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Philanthropie : ceux qui veulent changer le monde, prière de postuler ici

Voici une perspective de la réalité de la gestion des talents, dont l’enjeu de l’expérience employé qui sévit au cœur des services essentiels de la philanthropie. Cette réalité ressemble-t-elle à la vôtre ?

Daniel H. Lanteigne, CRHA

À l’instar de tous les domaines, la philanthropie n’a pas été épargnée par la COVID-19, notamment au sein de sa ressource principale : le talent. Réduction de temps, mise à pied, travail partagé, subvention salariale, toutes les mesures ont été explorées pour assurer la poursuite cruciale des activités des organismes de bienfaisance d’un bout à l’autre du pays.

Mais ces mesures, visant essentiellement à protéger les organismes et ses bénéficiaires, ne se sont pas faites sans laisser des cicatrices et des bouleversements dans l’équation talents disponibles – emplois offerts sur le marché.

Quelques chiffres :

  • 51 % des collecteurs de fonds mentionnent qu’ils quitteront leur organisme actuel d’ici deux ans.
  • 30 % des collecteurs de fonds mentionnent qu’ils quitteront tout simplement le secteur de la philanthropie.

Pourtant, il y a seulement quelques mois, les postes à pourvoir étaient nombreux, les fondations se « battaient » littéralement pour recruter les meilleurs talents, aussi ces derniers avaient le beau jeu. Ils se laissaient séduire, se faisaient désirer et profitaient d’un pouvoir de négociation.

Et maintenant? C’est l’heure des constats… qui ne sont pas toujours roses! Les fondations sont évidemment en mode réactif et planifient la reprise de leurs opérations, mais comme plusieurs, elles naviguent dans le brouillard, parfois à l’aveugle. Ainsi, la rétention, la mobilisation et l’attraction des gens en prennent un coup. Tout un parfois.

Alors on voit, quasiment de manière impromptue, des postes s’afficher, des organismes prêts à retrousser leurs manches et à affronter les conséquences de la COVID. Cependant, ça ne se bouscule pas aux portes.

Pourquoi? Déjà, en 2019, 30 % des professionnels de la collecte de fonds prévoyaient quitter non pas seulement leur emploi, mais également le secteur de la philanthropie (Gail Perry Fired-Up Fundraising, « Why Are We Facing a Fundraiser Exodus? »).

Les organismes caritatifs et sans but lucratif, c’est :

  • 8,5 % du PIB
  • 2,4 millions de travailleurs canadiens

Depuis, l’exode se poursuit évidemment, mais s’ajoute également une question provoquant un important degré de stress chez les travailleurs : les donateurs seront-ils au rendez-vous pour la collecte de fonds pour maintenir les salaires (déjà inférieurs au secteur privé), les services (vitaux) et ultimement, la fondation continuera-t-elle d’exister?

Ma boule de cristal vaut bien ce qu’elle vaut, mais oui, le secteur pourra vraisemblablement se remettre de cette crise, pas sans heurts évidemment. Et d’ici là, l’univers philanthropique devra redoubler d’efforts pour être attractif et maximiser la rétention de ses ressources humaines dans un univers où la concurrence ne prend pas de pause.

Ainsi, professionnels aguerris de la collecte de fonds ou non-initiés qui souhaitent changer le monde, le secteur philanthropique est là. Il redémarre tout doucement, il se remet en question (il est toujours bon de se regarder dans un miroir afin de valider sa propre pertinence); il se mutualise (devient de plus en plus efficace en partageant des ressources); il se professionnalise (déjà depuis un moment – d’ailleurs, le certificat en gestion philanthropique existe depuis maintenant 10 ans) et surtout, il contribue à un avenir meilleur pour tous.

Comment contrer l’exode philanthropique?

Les fondations excellent dans plusieurs éléments auprès des donateurs qui pourraient certainement agir comme leviers internes en tant qu’éléments d’attraction, de mobilisation et de rétention.

Attraction – À titre d’exemple, pour solliciter un don, le storytelling est devenu un incontournable. Avez-vous déjà songé à raconter l’histoire de vos employés, de leurs motivations et comment ils contribuent à changer le monde chaque jour?

Mobilisation – Dès la première seconde que l’on passe en philanthropie, on apprend l’importance de remercier le donateur. On lui écrit une note, un appel, un cadeau de reconnaissance, on va prendre un café avec lui. En somme, on l’estime pour ce qu’il est et ce qu’il peut devenir. Voyez-vous comment cela est transposable aux employés?

Rétention – Comment faites-vous pour retenir vos donateurs? Vous leur offrez des opportunités de soutenir davantage votre organisme, en augmentant leurs dons, en diversifiant leurs modalités et en tissant un lien authentique. Aussi, permettez à vos employés de croître, de se diversifier et maintenez ce même dialogue transparent.

Car finalement, les organismes de bienfaisance connaissent déjà la « recette »; ils ignorent peut-être seulement qu’elle s’applique unilatéralement à tous ceux qui permettent aux causes d’exister : les donateurs ET les employés.

Alors à l’heure où tous se remettent en question et envisagent un avenir professionnel mieux harmonisé avec leurs valeurs et leur priorité de conciliation travail-vie personnelle, la philanthropie est une avenue à considérer. Car, « l’air de rien », les organismes caritatifs et sans but lucratif représentent 8,5 % du PIB et emploient 2,4 millions de Canadiens (Statistique Canada, 2019).

Pas mal pour un secteur qu’on a longtemps qualifié de « charité » !

Références bibliographiques


Daniel H. Lanteigne, CRHA

Source : Revue RH, volume 23, numéro 3, septembre/octobre 2020.