Cet article a été rédigé en janvier 2013 et a été mis à jour en mars 2024
Souvent, les dirigeants d’entreprises du secteur de la construction vont dire : « Nous sommes régis par la Commission de la construction du Québec; pas besoin de nous occuper de la Loi sur l’équité salariale ». Cette conception est erronée.
En effet, les entreprises qui en sont à leur première infraction sur le plan de l’équité salariale peuvent recevoir une amende allant jusqu’à 45 000 $, et ce, peu importe leur secteur d’activité. Bien entendu, le montant de l’infraction est fonction du nombre d’employés de l’entreprise et du type d’infraction (article 115 de la Loi).
Les montants minimums et maximums de l’amende sont les suivants :
- au moins 1 000 $ et au plus 15 000 $ pour l’employeur dont l’entreprise compte moins de 50 salariés;
- au moins 2 000 $ et au plus 30 000 $ pour l’employeur dont l’entreprise compte 50 salariés ou plus, mais moins de 100;
- au moins 3 000 $ et au plus 45 000 $ pour l’employeur dont l’entreprise compte 100 salariés ou plus;
- au moins 1 000 $ et au plus 15 000 $ pour toute autre personne.
En cas de récidive, les montants prévus sont doublés.
Mais revenons aux entreprises qui œuvrent dans le secteur de la construction. Beaucoup de leurs gestionnaires pensent que leurs activités relèvent de programmes distincts. C’est ainsi que plusieurs dirigeants d’entreprises de la construction comprennent mal leurs obligations en vertu de la Loi sur l’équité salariale.
Programmes distincts
L’employeur et une association accréditée qui représente des salariés de l’entreprise peuvent convenir d’établir un ou des programmes distincts applicables à ces salariés dans un ou plusieurs des établissements de l’entreprise qui n’ont pas fait l’objet d’une autorisation en vertu du deuxième alinéa de l’article 10 de la Loi sur l’équité salariale. Une telle entente peut aussi être conclue entre l’employeur et plusieurs associations accréditées. Dans l’un ou l’autre de ces cas, l’employeur peut alors établir un programme distinct applicable aux autres salariés.
Qui peut demander un programme distinct?
Seule une association accréditée en vertu du Code du travail peut demander à l’employeur d’établir un programme distinct applicable aux personnes salariées qu’elle représente. De même, l’article 11 de la Loi sur l’équité salariale permet à un employeur et à plusieurs associations accréditées de conclure une entente en vue d’établir un programme d’équité salariale distinct, applicable aux personnes salariées représentées par ces associations, dans un ou plusieurs établissements de l’entreprise visée.
Ainsi, à moins d’une entente entre plusieurs associations accréditées et l’employeur, il ne peut y avoir qu’une association accréditée par programme distinct et ce programme ne doit viser que les personnes salariées représentées par cette association au sein de l’entreprise.
Secteur de la construction
Les entreprises œuvrant de la construction doivent, comme toutes les autres, réaliser les travaux d’équité salariale prévus par la Loi sur l’équité salariale. En effet, celle-ci s’applique aux personnes salariées régies par la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction.
Cependant, les associations représentant les personnes salariées soumises à cette loi ne peuvent demander de programme distinct en vertu de l’article 11 de la Loi sur l’équité salariale, parce que ces associations représentatives ne sont pas des associations accréditées au sens du Code du travail.
Prédominance des postes régis par la CCQ
Il va sans dire que, jusqu’à ce jour, les postes régis par la Commission de la construction du Québec (CCQ) sont à prédominance masculine. Les postes à prédominance masculine servent de comparateur lors de l’exercice d’équité salariale.
Les employés qui travaillent au sein d’une entreprise du secteur de la construction ne sont pas tous régis par la CCQ. Cependant, tous les postes de l’entreprise doivent être pris en compte lors des travaux, autant le personnel administratif que celui de la production. Prenons comme exemple le poste d’adjoint au président. Ce poste n’est pas régi par la CCQ, mais fait tout de même partie de l’entreprise au même titre que les employés qui le sont. L’erreur la plus courante est de gérer ces catégories d’emplois à titre de programmes distincts lors de l’exercice d’équité salariale. Selon la Loi sur l’équité salariale, toutes les catégories d’emplois doivent être comparées, sans exception, et ce, en fonction de leur prédominance et aussi de leur valeur.
Comment déterminer la prédominance?
Peu importe l’industrie dans laquelle l’entreprise se situe, réaliser l’équité salariale, c’est attribuer à des emplois traditionnellement occupés par des femmes un salaire égal à celui d’emplois traditionnellement occupés par des hommes, même si ces emplois sont différents, pourvu qu’ils soient de même valeur ou de valeur comparable dans l’entreprise. Il faut donc déterminer la prédominance masculine ou féminine de chaque catégorie d’emplois.
