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La sécurité psychologique : un facteur de succès organisationnel - Oser laisser tomber son masque pour vaincre la peur de perdre la face

Pandémie ou non, le développement et le maintien de relations positives fortes au sein et en dehors des organisations est nécessaire pour évoluer et prospérer.

par : Sylvain Houde, M Sc., CRHA, associé-directeur général Évoluo  
Claude Giguère, candidate M Sc., consultante en évolution organisationnelle Évoluo

Pandémie ou non, le développement et le maintien de relations positives fortes au sein et en dehors des organisations est nécessaire pour évoluer et prospérer. Non seulement les connexions humaines fortes contribuent-elles à la satisfaction des employés, elles facilitent également la résolution de conflits, favorisent la collaboration dans les équipes et rehaussent la fidélité des relations d’affaires.

Pour générer un milieu riche en relations de qualité, il est primordial que les gens qui le composent vivent et partagent un sentiment de sécurité psychologique. À l’inverse, un climat d’insécurité risque d’être un terreau fertile au syndrome de la peur de perdre la face qui pose un frein au déploiement du potentiel individuel et collectif. Lorsque les employés se sentent à l’aise de se dévoiler dans leur vulnérabilité et leur authenticité, meilleures sont les chances d’établir avec succès une culture organisationnelle dans laquelle les employés se reconnaissent, et de cultiver une envie sincère de contribuer aux activités de l’organisation. 

Le sentiment de sécurité psychologique est porteur de sérénité

Un élément clé des relations de qualité est la sécurité psychologique. François Bertholet et Marie-Claude Gaudet la définissent comme étant « la croyance selon laquelle l’équipe constitue un espace sécuritaire pour prendre des risques, où les individus (sic) ne seront pas punis, rejetés ou embarrassés s’ils osent s’exprimer » (Bertholet et Gaudet, 2017). Elle contribue à ce que les personnes laissent tomber leurs masques sociaux – le masque, ici au sens figuré, renvoie à cette façade que l’on s’efforce de maintenir au quotidien pour se montrer fort et se protéger des risques de mal paraître socialement.

Se démasquer encourage les employés à oser : exposer leur idées et opinions avec franchise; remettre en question les façons de faire établies et les éléments incompris; parler d’erreurs commises et adresser les divergences d’opinions, le tout dans une optique constructive pour viser l’amélioration. La sécurité psychologique s’accompagne aussi du sentiment d’avoir le droit de se tromper, c’est-à-dire sans avoir peur de perdre la face, ce qui est profitable à tout processus d’apprentissage. Fini le temps où l’on anticipe et évite de donner et recevoir des rétroactions. Avec un fort climat de sécurité psychologique, elles sont désirées. 

Bref, c’est avoir l’esprit tranquille et arrêter de systématiquement se remettre en question, c’est se permettre d’être fidèle à soi-même même au travail et par-dessus tout, c’est enfin dormir sur ses deux oreilles!

Par ailleurs, lorsqu’elle est partagée par les membres d’une organisation et véhiculée à travers la culture organisationnelle, la sécurité psychologique est notamment reconnue pour accroître le rendement, la mobilisation et la créativité des employés, ainsi que faciliter l’adoption de pratiques coopératives (Mornata, 2014). 

La peur de perdre la face, c’est un frein au potentiel

Vous est-il déjà arrivé de craindre perdre la face? Il y a fort à parier que oui et vous ne seriez pas les seuls! Malheureusement, bon nombre de professionnels s’abstiennent de s’exprimer avec franchise par peur d’être négativement perçus par leurs collègues. Notons par exemple la peur d’être étiqueté comme dérangeant en demandant de l’aide; incompétent en admettant des erreurs; ignorant en posant des questions; irrespectueux de l’autorité ou encore négatif en donnant des avis critiques (Mornata, 2014).

Cette peur de perdre la face et de voir sa réputation entachée se traduit par une tendance à rajuster son comportement en fonction de ce qu’on croit que les autres attendent de nous. Il est cependant important de garder à l’esprit que ces rajustements reposent sur des perceptions qui ne reflètent pas nécessairement la réalité telle qu’elle est. Cette autocensure freine la créativité organisationnelle et la mise en valeur du potentiel individuel et collectif des ressources humaines. Par exemple, les occasions de rétention et de transmission des savoirs se font plus rares et plus superficielles. 

