans les ressources et l’intelligence collective de leurs équipes. Nous devons nous installer en télétravail, mais nous avons encore de la difficulté à faire la différence entre un modem et un routeur; utilisons cette opportunité pour offrir à nos plus jeunes de l’équipe, aux plus technos, la possibilité de partager avec nous leurs savoirs! Nous craignons que certains de nos employés vivent de l’isolement; utilisons cette opportunité pour mettre en valeur les forces relationnelles des membres de l’équipe en les soutenant dans leurs initiatives visant à multiplier les moments virtuels informels. La situation a donc permis l’expérimentation de nouvelles façons de travailler et a permis de valoriser les compétences individuelles et collectives de l’équipe. 

Bien évidemment, il nous serait impossible de parler de moments d’expérimentations de nouvelles façons de travailler sans parler d’environnement sécuritaire où l’erreur est permise. La crise sanitaire fait pression sur tous les secteurs pour qu’ils se réinventent. Mais se réinventer demande du temps, ça prend de l’énergie et ça signifie presque invariablement qu’il y aura des ratés. Si ces erreurs ne sont pas accueillies dans un environnement sécuritaire et sécurisant, personne n’osera plus essayer quoi que ce soit. Et si personne n’ose quoi que ce soit, rien n’est fait d’autre que ce qui est fait habituellement. Et cette crise, avec toutes ses caractéristiques, était tout sauf habituelle. Sans adaptation, nous assistons à une organisation qui stagne alors que l’environnement autour d’elle tourne et change à une vitesse qu’elle est maintenant incapable de suivre. 

Finalement, toutes ces opportunités ne seraient pas possibles sans l’engagement viscéral de la direction de chacune de ces organisations devant l’importance de se donner du temps pour apprendre et de l’espace pour accueillir les nouvelles idées. Les directions qui ont mis tous les efforts humains, techniques et financiers qu’il était possible de mettre pour traverser cette crise ont fait, peut-être sans s’en rendre compte, un pas de géant vers un modèle d’organisation dite apprenante. 

Toutes les entreprises ont des employés apprenants, mais toutes les entreprises ne sont pas apprenantes.

L’organisation apprenante est capable d’aller maximiser le désir et le naturel de l’humain à apprendre un peu partout, un peu à tous les jours. Cette organisation n’est pas constamment en train d’envoyer ses employés en formation en classe ou devant leur écran à écouter quelqu’un essayer de leur enseigner quelque chose. Bien au contraire! Si vous faites le décompte de ce que vous et votre organisation avez appris au cours des derniers mois, puisque vous faites l’exercice de cibler où, quand et comment vous avez fait ces apprentissages, fort est à parier que ces nouveaux savoirs sont venus du quotidien et des imprévus.

Ce concept de l’organisation apprenante n’est pas nouveau. En fait, nous avons célébrer ses 30 ans dernièrement et soulignons encore, à l’époque, à quel point les pratiques de gestion qu’elles préconisent pourront soutenir les organisations de demain. Demain est arrivé en mars 2020 au Québec. Depuis, nous vivons dans ce futur que nous prévoyions vivre plus ou moins en 2030. Ça fait beaucoup de changements en bien peu de temps, et il faut croire que nous possédons collectivement les outils dont nous avons besoin pour transformer chaque embûche en opportunité, même si ce n’est pas toujours facile. Plus que tout, il faut croire en nous, en la force de nos équipes, en ce qu’elles peuvent faire et en ce potentiel que nous avons tous ensemble pour traverser cette tempête et en ressortir plus compétents.

Les auteures

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Catherine Privé, MAP, CRHA, présidente et chef de la direction, Alia Conseil

 

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Sarah Lortie, B.A., DESS Gestion, doctorante en psychologie organisationnelle, Alia Conseil

Source : Revue RH, volume 24, numéro 1 ─ JANVIER FÉVRIER 2021