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Maintenir la confiance : le défi des gestionnaires en temps de pandémie

En ces temps exceptionnels de la pandémie où l’insécurité prévaut, maintenir des relations de confiance avec les équipes est un défi pour les gestionnaires.

Par Marie-Eve Shaffer – 37e AVENUE

La pandémie de COVID-19 a bouleversé le milieu du travail. Dans ces circonstances exceptionnelles où l’insécurité prévaut, maintenir des relations de confiance avec leur équipe est un défi pour les gestionnaires. Des employés effectuent leurs tâches professionnelles à la maison, loin de leurs collègues. D’autres sont sur leur lieu de travail, mais protégés par des espaces tampons, des cloisons, des masques ou des visières. Dans ces circonstances exceptionnelles où l’insécurité prévaut, maintenir des relations de confiance avec leur équipe est un défi pour les gestionnaires.

« Les dirigeants, qui avaient établi des liens de confiance avant la crise sanitaire, sont bénis du ciel alors que ceux qui ont négligé d’en développer sont en détresse », rapporte Muriel Drolet, Fellow CRHA, associée senior de la firme Drolet Douville Ressources en management. Elle insiste sur le fait qu’une relation de confiance ne naît pas du jour au lendemain. C’est une relation qui se tisse et se nourrit au fil du temps.

De la même façon, le management par la confiance ne peut pas être instauré tout d’un coup. « Pour établir une relation de confiance, le gestionnaire doit être présent. Il doit prendre le temps de bien connaître ses employés », renchérit Marie-France Émond, CRHA, vice-présidente des opérations et des ressources humaines chez Indigo Technologies Canada. 

Le management par la confiance

Le management par la confiance repose sur une confiance mutuelle entre un gestionnaire et un employé. « Chacun doit pouvoir compter sur l’autre pour l’aider à atteindre ses objectifs propres et les objectifs du collectif », écrivait en 2017 Laurent Karsenti, chercheur associé au Centre de recherche sur le travail et le développement du Conservatoire national des arts et métiers à Paris, pour expliquer ce mode de gestion.

Délaissant la gestion par le contrôle, le gestionnaire occupe alors essentiellement une fonction de coach pour les membres de son équipe. Il les épaule dans l’acquisition de nouvelles compétences, il les soutient dans l’adversité et il les encourage à exprimer leur avis dans le but d’améliorer le rendement de l’entreprise.
Le management par la confiance doit s’appuyer sur une culture organisationnelle ainsi que sur des politiques internes qui lui sont favorables afin de prévenir les dérapages. « Ce mode de gestion exige un climat propice à la sécurité psychologique. Les employés doivent avoir le droit à l’erreur. Ils doivent pouvoir se tromper et prendre des risques », explique Marie-Ève Lapalme, professeure au Département d’organisation et ressources humaines de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal.

Pour certains travailleurs, le management par la confiance peut donner une impression de laisser-faire. Il n’en est rien, selon Marie-Ève Lapalme. « On est moins dans le contrôle, mais ça ne veut pas dire qu’on est moins en contact avec l’employé, nuance-t-elle. On ne perd pas la communication avec lui. »

« La confiance entraîne la confiance »

Pour établir une relation de confiance avec ses employés, un gestionnaire doit avant tout montrer qu’il est en mesure de faire confiance aux membres de son équipe, poursuit la professeure. Pour ce faire, il évalue leurs compétences, leur intégrité et leur bienveillance. En retour, il doit prouver qu’il possède les mêmes qualités pour gagner la confiance de ses employés. « Des recherches démontrent que la confiance entraîne la confiance », dit Marie-Ève Lapalme.

