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Gestion de la diversité ethnoculturelle : dialogue et changements organisationnels s'imposent

Les événements entourant le meurtre de George Floyd aux États-Unis en mai 2020 ont apporté un souffle nouveau à la lutte contre les inégalités ethnoraciales en générant une prise de conscience collective sur la discrimination systémique, notamment en matière d’emploi. 

Les événements entourant le meurtre de George Floyd aux États-Unis en mai 2020 ont apporté un souffle nouveau à la lutte contre les inégalités ethnoraciales en générant une prise de conscience collective sur la discrimination systémique, notamment en matière d’emploi. Rapidement, les organisations ont exprimé leur soutien envers l’inclusion des minorités racisées. Certaines s'engagent publiquement à améliorer leurs pratiques de gestion des ressources humaines sur ce plan, en instaurant des politiques et posant des actions en matière d’équité, de diversité et d’inclusion qu'on réunit sous l’acronyme ÉDI.

Les personnes issues de l’immigration connaissent une insertion au marché du travail différente du reste de la population. Leur taux d’emploi est plus faible et leur taux de chômage plus élevé (Statistique Canada, 2016). Un récent rapport de Statistique Canada, 2018 indique qu’entre 2006 et 2017, on observe très peu de changements des tendances en matière d’emploi et d’inégalité de revenu en fonction de l’ethnicité et du genre. Un autre constat encore plus inquiétant est que l’inégalité de revenu entre les Canadiens racisés et les Canadiens non-racisés perdure jusqu’à la deuxième et la troisième génération (Block et al., 2019). Ces données suggèrent donc que l’immigration ne permet pas à elle seule d’expliquer le problème, soulignant ainsi l’importance de développer une compréhension plus approfondie des différentes manières dont la discrimination et le racisme se manifestent sur le marché du travail.

Plusieurs recherches sur terrain s’intéressent d’ailleurs à comprendre pourquoi les programmes de gestion de la diversité ethnoculturelle échouent. La réponse réside dans la question suivante : est-ce que votre organisation ne fait que parler de diversité ou lutte-t-elle activement contre le racisme?  

Les stratégies de marketing RH en ÉDI doivent s’accompagner d’actions concrètes. Si votre organisation prend position contre le racisme, elle doit également préciser comment les progrès seront suivis et communiqués à l'échelle de l'entreprise. Les employés sont très attentifs aux contradictions entre les déclarations publiques et les engagements réels. 

Vers une culture plus inclusive, une question d’écoute

Une culture organisationnelle inclusive s’établit par des initiatives de sensibilisation, de légitimation des problèmes raciaux, d’ouverture au dialogue et d’écoute. Il s’agit avant tout de s’éduquer sur le racisme moderne et sur ses implications en milieu de travail. Par exemple, c’est d’apprendre à reconnaître les micro-agressions, d’éviter de les commettre et d’imposer des mesures disciplinaires appropriées. Les micro-agressions sont un problème très préoccupant, outre les nombreuses conséquences négatives sur la santé mentale des travailleurs racisés visés, elles ont des implications sociales beaucoup plus larges, elles normalisent une culture organisationnelle inéquitable (Williams, 2019). Dans cette optique, il est crucial de s’assurer que l’organisation dispose d’un processus efficace de gestion des plaintes pour discrimination. 

Les discussions sur les problèmes raciaux sont inconfortables. Il est certes primordial de dépasser cet inconfort pour apprendre à en parler. Lorsqu’un employé vous dit être victime de racisme, écoutez-le et prenez les mesures appropriées pour lui procurer un milieu de travail sain. Rappelez-vous que le racisme systémique n’est pas à propos de l’individuel (ou de vos sentiments personnels), mais à propos de structures sociales et institutionnelles. 

Formation sur les biais inconscients : une pratique efficace?

