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Qualité de vie au travail : comment 40 ans de recherches scientifiques peuvent vous amener à convaincre votre direction

Améliorer la qualité de vie au travail : quel beau défi! Mais comment s’y prendre? Et par où commencer? Cet article propose plusieurs pistes pour concevoir et appliquer, dans un esprit d’innovation et d’agilité, un programme de qualité de vie au travail qui soit cohérent avec la réalité de l’organisation et des membres du personnel.

1 août 2018
Jessica, Audrey, Laetitia Tornare Tayot | Catherine Privé, CRHA | Natalie Rinfret, CRHA

Si vous êtes nés dans les années 1980 au Québec, votre espérance de vie est de 75 ans. Ainsi, jusqu’à 65 ans (si ce n’est plus tard), pendant les meilleures années de votre vie, vous passerez les deux tiers de vos journées au travail! Sachant que près de la moitié des salariés qui ont entre 20 et 40 ans ont souffert ou souffrent de problèmes de santé mentale au travail (Thorpe et Chénier, 2011), première cause d’absentéisme au Canada (Bibliothèque du Parlement du Canada, 2013), il y a de quoi s’inquiéter!

L’engouement pour la qualité de vie au travail n’est donc pas étonnant, d’autant plus que les gains de performance qui y sont liés en font un enjeu important, tant pour les organisations que pour les personnes.

Près de la moitié des salariés entre 20 et 40 ans ont souffert ou souffrent de problèmes de santé mentale au travail.

Qu’est-ce que la qualité de vie au travail (QVT)?

La QVT est un concept large qui intègre notamment la santé et la sécurité au travail, la rémunération, la qualité de l’emploi, la formation et le développement de carrière, l’égalité, les relations avec les collègues et les supérieurs, la reconnaissance, l’autonomie, l’équilibre travail-vie personnelle, les saines habitudes et la performance. Mais, avant tout, c’est une approche qui va au-delà de la prise en compte des risques au travail pour s’intéresser aux leviers qui génèrent et améliorent la santé au travail. Un peu comme une entreprise qui souhaite non seulement ne pas avoir de pertes, mais également réaliser des profits. La QVT, ce n’est pas seulement « ne pas être mal au travail », c’est « être bien au travail ». Sa perception dépend des critères de la personne en fonction de ses aspirations, de l’étape où en est rendue sa carrière et des variables de l’organisation. Les critères d’évaluation de la QVT sont donc à la fois subjectifs et objectifs.

Comment aborder la QVT?

Pour être efficace, il ne s’agit pas de mettre un pansement sur une plaie : la QVT doit être abordée de manière globale, avec une approche systémique. Elle doit devenir un objectif organisationnel porté par les RH, mais aussi appuyé par le plus haut niveau de gestion (la direction), et évidemment partagé par l’ensemble des acteurs composant l’organisation. La QVT doit être conçue comme un portefeuille d’actions clés pour devenir un instrument de gestion de l’organisation. Bien sûr, chaque organisation doit adapter sa politique QVT en fonction de ses besoins, de sa culture et de son environnement. Tel qu’illustré dans la Figure 1 (« Qualité de vie au travail et performance »), l’approche systémique favorise un assemblage cohérent des pratiques, programmes et mesures liées à la QVT, qui vient s’articuler aux politiques de gestion des ressources humaines et aux principales caractéristiques de l’organisation. Il s’agit donc de rechercher une cohérence horizontale (les pratiques entre elles) et verticale (les pratiques et le système des ressources humaines et la stratégie de l’organisation).

Pour une mise en oeuvre réussie : un mélange d’innovation et d’agilité

Vous le savez, l’innovation ne se résume pas aux nouveaux produits. Il est également possible d’innover dans le cadre du travail, que ce soit en aménageant le temps de travail (horaires variables, conciliation travail-vie personnelle, travail à domicile, etc.) ou les équipes (plus d’autonomie, augmentation ou modification des responsabilités, enrichissement des tâches, etc.) Or, l’innovation, mot vedette dans les organisations, trouve sa source seulement si les gestionnaires osent partager leur pouvoir et supporter les risques, et si un climat de confiance règne dans les équipes.

L’innovation devient alors un moteur pour changer les politiques ou les pratiques de gestion en vue d’améliorer durablement les dimensions sociale ou économique du travail. Mais qui dit innovation dit changement. Prenez garde : près de deux tiers des projets de changement seraient condamnés à l’échec. Le succès de la mise en oeuvre de votre projet QVT dépendra donc de votre capacité à rallier les différents acteurs et des méthodes que vous emploierez. La méthode agile, issue du développement de logiciels en informatique, est une méthode de changement fondée sur une approche itérative et collaborative, permettant l’amélioration continue et une rapidité d’exécution. Ainsi, en pilotant votre transformation avec agilité, vous prendrez soin d’inscrire et d’ancrer les changements dans la culture de votre organisation. Encore mieux : en vous appuyant sur des micro-changements réussis, vous renforcerez l’adhésion et la confiance de toute l’organisation envers votre projet QVT, surtout si vous prenez la peine de mesurer les résultats à chacune des étapes.