Plus concrètement, le gestionnaire doit expliquer clairement aux employés sous sa gouverne leur rôle et les objectifs à atteindre. « En contrepartie, il leur accorde de l’importance, mentionne Muriel Drolet. Il se préoccupe de leur bien-être. Il veille à bien les outiller et à bien les informer. »

Pour accompagner les membres de son équipe et assurer le suivi de la progression des projets, le gestionnaire doit créer des rendez-vous, d’après Marie-France Émond – une habitude particulièrement importante en cette période de distanciation. Il peut par exemple demander aux employés de lui indiquer quotidiennement où ils en sont dans la réalisation de leurs tâches et de s’adresser à lui s’ils ont besoin d’un coup de main. Il peut aussi réclamer la remise de plans de travail hebdomadaires. Dans tous les cas, il devrait tenir des réunions d’équipe au moins une fois par semaine pour faire le point sur les projets, indiquent les expertes interrogées.

Un gestionnaire humble

Pour adopter le management par la confiance, le dirigeant doit faire preuve d’humilité. « Quand un gestionnaire fait une erreur, il doit le dire, souligne Marie-France Émond. Un gestionnaire n’est pas parfait et il doit le reconnaître. Cette transparence nourrit la relation de confiance. »

Muriel Drolet en a fait l’expérience avec un chef d’entreprise qu’elle a conseillé pendant de nombreuses années. Ce dernier tenait à ce que tous les vice-présidents soient à leur bureau le lundi matin. Il était intraitable à ce sujet, ce qui entraînait la colère parmi les gestionnaires de deuxième niveau.

« Après leur avoir expliqué les raisons de cette exigence, les vice-présidents ont décidé de l’accepter parce que le chef d’entreprise les soutenait constamment dans leurs difficultés », raconte l’associée de la firme Drolet Douville Ressources en management. Le lien de confiance entre ce patron et ses gestionnaires s’est solidifié à la suite de cette explication.

Performance améliorée

Dans une relation professionnelle dont la confiance est la pierre d’assise, les employés sont plus motivés et contribuent davantage aux rendements de l’entreprise.

« Le sentiment qu’on nous fait confiance renforce l’estime de soi, mentionne Marie-Ève Lapalme. On a l’impression qu’on a de la valeur pour l’organisation et que notre compétence est nécessaire. On va être plus performant et plus satisfait au travail. »

Au cours de sa carrière, Muriel Drolet a par exemple dû épauler une directrice qui devait composer avec une employée difficile. Cette dernière n’atteignait pas ses objectifs et avait reçu plusieurs avis à ce sujet. Elle était en voie d’être congédiée, jusqu’au jour où l’organisation a dû gérer une crise d’une grande ampleur. La salariée qui posait problème a obtenu de nouvelles responsabilités.

« Elle est devenue l’une des meilleures participantes : elle était réactive et elle dépassait les attentes », rapporte Muriel Drolet, ajoutant que la directrice a alors compris que le contrôle qu’elle exerçait auparavant sur cette employée avait un effet démotivant.

Marie-France Émond a pour sa part vécu une expérience contraire : dans un poste où elle était hautement performante, son rendement a diminué lors de l’arrivée d’une nouvelle patronne, au point où elle a reçu un avis disciplinaire. La relation de confiance était absente. « Quand ton gestionnaire n’a pas confiance en toi, tu perds confiance en tes moyens, dit la vice-présidente d’Indigo Technologies Canada. J’ai dû changer de poste pour redevenir moi-même. »

La confiance est ainsi synonyme de bien-être pour les employés. Toutefois, en accumulant les responsabilités et en voulant se dépasser pour l’organisation, ils peuvent aussi vivre davantage de stress et même de l’épuisement, prévient Marie-Ève Lapalme.

La professeure souligne d’ailleurs que ce ne sont pas tous les travailleurs qui sont à l’aise avec le management par la confiance. Certains réclament un encadrement plus serré. D’où l’importance d’apprendre à connaître les employés sous sa responsabilité.


Source : Revue RH – Article Panorama, volume 23, numéro 4 ─ NOVEMBRE DÉCEMBRE 2020