Il va de soi que toute tentative de transformation doit faire appel à un leadership fort, particulièrement au sommet de l’organisation, mais aussi dans des postes clés à divers niveaux. Voici quelques pistes d’amélioration.
De par son importance pour assurer le succès des transformations visées, il n’est donc pas étonnant que, depuis plusieurs années, les études des grands cabinets-conseils soutiennent que l’identification et le développement du leadership sont des priorités pour les dirigeants d’entreprises. Ceci explique la hausse constante des budgets consacrés aux programmes de développement des leaders depuis le milieu des années 90.
Malgré cela, il semble que ces investissements n’atteignent pas les résultats escomptés. D’une part, la cote de confiance envers les dirigeants et les leaders a diminué de façon importante au cours des deux dernières décennies. D’autre part, les dirigeants estiment que l’écart entre les ressources et ce dont les organisations disposent en termes de « leadership pipeline » ne cesse de grandir. Ces lacunes peuvent mettre à mal les efforts de transformation en cours.
Des attentes toujours croissantes
Une piste de solution est certainement de revoir les programmes de développement du leadership. En effet, selon une étude de Deloitte (2019), seulement 41 % des organisations interrogées indiquent qu’elles sont prêtes à faire face aux nouvelles exigences en termes de leadership. Face à ce désaveu, il apparaît impératif de corriger le tir dans le design et le contenu de ces programmes. Beaucoup a été dit à ce sujet au cours des dernières années, entre autres dans la revue Harvard Business Review. Notre but n’est pas de revenir sur cet aspect de l’enjeu.
Nous allons plutôt proposer une piste d’amélioration moins fréquentée qui nous semble cohérente avec le thème de ce numéro portant sur la transformation organisationnelle. Dans le contexte de transformations et de changements constants, sachant que les exigences du monde du travail se sont largement complexifiées, nous croyons que l’insatisfaction soulevée chez les dirigeants s’explique en bonne partie par des attentes pratiquement hors d’atteinte envers les gestionnaires. En fait, on leur en met beaucoup sur les épaules, surtout chez les cadres supérieurs. Il est difficile, dans un tel contexte, de sortir gagnant sur le plan du leadership.
Une vision héroïque du leadership qui a atteint ses limites
Cette pression prend sa source dans certaines croyances largement partagées : le leadership est essentiellement un atout sur le plan individuel, il s’inscrit dans une relation positive et performante entre un gestionnaire et ses subordonnées au sein d’un groupe restreint ou d’une équipe et seuls ceux œuvrant dans des postes clés, susceptibles d’avoir de l’impact, sont les véritables dépositaires du leadership. Ainsi, les entreprises choisissent d’investir massivement dans le développement d’un nombre limité de personnes, qui se retrouvent maintenant dépassées par la complexité grandissante des transformations et la rapidité des changements qui s’imposent à eux.
Seulement 41 % des organisations sont prêtes à faire face aux nouvelles exigences en termes de leadership.
(Source : Deloitte, 2019)
Il nous apparaît que cette vision « héroïque » du leadership a atteint ses limites. Désormais, il est nécessaire que les organisations envisagent une autre vision, plus partagée du leadership. Il faut répartir le poids des transformations et faire émerger le leadership chez un plus vaste ensemble de personnes.
Une vision plus collective du leadership
Depuis déjà plusieurs années, des approches plus collectives ou partagées du leadership ont émergé (le « nous » domine le « je ») (Yammarino et al., 2012). Il s’agit par exemple du leadership exercé par les équipes elles-mêmes ou par un réseau de personnes ayant une même ambition ou un objectif commun. Cependant, ces approches restent peu connues et sont plus complexes à définir et à gérer. Il faut aussi admettre que les données probantes sont limitées pour le moment et que la perspective de faciliter le développement d’une telle forme de leadership n’est pas évidente à première vue.
Nous croyons qu’envisager une démarche consciente de développement d’un leadership collectif peut être un levier important pour favoriser le succès des transformations organisationnelles. En effet, le développement de cette forme de leadership repose sur un processus dynamique, fluide et organique qui répond bien à la recherche d’agilité qui est au centre des transformations en cours dans la plupart des organisations. Une vision collective du leadership requiert l’identification, la mise en commun et l’utilisation d’expertises diverses émanant de plusieurs personnes ayant des relations tantôt formelles, tantôt informelles, pour répondre efficacement à une situation problématique unique. En retour, puisqu’une transformation crée un environnement nouveau dans lequel il n’existe pas de marche à suivre claire, on peut envisager que cela soit aussi propice à l’émergence d’une capacité collective de leadership.
Cependant, il faut reconnaître que bâtir une telle capacité est plus difficile à maîtriser que la vision plus individuelle du leadership. Il faut mettre les bonnes personnes en action, développer les bonnes combinaisons d’acteurs (employés, gestionnaires, clients, etc.) et les inviter au bon moment dans la transformation. Mais, cela est possible. Un bon exemple vient du réseau de la santé et des services sociaux du Québec qui a développé les concepts de partenaires de soins et de patient partenaire. Dans une perspective d’amélioration continue ou de transformation plus soutenue, des personnes externes (le patient et ses proches aidants) peuvent être sollicitées et mises à contribution avec des personnes internes (gestionnaires, médecins et professionnels) afin de définir les changements requis dans les processus liés à l’offre de soins. Il nous semble qu’une telle combinaison de ressources externes et internes permet l’émergence d’une forme de leadership collectif ayant le potentiel de transformer durablement les organisations.
Toutefois, cela devient possible seulement si certaines conditions sont mises en place :
- Les gestionnaires acceptent de partager leurs responsabilités en fonction de ce qui est requis pour assurer le succès d’une transformation;
- Les acteurs concernés dans la transformation sont d’accord pour collaborer, échanger rapidement des informations en continu et partager la prise de décision entre eux;
- Les réseaux entre personnes provenant de divers secteurs sont développés et entretenus afin d’identifier efficacement celles disposant des forces, compétences, intérêts et motivations nécessaires pour réussir la transformation.
Trois défis pour les partenaires d’affaires RH :
- Connaître leur écosystème
- Être la courroie de transmission
- Comprendre les dynamiques interpersonnelles