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Chronique De premier Ordre : signaler le comportement dérogatoire d’un autre CRHA | CRIA au syndic

L’obligation de signaler le comportement dérogatoire d’un collègue CRHA | CRIA est un mécanisme prévu par le Code des professions.

Tous deux CRHA, Maya et Bertrand travaillent pour une importante institution québécoise de services financiers. Ils sont responsables de l’embauche des employés pour la section des succursales de l’Est du Québec. 

Dernièrement, un gestionnaire de leur section a émis la directive de ne pas embaucher de candidats étrangers. À la suite de cette demande, Maya constate que Bertrand met systématiquement de côté les curriculums vitae des candidats dont le nom a une consonance autre que québécoise. Elle a également entendu Bertrand affirmer à plusieurs reprises qu’il n’allait pas favoriser l’embauche d’immigrants et qu’il était hors de question qu’il accepte de recevoir l’un d’eux pour une entrevue.

La demande de son gestionnaire et le comportement de Bertrand rendent Maya très mal à l’aise. Elle est consciente que Bertrand discrimine des candidats qualifiés sur la seule base de leur origine. 

Maya a dénoncé la situation à la haute direction de l’institution il y a quelques jours. Celle-ci lui a assuré que de telles pratiques ne seraient pas tolérées. Maya se demande maintenant si elle devrait informer l’Ordre du comportement de Bertrand.

En agissant comme il le fait, même s’il s’agit d’une demande de son gestionnaire, Bertrand contrevient à l’article 12 de son Code de déontologie qui lui dicte d’éviter les pratiques discriminatoires et illégales. L’exercice de la discrimination dans l’embauche est non seulement proscrit par le Code de déontologie, il est également illégal en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne.[1] 

Il s’agit d’une pratique qui peut être sanctionnée par l’Ordre et, en tant que CRHA, Maya a l’obligation de signaler le comportement de Bertrand au syndic de l’Ordre (article 50 (4°) du Code de déontologie). Une telle obligation existe dès lors qu’un CRHA | CRIA a des motifs raisonnables de croire qu’un autre professionnel contrevient au Code des professions, au Code de déontologie ou aux autres règlements de l’Ordre[2]. Il est important de noter que cette obligation n’est pas discrétionnaire[3], ce qui ne laisse aucun autre choix à Maya que de signaler le comportement de Bertrand ou d’attendre qu’une autre personne le fasse. 

L’obligation de signaler le comportement dérogatoire d’un collègue CRHA | CRIA est un mécanisme prévu par le Code des professions[4] visant à permettre à l’Ordre d’accomplir sa mission première de protection du public[5]. L’on peut même penser que cette obligation a un effet positif sur la perception de la profession par le public puisqu’elle aide à réfuter la croyance de certaines personnes qui estiment que les professionnels se protègent entre eux[6]. Il ne s’agit pas de faire une chasse aux sorcières, mais plutôt de s’assurer que la profession est exercée correctement.

Dans l’éventualité où Maya hésiterait à faire un signalement de peur de subir des représailles de la part de Bertrand ou de la part de leur employeur, il est important de savoir que celles-ci sont interdites dans une telle situation. En effet, le Code des professions[7] interdit d’exercer ou de menacer d’exercer des représailles contre une personne qui a fait une dénonciation au syndic et cette interdiction vise toute personne[8]. Par représailles, on entend notamment la rétrogradation, la suspension, le congédiement, toute mesure disciplinaire ou toute mesure portant atteinte à l’emploi ou à des conditions de travail.

Ainsi, face à cette situation, Maya a l’obligation de signaler le comportement de Bertrand au syndic de l’Ordre en vertu de son Code de déontologie. À la suite du signalement, le syndic pourra faire enquête et décider s’il dépose ou non une plainte devant le conseil de discipline de l’Ordre. 

Bien que cette obligation puisse parfois être déchirante à appliquer, il est important de rappeler que les CRHA | CRIA ont une position privilégiée pour constater les comportements dérogatoires qui peuvent parfois avoir lieu et qu’ils ont un rôle à jouer dans la mission de protection du public de leur Ordre.

Pour communiquer avec le syndic 

Véronique Émond, CRHA, syndique

514 879-1636 / 1 800 214-1609, poste 626
syndic@ordrecrha.org


[1] Articles 10 et 16 de la Charte. Pour consulter le texte : http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/c-12.
[2] Pour connaître les règlements visant les CRHA | CRIA, consultez le https://ordrecrha.org/fr-CA/ordre/membres/code-de-deontologie/deontologie-et-normes/lois-et-reglements.
[3] Jean-Michel Montbriand. « L’obligation des membres d’un ordre professionnel de dénoncer le comportement dérogatoire d’un autre membre », Développement récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire (2019), Barreau du Québec, Service de la formation continue, p. 196.
[4] Article 87 (1.2o).
[5] Article 23 du Code des professions.
[6] Jean-Michel Montbriand, op. cit., note 3, p. 194.

Source : Revue RH, volume 23, numéro 4 ─ NOVEMBRE DÉCEMBRE 2020