De nombreuses équipes de vente se voient offrir une enveloppe de rémunération totale en espèces comportant un salaire de base et une portion variable composée de commissions et/ou bonis et souvent complétée par d’autres incitatifs tels que SPIFF, concours, etc. Élaborer de tels programmes de rémunération repose sur de multiples considérations clés. Les indicateurs de rendement à la base de la rémunération variable en font partie.
Diverses possibilités d’indicateurs…La définition de ces indicateurs s’appuie sur plusieurs règles d’or. Par exemple, il est primordial qu’ils soient spécifiquement, objectivement et précisément mesurables au moment opportun, selon les dispositions du régime de rémunération variable, qu’ils ne soient pas source d’iniquités dans l’équipe de vente, que les employés comprennent leur programme de rémunération (en général, au maximum trois indicateurs dans un programme de bonis/commissions, chacun d’eux devant être défini clairement) et qu’ils appuient les priorités de l’entreprise.
Bien que toutes ces règles soient essentielles, cet article se concentrera sur l’importance de se doter d’indicateurs appuyant les priorités de l’entreprise, ce qui représente une tâche complexe et multidimensionnelle.
Le choix des indicateurs constitue souvent la première dimension sur laquelle trancher. La majorité des régimes de rémunération variable des équipes de vente utilisent des indicateurs de résultats (indicateurs financiers, de volume de vente ou de positionnement de marché) et plusieurs font également usage d’indicateurs de satisfaction de la clientèle, si leur contexte s’y prête. Quant aux indicateurs d’activités et d’étapes clés ou à ceux de nature qualitative (ex. : acquisition de compétences ciblées), on les trouve davantage dans les programmes de gestion du rendement de la force de vente. Les indicateurs d’activités ou d’étapes clés peuvent toutefois être utilisés pour la rémunération variable dans certains environnements spécifiques, comme ceux comportant des processus de vente particulièrement longs (indicateurs d’étapes clés) et ceux où l’employeur doit contrôler les activités de vente (indicateurs d’activités).
Parmi les nombreux types d’indicateurs de rendement pour la rémunération variable des équipes de vente, se trouvent, entre autres, des indicateurs… | |
Financiers, comme :
| De volume de vente, comme :
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De positionnement de marché, comme :
| De satisfaction de la clientèle, comme :
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D’étapes clés, comme :
| D’activités, comme :
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Chaque indicateur peut mettre l’accent sur un type de produits ou services, un segment de clientèle, un type de vente (ex. : toute commande dépassant 10 000 $, ventes directes, par distributeur), etc.
Les indicateurs peuvent également être mesurés sous différents angles. Les plus fréquents sont la comparaison par rapport à la période ou à l’année précédente, le pourcentage d’atteinte d’un objectif et la valeur absolue sans égard à un objectif, une valeur historique ou toute autre comparaison. Une commission fixe par unité vendue constitue un exemple de mesure en terme de valeur absolue. Le rendement peut également être mesuré en terme de comparaison des résultats entre les pairs (ex. : concours de vente avec un nombre limité de gagnants).
Il faut aussi établir le niveau auquel chaque indicateur sera évalué (individuel, d’équipe, régional, national, etc.) et déterminer sa pondération, sa fréquence de mesure, ses règles d’application, etc.
Les possibilités sont donc infinies et les décisions prises peuvent faire la différence entre une entreprise qui rémunère l’équipe de vente en fonction de «ce qui compte vraiment» et une autre qui n’y parvient pas. Voici quelques pistes de réflexion afin de compter parmi les entreprises qui réussissent à relever ce défi.
Priorités d’affaires (objectifs et stratégies)
Il est primordial de toujours définir, pour la rémunération variable, des indicateurs de rendement entièrement alignés sur les objectifs d’affaires et différentes stratégies de l’entreprise, dont la stratégie de commercialisation et conséquemment celles de prix, de promotion, de produit et de place/distribution (les 4 P). Ces objectifs et stratégies communiquent plusieurs informations critiques quant au choix des indicateurs de rendement (Quels sont les marchés/clientèles cibles? Quels produits/services mettra-t-on en priorité? Quels canaux de distribution privilégiera-t-on? Comment procédera-t-on aux ventes? Etc.). Les objectifs et stratégies d’une organisation traduisent ses priorités d’affaires et lui sont spécifiques. En effet, une entreprise peut avoir comme objectif de mettre en marché un nouveau produit, alors qu’une autre peut viser la pénétration de marchés inexploités par la concurrence et/ou la rétention de sa clientèle existante. Il est donc normal que le rendement des ventes soit mesuré différemment d’une entreprise à l’autre (même au cœur d’une même industrie), en fonction de leurs priorités d’affaires respectives.
Il faut se rappeler que ces priorités d’affaires évoluent constamment en fonction des rapports de force qui les influencent. Parmi les forces, on compte la situation économique, les pressions du marché, le contexte international, l’étape où se trouvent l’entreprise et ses différents produits/services dans leur cycle de vie respectif, etc. En raison du caractère évolutif des priorités d’affaires, les indicateurs de rendement ne peuvent pas être statiques dans le temps. Ils doivent régulièrement être réévalués pour s’assurer qu’ils continuent, au fil du temps, à renforcer ces priorités.