Selon l’article 55 de la Loi sur l’équité salariale, quatre critères doivent être pris en compte pour déterminer si une catégorie d’emplois est à prédominance féminine ou masculine :
- elle est couramment associée aux femmes ou aux hommes en raison de stéréotypes occupationnels;
- au moins 60 % des salariés qui occupent les emplois en cause sont du même sexe;
- l’écart entre le taux de représentation des femmes ou des hommes dans cette catégorie d’emplois et leur taux de représentation dans l’effectif total de l’employeur est jugé significatif;
- l’évolution historique du taux de représentation des femmes ou des hommes dans cette catégorie d’emplois, au sein de l’entreprise, révèle qu’il s’agit d’une catégorie d’emplois à prédominance féminine ou masculine.
Comment déterminer la valeur des catégories d’emplois?
Afin de répondre aux objectifs de la Loi sur l’équité salariale, chacune des catégories d’emplois pourrait être évaluée selon ces quatre facteurs qui seraient scindés en dix sous-facteurs.
Qualifications requises | Responsabilités assumées | Efforts requis | Conditions de travail |
Formation | Imputabilité | Effort intellectuel | Inconvénients et risques inhérents |
Expérience | Communication | Concentration et attention sensorielle | |
Dextérité et coordination | Supervision | Effort physique |
Quelles sont les entreprises assujetties à la Loi?
La Loi s’applique à tout employeur dont l’entreprise compte dix personnes salariées ou plus, qu’elle soit privée, publique ou parapublique.
Les obligations des employeurs pour réaliser un exercice d’équité salariale varient en fonction de la taille de leur entreprise selon la classification suivante : 10 à 49 personnes salariées, 50 à 99 personnes salariées et 100 personnes salariées ou plus. Rappelons que la taille de l’entreprise est déterminée par le nombre moyen des employés inclus dans une période de référence. Cette dernière est calculée en fonction du début des activités de l’entreprise.
Par contre, tout employeur qui compte 11 salariés ou plus doit produire une Déclaration de l’employeur en matière d’équité salariale (DEMES). Cela s’applique aussi à l’industrie de la construction.
Déclaration de l’employeur
Par cette déclaration, les employeurs doivent fournir de l’information permettant de déterminer s’ils sont assujettis à la Loi sur l’équité salariale, s’ils ont réalisé leur exercice et s’ils ont évalué le maintien de l’équité salariale dans leur entreprise.
Divers renseignements sont demandés par cette Déclaration, notamment :
- le numéro d’entreprise du Québec (NEQ);
- le domaine de compétence législative de l'entreprise (entreprise de compétence fédérale ou provinciale;
- le secteur d’activité;
- la date du début des activités de l'entreprise;
- le nombre de travailleuses et travailleurs de l'entreprise;
- la date d’affichage des résultats de l'exercice initial d’équité salariale, s’il y a lieu;
- la date d’affichage des résultats de la ou des évaluations du maintien de l’équité salariale, s’il y a lieu.
Chaque employeur visé par le règlement doit produire en ligne la déclaration d’équité salariale dans le même délai qui lui est accordé pour effectuer la déclaration de mise à jour annuelle auprès du Registraire des entreprises. Chacun recevra au cours de l’année une lettre de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail lui rappelant cette obligation.
Un exemple?
Prenons l’exemple d’une entreprise de l’industrie de la construction routière qui comporte seulement deux catégories d’emplois.
Catégorie d’emplois |
Compétence (CCQ) | Secteurs (CCQ) |
Rémunération globale maximum de la catégorie |
Valeurs des postes sur 800 points |
Prédominance | Écarts salariaux |
Mécanicien de chantier |
Apprenti 1 | Génie civil et voirie |
20,95 $ l’heure* | 505* | Masculine | |
Adjoint au président |
s. o. | s. o. | 20,25 $ l’heure* | 505* | Féminine | 0,70 $ |
*Exemples fictifs |
Selon cet exemple, il devrait y avoir un ajustement de 0,70 $ l’heure attribué à tous les employés de la catégorie d’emplois Adjoint au président. Toujours en tenant compte que cette entreprise compte seulement deux catégories d’emplois, pour deux catégories à valeur égale (505/800), la catégorie à prédominance féminine doit obligatoirement être rémunérée d’une façon égale ou supérieure à la catégorie à prédominance masculine. Il est important de comprendre la notion de « catégorie d’emplois ». Un homme peut travailler dans une catégorie d’emplois à prédominance féminine et peut se voir attribuer un ajustement salarial. Cet exemple très simpliste vise à faire comprendre l’essentiel du processus. L’exercice est évidemment beaucoup plus complexe quand il y a plusieurs catégories d’emplois au sein d’une organisation.
Conclusion
La Loi sur l’équité salariale est effectivement applicable dans le secteur de la construction. La notion de programme distinct ne s’applique pas dans ces entreprises et les gestionnaires doivent comprendre le sérieux et l’utilité de cette Loi. Bien que plusieurs professionnels et gestionnaires, tous secteurs confondus, se plaignent de son manque d’objectivité, les entreprises assujetties à cette Loi sont dans l’obligation de s’y conformer.
Dave Dupuis, CRHA, consultant, Dupuis & Associés
Source : Effectif, volume 16, numéro 1, janvier/février/mars 2013.
Cet article a été mis à jour en mars 2024