En franchissant cette barrière qu’est la crainte de décevoir, d’être rejeté ou même intimidé, on peut devenir un agent de changement et contribuer à développer une culture innovante, apprenante.

Oser l’évolution

Cessons de concentrer nos énergies à porter un masque par peur de perdre la face. Soyons plutôt authentiques à qui l’on est, à ce que l’on pense, ressent, sait et perçoit autour de nous. Alors, nous saurons instaurer un climat où la bienveillance, la vulnérabilité et la justice organisationnelle définiront la norme. Les organisations qui sauront le mieux s’adapter aux perpétuelles évolutions seront celles qui parviendront à créer un tel climat. N’attendez pas et instaurez le mouvement dès maintenant!

Sept pistes d’actions pour favoriser le sentiment de sécurité psychologique et diminuer la peur de perdre la face : 

  1. Encouragez explicitement les comportements attendus.
    • Vous souhaitez que vos collègues posent des questions et débattent les idées soulevées? Dites-le-leur pour lever l’ambiguïté! Si une activité d’échanges est prévue, rappelez vos attentes avant la rencontre. Habituez les membres de l’organisation à demander de l’aide au besoin. Tous ont un rôle à jouer dans l’établissement d’une culture de confiance et de sécurité psychologique. 
  2. Influencez la culture de votre organisation en prônant par l’exemple.
    • Rien de mieux qu’un leader dont « les bottines suivent les babines » : osez vous-même poser vos questions, exprimer vos opinions, débattre des idées et surtout admettre vos erreurs. Normalisez ces réflexes. Il est inhumain de s’attendre à ce qu’aucune erreur ne soit commise au sein de l’organisation. La clé est de se corriger et d’apprendre de toutes les situations.
  3. Abordez les situations telles qu’elles sont.
    • Tout mérite d’être dit, mais veillez à choisir les bons mots et le bon contexte. Gardez à l’esprit que les non-dits ne se règlent généralement pas d’eux-mêmes.
  4. Écoutez pour comprendre, plutôt que pour répondre. 
    • Cherchez à être ouvert et attentif aux messages des gens autour de vous sans préparer une réponse pendant qu’ils vous parlent. Ne tentez pas d’avoir raison à tout coup : l’ego mal placé est un frein aux échanges sincères. 
  5. Évaluez l’idée, pas la personne. 
    • Veillez à dissocier l'idée de la personne qui l'émet pour éviter d’évaluer les collègues affectivement. Privilégier plutôt des retours constructifs et pédagogiquement utiles (Mornata, 2014). 
  6. Osez, mais dosez. 
    • Exprimer sa vulnérabilité permet de renforcer le climat de sécurité psychologique, mais gardez en tête que l’objectif n’est pas de créer un contexte de psychothérapie entre collègues. Certains sujets peuvent provoquer des malaises – veillez à garder un cadre professionnel. Si vous percevez un besoin plus profond, référez vos collègues au programme d’aide aux employés (si votre organisation en a un) ou à des professionnels de la santé psychologique, mais assurez-vous de le faire avec discrétion. 
  7. Intervenez lorsque vous entendez des remarques désobligeantes.
    • Ne laissez pas de commentaires ou d’agissements faire effet boule de neige jusqu’à blesser des egos et affecter la relation de confiance dans l’équipe. Un roulement des yeux ou un soupir lorsqu’une personne s’exprime sont des exemples de gestes qui paraissent anodins, mais qui minent le climat de sécurité psychologique autant pour la personne qui prend la parole que pour les témoins qui assistent à l’échange. Effectivement, cela peut susciter des réflexions sur le danger de se dévoiler, telles que : « Si j’observe cette réaction quand mon collègue exprime ses idées, en quoi serait-ce différent avec les miennes? Je ferais mieux de m’abstenir, je ne veux pas perdre la face devant tout le groupe! »
       
Références :
Bertholet, J-F., Gaudet, M-C. (2017). Authenticité : se sent-on en sécurité dans votre équipe ? Gestion, 42 (1), 100-111.
Mornata, C. (2014). Chapitre 14. La sécurité psychologique ou comment démystifier l’apprentissage en situation de travail. Dans É. Bourgeois & S. Enlart, Apprendre dans l’entreprise (p. 177). Presses Universitaires de France. https://doi.org/10.3917/puf.boug.2014.01.0177
 

Source : Revue RH, volume 23, numéro 4 ─ NOVEMBRE DÉCEMBRE 2020