La formation est une composante essentielle d’un programme de gestion de la diversité. L’organisation doit offrir une formation à l’ensemble de ses employés (pas uniquement aux gestionnaires!) pour les outiller à mieux comprendre et démystifier la diversité afin de favoriser leur sensibilité interculturelle. En ce sens, une formation efficace privilégie les contacts interculturels.  

La tendance remarquée ces dernières années est la formation sur les biais inconscients. Bien que l’intention de s'attaquer aux biais raciaux soit louable, ce type de formation présente plusieurs bémols, aussi elle devrait être mise en place avec prudence. Chose certaine, cette formation ne devrait pas constituer l’assise principale d’une stratégie de gestion de la diversité ethnoculturelle, puisque :

  • La notion que les biais raciaux (Western et Bonikowski, 2009) soient inconscients soustrait l’agentivité (capacité d'agir et d'exercer un contrôle sur ses actes) et la responsabilité des personnes.
  • L’essentiel de la formation repose sur le changement des comportements individuels plutôt que l’exploration des structures et des contextes sociaux qui produisent ou réduisent les biais raciaux.
  • Il n’existe aucun résultat concluant de recherche permettant d’affirmer que la connaissance de ses biais entraîne un changement de ses comportements (Noon, 2018). 
  • Dans certains cas, on observe même un effet contraire, où les employés ressortent de la formation avec plus de préjugés raciaux qu’initialement. 

La dotation inclusive :  quelques stratégies gagnantes   

S’engager dans un virage ÉDI exige inévitablement de revoir ses pratiques de dotation. Il est primordial d’établir un plan d’action stratégique, des objectifs concrets et des indicateurs précis afin d’assurer une juste représentativité de la diversité ethnoculturelle, et aussi de :

  • Développer l’expertise requise pour faciliter l’analyse des équivalences des diplômes obtenus et expériences acquises à l’étranger.
  • Privilégier une approche top-bottom, en déployant tout d’abord notre énergie sur la diversité des postes stratégiques (haut-dirigeants, gestionnaires, fonction RH, etc.). 
  • Mettre en place une équipe ÉDI diversifiée (imaginez un comité sur la condition féminine composé exclusivement d’hommes; l’incohérence est la même lorsqu’une équipe ÉDI n’est formée que de gens non-racisés).

Vers une gestion des carrières et une gestion de la relève inclusive

Une composante cruciale d’un plan de gestion stratégique de la diversité ethnoculturelle passe par une gestion de la relève en tenant compte des objectifs de représentativité. En matière de planification prévisionnelle à long terme, on privilégie ici une approche bottom-top, en concentrant nos efforts sur la gestion de la mobilité interne ascendante. À cet égard, les professionnels RI/RH et les gestionnaires doivent être en mesure de déployer des activités de développement des compétences adaptées aux contextes interculturels, par exemple : 

  • Mentorat
  • Plan de carrière personnalisé
  • Ateliers et formations
  • Communications ciblées sur les cheminements de carrière à l’interne 

À terme, ces initiatives permettront aux employés racisés de se projeter mentalement au sein de l’organisation, et donc d’y rester. Cette projection sera d'autant plus facilitée par le fait de voir des gens racisés occuper des postes stratégiques auxquels ils aspirent. 

Conditions indispensables à l’efficacité des politiques de diversité ethnoculturelle (Demontrond et Joyeau, 2009; Saba et Dolan, 2013)

  • Concevoir la diversité ethnoculturelle comme une priorité stratégique.
  • Cultiver une culture organisationnelle inclusive en adoptant des pratiques et un style de gestion cohérents et adéquats.
  • Établir des indicateurs permettant d’évaluer l’évolution des attitudes.
  • Recevoir un soutien réel de la haute direction. 

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BIBLIOGRAPHIE 

Auteure

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Vanessa Gauthier, M. Sc., CRIA (conseillère en ressources humaines et doctorante en relations industrielles à l’Université de Montréal)

Source : Revue RH, volume 24, numéro 1 ─ JANVIER FÉVRIER 2021