La transition de la fonction ressources humaines vers un rôle stratégique repose essentiellement sur sa capacité de formuler des stratégies alignées sur les objectifs organisationnels, d’en soutenir l’exécution par des activités mesurables et d’en évaluer l’efficacité avec des données factuelles. Ce défi peut être relevé par une utilisation optimale des renseignements contenus dans un système d’information sur les ressources humaines (SIRH). Il ne faut donc pas négliger les rapports à concevoir pour extraire l’information et la diffuser. Cependant, quel que soit le projet mis en œuvre, les investissements financiers et humains sont importants.
Le SIRH est une application qui couvre l’ensemble des processus de gestion des ressources humaines, allant du recrutement à la formation, en passant par la santé et la sécurité du travail, la rémunération, la paie, etc. Un tel système comprend un ensemble de modules intégrés, gérant les différentes fonctions. Il peut aussi inclure des systèmes reliés entre eux par des interfaces. Il arrive qu’on utilise déjà un progiciel reconnu pour une fonction et que le nouveau système intégré soit moins performant sur ce plan. On préférera alors conserver ce progiciel et créer une interface.
Plusieurs dimensions doivent être prises en compte lors de l’implantation d’un SIRH.
Dans un ordre aléatoire, découvrons l’approche des 15 « C ».
Dans quelle industrie évolue l’organisation? Est-elle petite, moyenne ou grande? Est-elle localisée sur plusieurs sites? S’agit-il d’une entreprise privée ou publique? Est-elle syndiquée? Si oui, y a-t-il plusieurs conventions collectives? Y a-t-il plusieurs niveaux hiérarchiques? Quels sont les canaux de communication? Les prises de décision sont-elles rapides? Est-elle à la fine pointe en matière de technologie? Toutes ces questions et bien d’autres sont importantes pour orienter le choix d’un SIRH.
Selon la taille de l’organisation et celle de la fonction ressources humaines, les employés sont regroupés au sein d’équipes, de directions, voire de vice-présidences. Si l’entreprise a des partenaires d’affaires qui collaborent avec ses clients et des experts en processus et en outils de gestion des ressources humaines, il existe un risque de fonctionner de façon cloisonnée. Si, en plus, chaque spécialité acquiert un logiciel supportant ses processus, la cohabitation peut complexifier les opérations et accroître les coûts. Il faut s’assurer de la fluidité et de la cohérence de l’information.
2. Connaissance des besoins de l’entrepriseL’analyse des besoins est le meilleur baromètre pour prédire le succès ou l’échec de l’implantation du SIRH. Le projet va différer non seulement selon les besoins spécifiques, mais aussi en fonction du degré de maturité et des ambitions propres à chaque entreprise. La clarification des objectifs permettra de mieux définir la cible. Il faut également délimiter l’envergure du projet en gardant à l’esprit une stratégie à long terme. Ainsi, le SIRH doit répondre aux besoins actuels tout en ayant la possibilité d’évoluer en fonction des attentes. On doit aussi tenir compte de la structure de l’entreprise et de la capacité de l’architecture du logiciel à correspondre aux besoins de l’organisation et à la décentralisation des fonctions s’il y a lieu. On doit regrouper les fonctionnalités nécessaires à la gestion des ressources humaines triées par ordre d’importance.
3. Choix du fournisseur
On ne doit pas choisir le fournisseur seulement en fonction du prix. Une première question : veut-on développer le système à l’interne ou l’externaliser? L’appel de propositions doit fournir des scénarios réels aux fournisseurs pour qu’ils puissent démontrer comment il vont implanter le SIRH. On doit s’assurer de la pérennité du progiciel dans le temps par l’entremise de plusieurs indicateurs comme la notoriété en terme de fiabilité technique et le processus de mise à niveau des nouvelles versions. On doit également tenir compte de plusieurs facteurs comme les références d’entreprises de taille similaire, la philosophie d’implantation du fournisseur, son taux de réussite, le respect du budget, etc.
Si les coûts d’acquisition et de licences sont importants, les coûts de personnalisation peuvent s’avérer ruineux. Chaque personnalisation du système entraînera des frais supplémentaires pour l’entretien annuel. Il ne faut surtout pas oublier les sommes nécessaires pour la quincaillerie (serveurs, réseaux, environnements, etc.). L’équipe TI de l’entreprise est normalement requise pour prendre en charge ces volets.
