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Transformation organisationnelle : La fonction RH en tant que maître d’oeuvre

Dans un contexte de changement constant, les capacités de l’organisation doivent évoluer et donc se transformer. La transformation organisationnelle n’est pas une fin en soi, mais plutôt un moyen pour l’organisation de réaliser ses stratégies et donc d’assurer sa pérennité.

22 octobre 2018
Marie-Chantal Ledoux, CRHA

De plus en plus, la fonction RH joue un rôle de premier plan dans la planification des transformations. En plus d’en orchestrer l’exécution, elle influence et facilite les réflexions en amont menant au design des changements requis.

Voyons maintenant quels sont les facteurs de succès pour diriger en amont une transformation organisationnelle.

La rapidité avec laquelle les organisations doivent s’adapter est de plus en plus grande et le cycle des changements est de plus en plus court. Dans ce contexte, la rapidité avec laquelle une organisation identifiera de nouvelles stratégies en réponse à son environnement et adaptera ses capacités organisationnelles et humaines pour les réaliser constituera un atout majeur de différenciation concurrentielle permettant d’assurer sa pérennité. Selon Peter Cappelli et Anna Tavis, « la vitesse est la nouvelle monnaie des affaires » (« HR Goes Agile », Harvard Business Review, mars 2018).

Historiquement, la responsabilité d’identifier les stratégies et de mettre en place les capacités pour les réaliser incombait au chef de la direction. Maintenant, la fonction RH est une contributrice majeure pour assurer que l’organisation dispose des capacités organisationnelles et humaines nécessaires pour identifier et réaliser ses stratégies. D’abord, parce qu’elle dispose d’une vision transversale des enjeux organisationnels, ensuite, parce qu’elle est souvent responsable de la gouvernance en matière de structure organisationnelle et de main-d’oeuvre.

Lorsque les capacités organisationnelles et humaines en place ne sont pas alignées pour réaliser les nouvelles stratégies, elles doivent évoluer, voire se transformer. Selon l’ampleur des changements requis, nous parlons d’évolution ou de transformation organisationnelle, cette dernière étant un moyen d’assurer la survie de l’organisation plutôt qu’une finalité.

Le leader de la fonction RH joue un rôle de premier plan afin de créer et d’introduire les conditions et les façons de faire favorisant l’évolution, voire la transformation, de l’organisation. En jouant son rôle d’influenceur stratégique, il s’insère en amont de l’exécution de la transformation organisationnelle et facilite les réflexions menant au design des changements requis.

Une démarche de transformation réussie repose sur un leadership cohésif, rassemblé autour d’un processus de planification stratégique continu, misant sur la contribution de l’ensemble des acteurs clés dans l’identification et la révision en continu des stratégies, ainsi que dans leur mise en oeuvre.

Un leadership cohésif

Comme moteur de la transformation, le comité de direction doit développer une dynamique de fonctionnement d’équipe et agir de façon concertée dans l’intérêt de l’organisation et de sa pérennité. La collaboration entre chacun des membres est donc essentielle.

Avec la complexité de l’environnement actuel, entraînée notamment par l’ère numérique, la mondialisation des marchés, l’évolution des technologies et la rareté de la main-d’oeuvre, la mise à profit de chacun des membres du comité de direction est nécessaire pour articuler une vision systémique de l’évolution de l’organisation, constituant la pierre angulaire de toute transformation, autant dans sa planification que dans son exécution.

À cet égard, la fonction RH agit comme conseiller stratégique en développement du leadership en facilitant l’attraction et la rétention de joueurs détenant l’expertise requise, mais également en proposant des stratégies pour développer les fondations permettant à l’équipe de leadership d’évoluer de façon performante. Est-ce que les membres ont une bonne connaissance de soi, de leur impact personnel sur les autres et du fonctionnement de leur équipe? Quels sont les membres qui ont une pensée stratégique et systémique? Lesquels sont des maîtres de la rigueur et de la mise en oeuvre? Lesquels sont plus innovateurs? Pour favoriser un travail collaboratif efficace, le groupe devra miser sur les forces de chacun et sur les forces collectives du groupe, et développer des façons de travailler permettant d’optimiser la performance globale.

« Le plan est un travail en continu. (...) Réservez la première réunion de chaque mois pour une révision du plan. »

(G. Kenny, HBR, 2016)

Stratégie d’entreprise en adaptation au contexte externe et aux besoins évolutifs de ses clients

La façon dont les organisations réalisent leur planification stratégique varie grandement d’une organisation à l’autre. Peu d’organisations disposent d’un processus de planification stratégique formel et partagé. Les stratégies sont parfois initiées de façon intuitive par le président ou certains joueurs clés du comité de direction.