Impact des problèmes de santé mentale :

  • 35 à 45 % des journées d’absentéisme au travail
  • 20 milliards de dollars au Canada

Vous pourrez ainsi suivre l’un de ces heureux exemples, de plus en plus nombreux. Nous vous présentons ici l’exemple du Service public fédéral (SPF) Sécurité sociale, en Belgique, qui prévoyait des difficultés de recrutement dans le cadre de vagues massives de départs à la retraite. Malgré un handicap certain, cette organisation publique de 1200 personnes, qui rencontrait des problématiques de rétention, d’attractivité, de qualité des services et de contraintes budgétaires, a souhaité devenir « happy, sexy, agile, transversale et apprenante ». Il s’agissait de passer d’une culture de contrôle à une culture de confiance a priori. Sur la base du volontariat, des consultations massives du personnel ont été lancées. Une équipe de l’organisation et du syndicat, appuyée par 15 consultants, a été mise sur pied. Les missions principales des leaders gestionnaires ont été redéfinies autour de trois axes : la communication d’une vision inspirante, le suivi des résultats (en termes de qualité, de quantité et d’attitudes) et la facilitation de la vie de leur équipe. Les objectifs sont maintenant définis par l’équipe en entier, de manière participative. Avec une productivité en hausse de 20 %, des économies chiffrées à six millions d’euros par an et une augmentation de 75 % de la satisfaction du personnel, nul doute qu’il s’agit d’un projet réussi!

La politique RH du Service public fédéral (SPF) Sécurité sociale en 10 points

  1. Environnement moderne et dynamique
  2. Déterminer soi-même où, quand et comment on souhaite travailler
  3. Pouvoir prendre part à des projets novateurs
  4. Équipes dynamiques et apprenantes
  5. Pouvoir découvrir et développer ses talents et passions
  6. Souhaiter s’épanouir grâce à des formations internes et externes
  7. Jouir de confiance et d’autonomie dans son travail
  8. Respect de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée
  9. Télétravail de trois jours maximum par semaine
  10. Avantages : primes, 26 jours de congé minimum, etc.

Vous l’aurez donc compris, le développement d’un programme de QVT au sein d’une organisation fait de multiples heureux. En améliorant le bien-être au travail de ses salariés, l’organisation bénéficie de plusieurs avantages : diminution de l’absentéisme et du présentéisme (dont on oublie souvent de chiffrer les coûts), meilleure attractivité et fidélisation du personnel, mais aussi hausse de la productivité et de la qualité des services ou produits (Jacquetin, 2017). Et n’oublions pas, point non négligeable, qu’une telle démarche s’inscrit dans la responsabilité sociale et le développement durable d’une organisation. Avec des marchés de plus en plus féroces et concurrentiels, une organisation a-t-elle vraiment les moyens de ne pas tenir compte de sa plus grande ressource, ses employés?

Votre organisation est-elle prête pour mesurer son niveau de maturité quant aux pratiques de gestion associées à la QVT? Partez ensemble vers l’aventure de la QVT et récoltez-en les retombées!

Alors, À VOS MARQUES (diagnostic et conception de votre programme de qualité de vie au travail), PRÊTS (agilité et innovation), PARTEZ (mesures et retour sur investissement)!


Références bibliographiques


Jessica, Audrey, Laetitia Tornare Tayot Chargée de cours- Ph.D (c) et assistante de recherche ENAP

Catherine Privé, CRHA Présidente, consultante associée Alia Conseil inc.

Présidente et chef de la direction de Alia Conseil et associée depuis 20 ans, Catherine Privé est psychosociologue et titulaire d’une maîtrise en administration publique, option « Analyse et développement des organisations ». Elle contribue à l’entreprise par la présentation de conférences, la rédaction d’articles, la réalisation de mandats et d’entrevues et la participation à différents conseils d’administration et différentes activités des ordres professionnels.

Elle est responsable du développement du plan marketing annuel et oriente les stratégies de développement des affaires. De plus, elle coordonne les activités du comité de direction, encadre et accompagne les directeurs de pratique dans leurs rôles.


Natalie Rinfret, CRHA Professeure titulaire École nationale d'administration publique

Source : Revue RH, volume 21, numéro 3, juillet/août/septembre 2018