5. Comités
Comité de direction – Ce comité approuve les orientations, l’envergure, l’organisation, la planification et les budgets du projet. Il diffuse l'état du projet consolidé : l’avancement, les points en suspens, les écarts et les recommandations. Il approuve tous les changements qui modifient la portée du projet et qui ont une incidence sur l’échéancier ou le budget. Ce comité est présidé par le directeur de projet (responsable des orientations).
Comité de projet – Ce comité est responsable de la réalisation, des livrables, de l’implantation, de la révision des processus et de la gestion du changement. Il planifie, organise, dirige et contrôle l’ensemble des activités du projet. Ce comité est dirigé par le chef de projet (maître d’œuvre du projet), dont le rôle est d’atteindre les normes maximales de productivité tout en stimulant la motivation de son équipe.
Selon les entreprises, d’autres comités peuvent être formés : comité de coordination, comité technologique, comité d’orientation, etc.
Les intervenants internes doivent être crédibles auprès de leurs pairs, car c’est eux qui seront les principaux acteurs du changement. Pendant le projet, ils représentent les fonctions et décrivent les processus reliés à leur fonction, les circuits d’information, la répartition des tâches et responsabilités. Ils sont en contact régulier avec les autres utilisateurs pour recenser les besoins, puis valider avec eux la solution qui aura été définie. Ils jouent un rôle important dans la phase de tests d’acceptation. Ils accompagnent les autres utilisateurs au démarrage, car ayant contribué à l’élaboration de la solution, ils ont une bonne maîtrise de l’application. Ce sont les ambassadeurs du nouveau système.
7. Collaboration des équipes
Toutes les équipes impliquées dans l’implantation (TI, sécurité, ressources humaines, communications, etc.) doivent unir leurs efforts dans un même but : la réussite du projet. De nombreuses entreprises font appel à des ressources externes dans le cadre d’un projet d’implantation d’un SIRH afin de se doter de compétences complémentaires pendant toute la durée du projet. La mixité des intervenants internes et externes doit être bien gérée.
On doit affecter les meilleures ressources selon le secteur d’activité. La clé est de s’assurer que les personnes les plus appropriées sont bien choisies. Il ne faut cependant pas baser la sélection seulement sur les compétences fonctionnelles. Les critères de sélection devraient inclure des comportements et des attitudes relationnelles de façon à obtenir un profil complet des personnes. Un élément principal est la passion et le cœur au travail.
9. Communication
La communication doit être faite au bon moment et le contenu doit être adapté aux interlocuteurs à qui il s’adresse. C’est une dimension à part entière et il faut la traiter avec rigueur. Une stratégie de communication doit définir les différentes étapes dans chacune des phases du projet. Il ne faut pas lésiner sur la sensibilisation des utilisateurs.
Il est important d’identifier les risques organisationnels et humains associés à l’implantation d’un SIRH afin de prendre les mesures qui vont assurer le succès de son déploiement. Il faut éviter les incompréhensions et les résistances au changement. La mise en place d’un SIRH demande de redéfinir de nombreux processus opérationnels, ce qui remet en cause l’organisation du travail. Les employés doivent y être associés dès le début et être tenus au courant de l’avancement du projet. Les risques et les impacts liés au projet doivent être identifiés par population pour aider à l’élaboration de plans d’accompagnement adaptés.
11. Créativité
Dans le cas de l’implantation d’un nouveau SIRH, il ne faut pas essayer de reproduire ce que l’on avait. Avec un nouvel outil, il faut trouver de nouvelles façons de faire et des mesures de contournement.
Bien sûr, les lois sur la sécurité de l’information et les normes de conformité de l’entreprise doivent être respectées. Pour cela, il faut associer au projet un expert de la sécurité de l’information dans l’entreprise.