La mise en place d’un processus formel, en plus de baser les réflexions sur des données factuelles, facilitera la participation de tous les acteurs clés dans la définition de la vision commune et d’ensemble de l’organisation. Un processus de réflexion partagé, menant à l’identification des stratégies, permettra d’aligner et de rallier l’équipe de leadership vers une cible commune. Selon Graham Kenny, « c’est dans l’élaboration du positionnement de votre organisation que vous réalisez que, non, nous ne sommes pas tous alignés » (« Strategic Plans Are Less Important than Strategic Planning », Harvard Business Review, 21 juin 2016).

Au-delà de l’identification des bonnes stratégies à mettre en place, cela permettra de mobiliser toutes les expertises dans l’identification des changements requis pour faire évoluer les capacités organisationnelles, et donc d’en faciliter la mise en oeuvre de façon plus rapide. Encore selon Graham Kenny, le processus en soi « fournit une plateforme à partir de laquelle le changement peut être défini », et « le processus même de la préparation du plan permet de penser à l’avenir et à l’assemblage des ressources requises pour y arriver ».

Par ailleurs, les réalités du marché nécessitent une révision et une adaptation en continu des stratégies et de leur alignement. Au-delà d’un cycle annuel ou d’une discussion engendrée par les événements de marché, le processus de planification stratégique doit être dynamique et vécu au quotidien.

À cet égard, la fonction RH devra influencer l’équipe de leadership pour qu’elle adopte un processus de planification stratégique dynamique et en continu, permettant de mobiliser les acteurs clés.

« Principalement, le leadership de l’entreprise est responsable de (...) construire une vision solide de ce que l’alignement stratégique devrait être pour l’entreprise, (...) concevoir chaque composante de la chaîne de valeur de l’entreprise comme hautement complémentaires les unes des autres. »

– Jonathan Trevor, Harvard Business Review, 12 janvier 2018

Une démarche de réflexion et de mise en oeuvre structurée

Comme leader de la transformation, la fonction RH introduira et orchestrera la démarche de réflexion et, le cas échéant, de mise en oeuvre.

L’alignement de quatre volets est nécessaire, soit les affaires, l’organisation, les opérations et, surtout, les personnes. Pour chacun des quatre volets, trois étapes sont requises, soit le bilan de l’actuel, le design souhaité et la mise en oeuvre des changements requis.

Le tableau ci-dessous présente le cadre conceptuel d’une démarche de transformation, de la stratégie à l’alignement des personnes. Ce tableau permettra de se situer et de constituer une feuille de route de l’alignement.

Selon son contexte et sa réalité, une organisation pourrait opter pour orchestrer la réflexion par étapes, c’est-à-dire procéder à un bilan des quatre volets simultanément, pour ensuite élaborer le design souhaité pour tous les volets, et finalement opter pour une mise en oeuvre d’ensemble, ou par volet, soit le bilan, le design et la mise en oeuvre de chaque volet à tour de rôle.

En plus d’orchestrer le processus de réflexion et d’agir comme maître d’oeuvre du volet organisationnel (particulièrement dans le design de la structure organisationnelle) et du volet « alignement des personnes », la fonction RH contribuera à assurer la cohérence et l’alignement des quatre volets dans la livraison de valeur aux employés, clients et actionnaires.

Selon David Ulrich, « la façon dont la fonction RH livre de la valeur aux employés, à l’organisation, aux clients, aux actionnaires et à la communauté à travers les talents individuels (compétences, maind’oeuvre, personnes), un leadership traversant l’organisation, et les capacités organisationnelles (culture, environnement de travail, systèmes) », a beaucoup évolué durant les 20 dernières années (« Human Resources (HR) Business Partner 2.0 », LinkedIn, 27 mars 2018).

Un cadre d’analyse éprouvé et une démarche rigoureuse faciliteront l’élaboration de solutions innovantes requérant une évolution ou une transformation de l’organisation. Les responsables des fonctions RH sont maintenant bien positionnés pour piloter les transformations organisationnelles et ainsi agir comme réel levier de performance d’entreprise.

Références bibliographiques


Author
Marie-Chantal Ledoux, CRHA Présidente fondatrice Ledoux Conseils Inc.

Marie Chantal est une stratège en ressources humaines avec plus de 25 ans d’expérience. Elle est appréciée pour sa capacité d’identifier rapidement les enjeux d’entreprise globaux et de mettre en place des stratégies permettant d’accélérer les transformations organisationnelles.

À titre de directrice principale – Talent et Culture Canada depuis plus de deux ans. Marie Chantal dirige la transformation des ressources humaines de la Corporation intéractive Eidos, la troisième plus grande présence de l’industrie du jeu vidéo au Québec avec trois studios, Eidos-Montréal, Eidos-Sherbrooke, Square Enix Montréal, ainsi que l’entité d’assurance qualité Square Enix, comptant plus de 800 employés.

Les trois studios, Eidos-Montréal, Square Enix Montréal et Eidos-Sherbrooke, ont obtenu le prix du meilleur lieu de travail 2021 (Best Places to Work) de GamesIndustry.biz en novembre dernier.

Marie Chantal est membre de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.


Source : Revue RH, volume 21, numéro 4, octobre/novembre/décembre 2018