À quoi bon se presser, diront certains. Ce n’est pas l’avis de nos gouvernements. En effet, alors que le gouvernement du Québec et celui de l’Ontario n’ont nulle intention d’assouplir l’application de leur loi respective, le gouvernement canadien s’y met et envisage l’adoption prochaine d’une loi sur l’équité salariale. À quoi faut-il s’attendre?
Au Québec
Maintenant administrée par une vice-présidence de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), la Loi sur l’équité salariale du Québec n’a rien perdu de sa force. En fait, profitant de la structure imposante de la CNESST, l’équité salariale n’est plus un dossier marginalisé. Les vérifications de conformité à la Loi s’alignent davantage sur le contenu des exercices (par exemple, comment la rémunération globale a été prise en compte dans le calcul des écarts salariaux) que sur l’obligation de réaliser un exercice (démontré par les affichages uniquement).
En outre, une décision rendue par la Cour d’appel du Québec le 12 octobre dernier confirme que l’atteinte de l’équité salariale n’est pas une activité ponctuelle. La Cour reconnaît que l’évaluation du maintien de l’équité salariale peut être réalisée selon une périodicité (tous les 5 ans comme le prévoit la Loi actuellement). Elle invalide toutefois l’absence de rétroactivité des ajustements salariaux déterminés et l’affichage des résultats (trop peu explicatifs). À noter que, pour la prochaine année, les dispositions de la Loi s’appliquent toujours. Il faudra cependant s’attendre à des exigences resserrées par la suite.
En Ontario
Contrairement à l’idée répandue que tout est calme du côté de l’Ontario en matière d’équité salariale, il n’y a pas signe d’essoufflement. Nous le constatons d’ailleurs par les vérifications approfondies du Bureau de l’équité salariale auprès de nos clients en Ontario. Non seulement le Bureau maintient activement son programme de surveillance, mais le gouvernement de l'Ontario vient également de publier un rapport du Comité directeur de la Stratégie pour l'équité salariale entre les sexes et fixe de nouvelles cibles pour combler les écarts salariaux.
En avril dernier, la Human Resources Professionals Association de l’Ontario a d’ailleurs publié un rapport intitulé Closing the Gender Wage Gap, a Review and Recommendations, dans lequel elle presse le gouvernement ontarien de mettre en place des mesures concrètes pour éliminer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes dans les meilleurs délais.
L’option canadienne
Dès 2018, le gouvernement du Canada adoptera pour sa part une loi proactive sur l’équité salariale. Cette Loi présentera de grandes similitudes avec celle du Québec, puisque celle-ci sert de modèle en la matière. Elle visera les employeurs dans les entreprises de compétence législative fédérale, notamment les sociétés de la Couronne, les banques, les transporteurs aériens et ferroviaires, les aéroports, les entreprises de téléphonie, les diffuseurs publics et les entreprises de transport interprovincial.
De plus, celle Loi s’appliquera vraisemblablement aussi entrepreneurs de compétence provinciale visés par le Programme de contrats fédéraux. Ces employeurs sont ceux 1) qui ont un effectif combiné au Canada d'au moins cent employés permanents à temps plein et 2) qui ont obtenu un contrat de biens ou de services, une offre à commandes ou un arrangement en matière d'approvisionnement du gouvernement du Canada, d’une valeur d'un million de dollars ou plus (y compris les taxes).
Point de non-retour
La gestion du dossier d’équité salariale doit s’enchâsser dans les approches globales de gestion de la rémunération des entreprises.
Le mieux est d’adapter des pratiques de rémunération qui résistent au test de l’équité salariale intrinsèque, quel que soit la législation particulière à laquelle l’entreprise peut être soumise. Ainsi, certains gestionnaires qui doivent jongler avec les particularités de plusieurs lois, comme c’est le cas des entreprises qui ont des employés au Québec et en Ontario, ont le défi de maintenir une architecture salariale cohérente pour tous les employés (ce qui est loin d’être aisé dans l’éventualité de fusions). Pour d’autres gestionnaires, œuvrant des entreprises de plus petite taille par exemple, il s’agit de vérifier si des changements, comme la création ou la disparition d’emplois, auront un impact sur le maintien de l’équité salariale.
En somme, il faut s’y faire : loin de s’estomper, le principe d’équité salariale devient une réalité permanente pour les gestionnaires en entreprise!
À propos de l’auteure
Denise Perron, CRHA est présidente du Groupe AEQUITAS, spécialisé en service-conseil dans le domaine de l’équité salariale. Elle travaille auprès d’entreprises de toute taille partout au Québec, en Ontario et ailleurs au Canada. On peut la joindre par courriel [denise.perron@groupeaequitas.com] ou par téléphone [1 514 844-1828]. Site web : www.groupeaequitas.com