L’alignement sur les priorités d’affaires nécessite toutefois une mise en garde quant aux indicateurs qui optimisent le succès des ventes à court terme tout en compromettant la réussite à long terme. Cela se produit, par exemple, lorsque les indicateurs encouragent la vente des produits ou services à prix élevés, sans se soucier des besoins réels du client. De tels indicateurs peuvent engendrer une augmentation temporaire des revenus, mais, à la longue, pousser les clients à se diriger vers la concurrence, ce qui peut être dévastateur pour une entreprise pour laquelle la fidélisation de la clientèle est un facteur de succès.
Structure et emplois de vente
Les priorités d’affaires d’une entreprise se répercutent sur sa structure de vente qui, souvent, regroupe une variété d’emplois (différents niveaux de gestion, représentants de territoires, gestionnaires de comptes majeurs, etc.). Il est donc normal que des programmes de rémunération distincts coexistent au sein d’une force de vente et que les indicateurs de rendement pour la rémunération variable diffèrent selon le rôle des différents emplois.
De plus, depuis dix ans, les environnements et structures de vente se sont complexifiés et les emplois de vente se sont davantage spécialisés. Pour cette raison, choisir des indicateurs de rendement en fonction du rôle est devenu plus laborieux, mais demeure fondamental.
Il faut donc procéder à une analyse approfondie des différents emplois. Elle portera sur la nature des responsabilités, les compétences, l’initiative et l’effort requis, le soutien et les outils disponibles, l’implication aux diverses étapes du processus de vente, etc. Chacune de ces dimensions sera considérée pour définir les indicateurs de rendement de la rémunération variable. En voici deux exemples…
- L’analyse fera ressortir le niveau d’influence de chaque emploi de vente, information cruciale pour la définition des indicateurs de rendement. Le niveau d’influence est élevé lorsque les résultats en lien avec un indicateur sont principalement influencés par les actions, efforts, motivation, habiletés et connaissances du titulaire. Ainsi, un employé ayant la responsabilité de négocier les prix de vente pourrait être rémunéré, du moins en partie, sur la base de ses résultats de profitabilité des ventes (ex. : marge de profit brut), ce qui l’inciterait à toujours garder à l’esprit cette dimension cruciale de son travail.
- L’analyse mettra également en lumière le niveau d’interdépendance des titulaires occupant un même emploi ou différents emplois de vente. Ceci est un autre exemple de facteur qui influe sur la définition des indicateurs de rendement. On trouve un haut niveau d’interdépendance, notamment dans les environnements où plusieurs employés travaillent de concert afin d’influencer les ventes auprès des mêmes clients. Dans un tel environnement, les résultats de vente ne pouvant pas être associés au rendement d’un seul employé, l’entreprise peut envisager, entre autres, d’évaluer les résultats par équipe ou d’évaluer chaque titulaire en fonction de sa réalisation d’activités spécifiques qui, ultimement, contribueront à optimiser ces résultats.
Effet cascade des indicateurs
Les indicateurs de rendement pour la rémunération variable des équipes de vente représentent un outil de communication puissant par rapport à ce qui compte aux yeux de l’entreprise. La règle est donc claire : ces indicateurs auront indéniablement un impact sur l’équipe de vente, qui se répercutera sur la clientèle, ce qui influencera finalement les résultats de l’entreprise. Voici des exemples de questions afin d’analyser si les répercussions des indicateurs de rendement sont susceptibles d’optimiser le succès de l’organisation ou, au contraire, de lui nuire.
L’équipe de vente
- Comment les indicateurs influenceront-ils les activités, techniques de vente et comportements envers la clientèle?
- Quelles seront les répercussions sur les employés de l’équipe de vente perçus comme en difficulté, comme offrant une performance satisfaisante, élevée, exceptionnelle, les hauts potentiels, etc.?
- Comment les indicateurs affecteront- ils la motivation des employés et leurs comportements envers leurs collègues, supérieurs immédiats, subordonnés? Auront-ils l’effet d’augmenter la compétitivité entre collègues ou plutôt la coopération?
La clientèle
- Sentira-t-elle que l’équipe de vente se préoccupe de ses besoins et attentes et y répond efficacement?
- Trouvera-t-elle qu’on lui consacre le temps nécessaire et qu’on la met au premier plan?
- Se sentira-t-elle manipulée par la force de vente (ex. : environnements où l’utilisation de sondages de satisfaction incite les représentants à demander aux clients de leur octroyer une évaluation exceptionnelle afin d’accroître leurs bonis)?
L’entreprise
- Quel est l’impact anticipé sur le rendement de l’entreprise à court et moyen termes?
- Quel impact anticipe-t-on à long terme?
Cette analyse mettra en lumière les effets tant positifs que négatifs de chaque indicateur. Sachant qu’il n’existe pas de solution parfaite, il faut prévoir que, malgré les efforts déployés pour optimiser l’efficacité des indicateurs de rendement, chacun d’eux engendrera certains effets collatéraux négatifs qui seront le pendant inévitable de ses effets positifs. Il revient donc à chacun d’évaluer les avantages et inconvénients des indicateurs à tous les niveaux et de sélectionner celui ou ceux qui, globalement, contribueront à motiver la force de vente et à orienter ses efforts sur le succès et la pérennité de l’entreprise.
Denis Khlat, CRIA, président, Khlat Cabinet Conseil en Ressources Humaines
Source : Effectif, volume 15, numéro 4, septembre/octobre 2012.