13. Continuité
Le succès de l’implantation d’un SIRH dépend non seulement de la réalisation des objectifs, mais aussi de la capacité de prédire les événements imprévus et de gérer le risque. Il faut donc préparer un plan de continuité des services informatiques. Pour ce faire, il faut formuler les hypothèses de risque et évaluer le risque résiduel. Il s’agit d’identifier les problèmes majeurs potentiels et de prévoir des scénarios de substitution par grand type de problèmes. Durant l’exécution du projet et son contrôle, on prendra des mesures adéquates pour traiter les situations critiques au fur et à mesure. Ce qui demeurera risqué après ces actions devra faire l’objet d’un plan de continuité qui consiste à prévoir sa réaction « si… ».
Ne pas hésiter à consulter les utilisateurs pour s’assurer de prendre les bonnes décisions. Il faut prendre beaucoup de petites décisions qui auront parfois un fort impact sur l’avenir. On doit cependant statuer lorsqu’il y a des divergences et expliquer les choix.
15. Coaching (formation et suivi)
On doit s’assurer que tous les utilisateurs reçoivent une formation de qualité, juste à temps et en quantité suffisante. Et il faut prévoir une formation continue. Pour mieux aider les collaborateurs à comprendre en quoi cette nouvelle solution leur sera utile au quotidien, il est indispensable d’agrémenter la formation par des illustrations et des exemples concrets. Une aide en ligne contenant des auxiliaires de travail pratiques et de la documentation peut contribuer à faciliter l’utilisation de la solution au quotidien. Il ne faut pas minimiser le temps et les ressources nécessaires à la mise à jour de cette documentation et au support opérationnel.
La fonction SIRH n’est pas une nouvelle fonction, elle est simplement mieux reconnue. Elle a grandi avec l’avènement des technologies de l’information et de la communication, l’évolution des progiciels RH et une législation de plus en plus complexe. C’est une fonction en plein essor, souvent mal définie dans les entreprises. Le rôle de l’expert en système d’information sur les ressources humaines est de mettre l’outil au service de la vision ressources humaines, d’en optimiser l’efficacité et de vérifier la cohérence des différents outils. Cet expert a des compétences équilibrées entre la connaissance des fonctions ressources humaines et des habiletés techniques qui lui permettront de paramétrer les tables de l’application et de faire le lien avec les équipes informatiques.
Les nouveaux horizons pour les SIRH sont leurs capacités à s’ouvrir à une multitude d’acteurs. Alors que le SIRH était, à ses débuts, réservé à la fonction ressources humaines, il pourrait être en passe de devenir un système accessible à tous.
Chez Loto-Québec |
En avril 2008, Loto-Québec allait sur le marché pour sélectionner un système intégré de gestion des ressources humaines (SIGRH). La priorité était de remplacer le système de paie existant et de mettre en place les fonctions de base d’un système intégré de gestion des avantages sociaux, de la rémunération et de la paie. On voulait éliminer la double saisie et simplifier les processus tout en améliorant l’efficacité opérationnelle des ressources humaines par la décentralisation des fonctions dans les sites. Loto-Québec, avec ses huit filiales, ses seize emplacements, ses 6500 employés et ses dix-sept conventions collectives, relève des défis constants dans sa gestion des ressources humaines. On devait s’assurer de conserver un équilibre entre l’arrimage aux meilleures pratiques du marché, la réponse aux besoins spécifiques de Loto-Québec, le maintien de la solution originale (vanilla) et la gestion de la complexité des conditions de travail. Deux ans et demi se sont écoulés entre le choix du fournisseur et la mise en production du système. Le projet s’est divisé en quatre grandes étapes consécutives :
Résultat, selon Sylvain Carrier, directeur corporatif de la rémunération globale et systèmes en ressources humaines, « le message donné par l’ensemble des utilisateurs quelques mois après la mise en production a été très positif. Le défi est maintenant de rendre fonctionnels d’autres modules de l’application afin de retirer tous les avantages d’un système pleinement intégré ». Il reste en effet plusieurs modules à implanter, comme le libre-service aux employés et aux gestionnaires, la santé et la sécurité, etc. C’est à suivre... |
Carole Labelle, CRHA, conseillère principale, ressources humaines, Direction corporative de la rémunération globale et des systèmes en ressources humaines, Loto-Québec
Source : Effectif, volume 16, numéro 4, septembre/octobre 2013.